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Séisme en Turquie et en Syrie : trois questions sur le tremblement de terre dans cette région où "trois plaques tectoniques s'affrontent"

Un terrible séisme de magnitude 7,8 a frappé le sud de la Turquie et la Syrie voisine, lundi matin. Le bilan est très lourd avec des milliers de morts déjà comptabilisés.
Article rédigé par franceinfo - avec Armêl Balogog
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4 min
Des habitants de Sarmada recherchent des survivants dans les décombres des bâtiments effondrés à la suite d'un tremblement de terre qui a touché la ville située au nord-ouest de la Syrie, le 6 février 2023. (MUHAMMAD HAJ KADOUR / AFP)

Dans la matinée du lundi 6 février, un séisme de magnitude 7,8 a frappé le sud-est de la Turquie et la Syrie voisine. Ce tremblement de terre a fait près de 1 700 morts dans les deux pays et a causé de nombreux dégâts. Quelques heures après le premier tremblement de terre, un nouveau séisme de magnitude 7,5 a frappé le sud-est de la Turquie.

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1 Pourquoi les séismes sont aussi fréquents dans cette région ?

La région a déjà connu de nombreux séismes. En Turquie, le 17 août 1999, un tremblement de terre avait causé la mort de 17 000 personnes, dont un millier à Istanbul. L'épicentre du séisme de lundi se situe dans le sud-est du pays, dans une province, au nord de Gaziantep. Il a eu lieu sur ce qu'on appelle une "faille active". Une faille, c'est une cassure de la croute terrestre, c'est-à-dire la lisière entre deux plaques tectoniques. Elle peut être "fossile", quand elle est inactive : c'est une sorte de témoin de mouvements tectoniques passés. En revanche, une faille est active quand elle présente toujours un risque.

Dans le cas du séisme de lundi, il a eu lieu "sur la partie sud-ouest de la faille est-anatolienne", souligne Jean Virieux, sismologue et professeur émérite à l'université de Grenoble-Alpes. Cette faille est liée à la plaque anatolienne, elle-même coincée entre trois plaques tectoniques : eurasiatique, africaine et arabique.

"C'est un point triple où trois plaques tectoniques s'affrontent la plaque anatolienne qui glisse vers l'ouest par rapport à la plaque arabique, tout cela coincé par la plaque africaine."

Jean Virieux, sismologue 

à franceinfo

Plaques tectonniques dans la région du séisme en Turquie et en Syrie, le 6 février 2023. (FRANCEINFO)

La faille est-anatolienne s'étire sur plusieurs centaines de kilomètres et elle est très active. Une plaque glisse tout doucement sous l'autre. Elle bouge de plusieurs millimètres par an. Ce mouvement crée une contrainte, une sorte de pression, et cette contrainte, à un moment, doit être relâchée. C'est là que se produit le séisme. Jean Virieux explique que "la région devait subir ce genre de séismes" car "elle représente un point de blocage". Il s'agit "d'un séisme 'transformant', 'décrochant', c'est un glissement entre deux plaques tectoniques", explique 

2 Des répliques vont-elles avoir lieu ?

Un nouveau séisme de magnitude 7,5 a frappé le sud-est de la Turquie, lundi, quelques heures après le premier tremblement de terre. Pour Christophe Voisin, sismologue au CNRS, ce second séisme d'une magnitude de 7,5 n'est pas une réplique mais est "vraiment un second tremblement de terre qui aura sa propre séquence de répliques". Ce séisme "est localisé à une centaine de kilomètres du premier". Pour le sismologue, "on peut parler d'un séisme tout aussi important, mais qui a été déclenché, probablement par le premier qui a eu lieu cette nuit".

"C'est une réplique inhabituelle de par sa magnitude qui est comparable à celle du choc principal de la nuit. Vu les distances pour les secouristes qui sont sur place, la zone à couvrir est immense."

Christophe Voisin, sismologue au CNRS

à franceinfo

Le sismologue Christophe Voisin s'attend "pour chacun des deux gros tremblements de terre à des répliques qui vont atteindre la magnitude 6 sans grande difficulté. Quand les ruptures atteignent la surface, l'amplitude des ondes qui va générer des destructions est décuplée. Les conditions sont réunies encore une fois pour avoir un bilan très lourd."

3 Pouvait-on prévoir ces séismes ?

Les spécialistes s'attendaient bien à des séismes dans cette zone, du fait de la pression entre les trois plaques tectoniques. Mais il est impossible de savoir quand et où un séisme va se produire. Une faille est considérée comme active si elle a eu des mouvements récents, mais aussi si on peut retrouver dans le sol des traces de mouvements datant de ces derniers milliers d'années, voire dizaines de milliers d'années. Mais s'il est difficile de prévoir des séismes dont les causes remontent à aussi longtemps, "c'est un séisme qu'on attendait dans la région", explique Jean Virieux.

Selon le professeur émérite à l'université de Grenoble-Alpes et à l'institut des sciences de la Terre, les différentes modélisations et les enregistrements grâce aux réseaux GPS, qui avaient été installés en 2009-2010, 2011 et 2020, ont conduit à des modèles qui atteignaient ces magnitudes de 7,2 à 7,6 dans cette région. "Les ingénieurs parasismiques turcs sont connus pour leur excellence scientifique en termes de préconisations, de construction parasismique", souligne le sismologue. Mais si la Turquie a un bon réseau sismologique, selon Jean Virieux elle pêche peut-être, et probablement la Syrie, "sur l'application de ces règles parasismiques".

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