Cet article date de plus de dix ans.

Typhon Haiyan : "Pour l'instant, il faut penser l'aide à court terme"

Rony Brauman, ancien président de Médecins sans frontières, met en garde contre les erreurs que les secours ne doivent pas commettre aux Philippines.

Article rédigé par Benoît Zagdoun - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Des victimes du typhon Haiyan attendent d'être évacuées, à l'aéroport de Tacloban (Philippines), le 12 novembre 2013. (PHILIPPE LOPEZ / AFP)

Aux Philippines, les rescapés du typhon Haiyan appellent à l'aide. Face à l'ampleur des dégâts provoqués par l'une des tempêtes tropicales les plus puissantes à avoir jamais touché terre, la communauté internationale se mobilise.

Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, le Japon, la Corée du Sud, l'Australie, l'Indonésie, mais aussi le Programme alimentaire mondial et l'agence des Nations unies pour les réfugiés : Etats et organisations non gouvernementales envoient leurs équipes et leurs matériels et promettent des millions d'euros d'aide.

Cet élan de solidarité planétaire rappelle celui qui a suivi le séisme en Haïti en 2010, ou le tsunami en Asie en 2004. Des erreurs avaient alors été commises. Comment éviter qu'elles se répètent ? Francetv info a interrogé Rony Brauman, ancien président de Médecins sans frontières.

Francetv info : Cet afflux soudain d'aide humanitaire ne risque-t-il pas d'être contre-productif ?

Rony Brauman : Après un cataclysme comme celui-ci, le pays est ouvert, tout le monde peut entrer. Et il y a toujours un grand nombre de personnes qui se sentent pousser des ailes et veulent aider. Ces ONG tendent à être plus encombrantes qu'utiles. Mais cela fait partie de la pagaille des catastrophes.

Sur le terrain, il faut être expérimenté et autonome, car il n'y a pas de règle toute faite. Mais dans un premier temps, ce qui est conseillé c'est d'arriver sur place, de circuler un peu, de constater quelle zone en particulier a besoin d'aide et de se mettre en situation d'en apporter. Il faut procéder par ordre : envoyer du matériel, comme des purificateurs d'eau pour rétablir les accès à l'eau potable ou des tentes pour reloger les sinistrés, monter des dispensaires pour les soigner. 

Il ne faut surtout pas expédier des médicaments, comme cela a été fait après le tsunami en Asie, mais organiser l'approvisionnement à partir des ressources locales. Vider ses armoires à pharmacie créerait plus de problèmes qu'autre chose. Il faudrait d'abord acheminer les médicaments. Ensuite, sur place, ils seraient inutiles, ils ne correspondraient pas forcément aux besoins et de toute façon, les notices ne seraient pas traduites dans la langue locale. Il ne resterait donc plus qu'à les détruire. En revanche, ce que chacun peut faire, à son niveau, c'est donner de l'argent pour financer l'aide. [Comme de nombreuses ONG, Médecins sans frontières a d'ailleurs lancé un appel aux dons.]

Comment organiser pareille opération humanitaire ?

Il faut espérer que le gouvernement philippin s'occupe de l'organisation et de la coordination des opérations de secours. Car dans ces situations, ce sont les pouvoirs publics qui ont une vue d'ensemble, et non les ONG qui agissent là où elles se trouvent et là où elles peuvent. Relayées par l'ONU, les autorités locales peuvent orienter l'action des secours étrangers. Sinon, les Nations unies s'en chargeront. Elles sont légitimes et ont des personnels expérimentés. Et elles tenteront de faire mieux qu'en Haïti. [Un contingent de l'ONU avait été accusé d'avoir introduit l'épidémie de choléra sur l'île déjà dévastée par le tremblement de terre, comme le rapportait Le Figaro.]

Mais ne perdons pas de vue que les secours étrangers ne représentent qu'une petite partie de l'effort de secours. L'essentiel, c'est ce qu'on ne voit pas : l'entraide locale entre les habitants, au quotidien. Avec, en parallèle, le déploiement de l'armée qui a les engins et les moyens nécessaires pour déblayer les décombres, rétablir les voies de communication et assurer la sécurité.

Le danger n'est-il pas d'oublier l'aide à long terme ?

Pour l'instant, il faut penser à court terme. On est dans une phase de secours d'urgence. La population philippine n'est pas menacée de mort et il n'y a pas de risque d'épidémie ou de réplique. Mais les sinistrés n'ont pas mangé depuis plusieurs jours, ils manquent d'eau, ils ont aussi besoin de changer de vêtements et de trouver un abri. C'est une étape à mettre en œuvre dans les deux à trois jours qui viennent. Ce qui est à l'ordre du jour, c'est une dimension humaine fondamentale. 

Après se posera la question de la reconstruction et de son financement. Les Etats et les organisations internationales feront leurs propositions et offriront de l'argent pour financer les projets. Les ONG pourront jouer un rôle significatif à l'échelle des petites collectivités, mais pas à l'échelle d'une ville ou d'une province. La reconstruction est donc à 90 ou 95% une affaire d'Etat.

Bien sûr, il y a une dimension de "business", puisqu'il s'agit de chantiers de travaux publics pour lesquels des entreprises vont êtres payées. En Haïti, les opérations de secours d'urgence ont été réussies, mais le grand échec a été la reconstruction. [Une partie des près de 8 milliards de dollars offerts par la communauté internationale pour reconstruire l'île n'est jamais arrivée à destination, racontait Le Monde.] Pour organiser la reconstruction, l'Etat a un rôle crucial à jouer. Aux Philippines, les autorités vont devoir être actives. 

Consultez lamétéo
avec
voir les prévisions

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.