: Témoignage Afghanistan : face à la volonté des talibans de réduire les femmes au silence, "Radio Begum" continue d'émettre
A distance et dans la cladestinité, cette radio dispense des cours à l'attention des Afghanes privées d'écoles secondaires.
Une radio face au pouvoir des talibans. Son nom : Radio Begum, qui signifie "Radio des reines" en persan, émet en FM dans 10 des 34 provinces d'Afghanistan. Au micro, quinze animatrices et journalistes qui dispensent chaque jour inlassablement des cours à l'attention des Afghanes privées, entre autres, d'écoles secondaires. Radio Begum propose ainsi tout au long des six heures d'antenne quotidienne des cours de la cinquième à la terminale.
Une radio par et pour les femmes
Pour pouvoir continuer d'émettre, Hamida Aman, la fondatrice de Radio Begum, doit se conformer aux directives du ministère du Vice et de la Vertu : "La ligne éditoriale de Radio Begum, et c'est ce qui fait qu'on est encore en vie, c'est que nous ne touchons absolument pas à la politique ni aux talibans. Mais, par contre, lorsqu'il y a des nouvelles qui touchent les femmes ou l'éducation, là, on en parle, on parle des droits des femmes, mais en utilisant le prisme de l'Islam."
En dehors des cours d'histoire-géographie, de théologie ou de cours d'anglais, des émissions abordent des sujets très intimes, dans la limite de ce qui est permis par les talibans. "Chaque jour, une gynécologue vient animer une émission d'une heure où elle donne des conseils, où elle répond aux appels des auditrices, explique Hamida Aman. C'est une consultation téléphonique. Il va sans dire que c'est une émission qui est très, très courue, comme le soutien psychologique, parce que tout le monde en dépression."
"C'est terrible d'entendre les appels de jeunes filles qui sont de plus en plus jeunes à parler de suicide."
Hamida Aman, la fondatrice de Radio Begumà franceinfo
De nombreuses jeunes Afghanes sont en dépression depuis que les fondamentalistes leur ont interdit de se rendre à l'école, à l'université, d'aller dans les parcs, les bains publics, les gymnases. Chaque jour, Hamida Aman, qui porte cette radio comme son propre enfant, est suspendu au bon vouloir des autorités. Et elle le sait : tous ont "un couperet au-dessus de la tête" et la radio peut "s'arrêter à n'importe quel moment". Ce couperet est déjà tombé pour les ONG, qui ne peuvent plus employer de femmes. "Nous n'avons pas d'autre choix que de nous plier aux règles", concède Hamida Aman. Consciente d'être, selon ses mots, "un petit phare qui éclaire un océan de malheurs".
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