Plan eau : qu'est-ce que la "tarification sociale" de l'eau que le gouvernement souhaite généraliser ?

La mesure, déjà expérimentée dans certaines agglomérations, prévoit de facturer les premiers mètres cubes d'eau, essentiels, à un prix modeste.
Article rédigé par franceinfo
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La tarification sociale de l'eau est expérimentée depuis une dizaine d'années dans certaines communes. (SEBASTIAN GOLLNOW / DPA / AFP)

Plus on consomme, plus on paie. C'est la logique de la tarification progressive de l'eau. Emmanuel Macron, qui présentait son plan eau jeudi 30 mars dans les Hautes-Alpes, souhaite généraliser cette mesure "responsabilisante". "L'objectif du plan doit être de garantir à tous les Français un accès à une eau potable de qualité pour les besoins essentiels", a précisé le chef de l'Etat.

Concrètement, la tarification progressive de l'eau prévoit que les premiers mètres cubes, correspondant aux usages domestiques et quotidiens, soient facturés à un prix modique. Au-delà, l'eau sera plus chère. "C'est normal pour les consommations que j'appellerais 'de confort'", a jugé Emmanuel Macron. Le but de ce dispositif est de cibler les plus gros consommateurs d'eau et d'"inciter à la sobriété". Le chef de l'Etat souhaite que cette tarification progressive s'applique "pour tout le monde".

De l'eau moins chère pour les besoins essentiels

L'agglomération de Dunkerque (Nord) est une pionnière en la matière. En 2012, elle a été la première à mettre en place une tarification éco-solidaire de l'eau. Là-bas, le tarif le plus bas est de 1,28 euro par mètre cube. Ceux qui consomment entre 80 et 200 m3 payent 2,30 euros et, au-delà, c’est 3,10 euros le mètre cube.

Dans 14 communes de la métropole de Montpellier, les 15 premiers mètres cubes d'eau sont gratuits depuis le 1er janvier 2023. Ensuite, c'est 95 centimes d'euro le mètre cube, jusqu'à 120 m3 ; 1,40 euro entre 120 et 240 m3, puis 2,70 euros au-delà de 240 m3. Mais ce barème ne s'applique que pour ceux qui disposent d'un compteur individuel. Les ménages disposant d'un compteur collectif paient un tarif unique de 1,16 euro par mètre cube consommé. En outre, une aide sera versée directement aux ménages les plus précaires, qu'ils aient un compteur individuel ou collectif.

"Une famille qui remplira sa piscine de 60 mètres cubes augmentera fortement sa consommation, donc sera facturée plus cher pour les derniers mètres cubes", illustrait le vice-président de la métropole de Montpellier en charge de l'eau, René Revol, à France 3 Occitanie, en novembre. "C'est aussi en partie cette péréquation qui permettra de financer la gratuité des premiers mètres cubes."

Une mesure parfois freinée par les coûts de gestion

Parmi les villes qui ont expérimenté ce système, 41 collectivités territoriales représentant 11 millions de personnes ont décidé de poursuivre cette politique sociale de l'eau en 2020, selon la mission flash de la commission du développement durable de l'Assemblée nationale sur la politique sociale de l'eau (document PDF). Ce rapport conjoint des députés Lionel Causse (Renaissance) et Hubert Wulfranc (Parti communiste) a analysé les expérimentations mises en place depuis 2013, et appelle à généraliser la tarification progressive, mesure à la fois "écologique" et "sociale". Ils identifient toutefois certaines difficultés.

Le rapport pointe notamment les coûts de gestion, qui peuvent être élevés pour les collectivités. La métropole de Rouen a par exemple renoncé à cette mesure, à cause des coûts entraînés par l'analyse de la consommation personnalisée de chaque foyer. "En habitat collectif, l'installation d'un compteur d'eau individuel dans chaque appartement, permettant de mesurer la consommation par foyer, peut se traduire par un surcoût élevé, en particulier pour les petits immeubles", notent également les députés.

La tarification progressive de l'eau trouve aussi ses limites dans le cas des familles nombreuses. "Si vous êtes seul ou si vous êtes plus de quatre personnes, les seuils sont inadaptés. On a observé que des familles nombreuses, par exemple, se retrouvent avec une augmentation de prix très importante, sans possibilité de réduire leur facture ou leur consommation", expliquait Alexandre Mayol, maître de conférences en économie à l'université de Lorraine, sur franceinfo, en janvier. Certaines communes mettent donc en place des aides financières supplémentaires pour ces familles.

Sensibiliser les consommateurs

Au-delà des tarifs, le barème progressif permet de sensibiliser les habitants à leur consommation. "On n'envoie pas juste un prix et puis débrouillez-vous avec ça, on accompagne vraiment la mesure. La ville de Dunkerque a, par exemple, envoyé des économiseurs d'eau à tous les ménages", explique Alexandre Mayol, qui a étudié le cas de la collectivité nordiste, à Libération (article payant).

Et cela a vite porté ses fruits : la consommation des 240 000 habitants de l'agglomération dunkerquoise a baissé. "On a réduit d'une quinzaine de mètres cubes la consommation par foyer", explique Bertrand Ringot, le maire de Gravelines (Nord), et président du syndicat de l'eau du Dunkerquois. Car sans consommation raisonnée, l'eau ne coulera pas éternellement du robinet.

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