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Secours aux Philippines : les erreurs à ne pas rééditer

Des voix s'élèvent pour éviter que se reproduise le scénario de l'après-tsunami de 2004 en Asie, marqué par une mauvaise gestion de la part de certaines ONG.

Article rédigé par Yann Thompson
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Un hélicoptère militaire apporte de l'aide d'urgence aux sinistrés du typhon Haiyan, le 11 novembre 2013, à Tacloban (Philippines). (ERIK DE CASTRO / REUTERS)

Après la catastrophe, les secours se déploient. De nombreux Etats et organisations non gouvernementales ont annoncé des mesures d'aide aux survivants du typhon Haiyan, qui a dévasté les Philippines, samedi 9 novembre. Chacun y va de sa promesse, les initiatives se multiplient, dans un vaste élan de solidarité rappelant ceux qui ont suivi de précédentes catastrophes naturelles. Avec quelle efficacité ?

Des voix s'élèvent pour mettre en garde contre une répétition des erreurs commises après le tsunami de 2004, qui avait fait 275 000 morts en Asie, ou à la suite du séisme de 2010, qui avait tué 250 000 personnes en Haïti. Francetv info revient sur la difficile organisation de l'humanitaire d'urgence et rappelle les leçons du passé.

Se précipiter sur le terrain

Un envoi trop massif d'aide peut nuire à l'efficacité des secours. "La bonne volonté qui se manifeste un peu partout dans le monde produit un afflux ingérable de toutes sortes de biens, explique Paul Arbon, directeur du Torrens Resilience Institute, un centre de recherche australien sur l'aide d'urgence. Cela crée des points de congestion dans les ports et les aéroports, qui entravent une aide plus ciblée."

Délaisser la coordination

La gestion du tsunami de 2004 a révélé des situations aberrantes, comme le rapportait Indro Mattei, membre du Corps suisse d'aide humanitaire, dans le bulletin Medicus Mundi"Dans la phase immédiate, de multiples organisations actives dans le domaine de la santé ont envoyé leurs experts, afin de procéder à l’évaluation des besoins en médicaments, écrivait-il en octobre 2005. Ces experts arrivèrent à des conclusions identiques et firent acheminer les produits en quantité importante, mais sans aucune coordination entre elles."

D'où un afflux massif de médicaments et de matériel, dont la majorité "restera stockée quelque part dans l'attente de pouvoir être utilisée", au détriment de la logistique. "A Banda Aceh [Indonésie], parmi plus de 400 organisations humanitaires présentes sur le terrain, seules une ou deux se sont intéressées aux contraintes logistiques du circuit des médicaments", déplorait-il. S'en sont suivies des difficultés de stockage et de distribution, faute d'étagères ou de camionnettes.

Confondre aide et business

"La reconstruction est un marché pour certains, où chaque pays essaie de positionner ses propres entreprises", selon le chercheur belge Frédéric Thomas, auteur de L'échec humanitaire, le cas haïtien. Un sentiment partagé par le cinéaste haïtien Raoul Peck, réalisateur du documentaire Assistance mortelle. "On n’est pas dans le contexte d’une générosité aveugle et sans contrepartie, même si c’est souvent présenté comme tel", affirmait-il en mars, sur Levif.be.

Sous couvert d'altruisme, des industriels du médicament peuvent aussi agir à "des fins détournées telles que publicité, écoulement rapide de stocks proches de la date de péremption, recherche de déduction fiscale, etc.", indique Indro Mattei. Quitte à ce que les médicaments soient "libellés dans des langues incompréhensibles pour le personnel local"

Négliger le long terme

Les ONG impliquées dans l'aide d'urgence doivent savoir, le moment venu, laisser la place à la phase de reconstruction et aux acteurs compétents en la matière (Etat, agences locales, autres ONG...). Pourtant, certains acteurs outrepassent leurs missions. Ils imposent par exemple des programmes de logements "clé sur porte" déconnectés des enjeux de terrain, et destinés à figurer sur les brochures envoyées aux généreux donateurs.
 
En 2006, Rony Brauman, de Médecins sans frontières, évoquait des "programmes d’aide dont l’utilité est évidente pour leurs salariés et leurs fournisseurs mais pour eux seuls". Et Frédéric Thomas de résumer le paradoxe en une phrase : "Le problème de l’humanitaire, c’est sa volonté de faire le bien."
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