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Ce qu'il faut retenir du rapport du Haut Conseil pour le climat, qui estime que la France "doit mieux faire"

"La réponse de la France au réchauffement climatique progresse mais reste insuffisante", estime l'institution dans son rapport annuel publié mercredi.

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Des éoliennes dans un champ à Moult-Chicheboville (Calvados), le 21 mai 2022.  (SAMEER AL-DOUMY / AFP)

A l'encre rouge à la marge du bulletin de notes, le Haut Conseil pour le climat (HCC) écrit le commentaire suivant : "Doit mieux faire". L'institution indépendante, chargée depuis 2019 d'éclairer les politiques de lutte contre le réchauffement climatique, a publié son rapport annuel mercredi 29 juin. Dans ce document de 180 pages, elle relève que "les impacts du changement climatique s'aggravent en France". Et de citer les récents épisodes de sécheresse, les vagues de chaleur ainsi que les pluies extrêmes, responsables d'inondations... L'évaluation du Haut Conseil pour le climat est sans appel : "La réponse de la France au réchauffement climatique progresse mais reste insuffisante." Franceinfo liste les principaux enseignements de ce bilan. 

Le rythme annuel de réduction des émissions de gaz à effet de serre doit doubler

Agriculture, énergie, industrie, transports... "Tous les grands secteurs émetteurs connaissent désormais une baisse de leurs émissions", note le HCC. Après la baisse des émissions de gaz à effet de serre liée à l'impact économique de l'épidémie de Covid-19, les émissions ont de nouveau augmenté en France d'environ 6,4% de 2020 à 2021. Ce niveau d'émissions tous secteurs confondus  qui atteint 418 millions de tonnes équivalent CO2 (Mt éqCO2) – restent toutefois 3,8% en-dessous du niveau de 2019 et 23,1% en-dessous du niveau de 1990, détaille le rapport.

Le rythme de réduction de ces émissions sur la période 2019-2021, marquée par la pandémie, s'élève à -1,9% par an, contre -1,7 % par an observé lors de la décennie 2010-2019. Or, cela reste insuffisant pour répondre aux objectifs de la France, estime le HCC. Surtout, ces objectifs doivent encore être considérablement rehaussés au regard des ambitions portées par l'Union européenne à travers le paquet de mesures "Fit for 55", en cours de discussions à Bruxelles, souligne le HCC. Rehausser les objectifs (de -40% à -50% d'émissions brutes en 2030 par rapport à 1990) "implique un doublement du rythme annuel de réduction des émissions pour atteindre environ -16 Mt éqCO2 en moyenne sur la période 2022-2030", contre -8,1 Mt éqCO2 depuis 2010, détaille le HCC.

En France, le secteur le plus émetteur reste celui des transports (31%), devant l'agriculture et l'industrie (19% chacun), le bâtiment (18%) et l'énergie (11%). Le secteur forêts-bois et utilisation des terres permet quant à lui de contrebalancer environ 4% des émissions nationales. 

Les politiques publiques sont encore trop peu alignées sur les ambitions

Le budget carbone de la France – la quantité de carbone qu'elle s'autorise à émettre chaque année  est inscrit dans la Stratégie nationale bas carbone (SNBC). Sorte de feuille de route du gouvernement en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, elle comporte 25 orientations. Selon le HCC, seules six de ces orientations se traduisaient en 2021 par des mesures à la hauteur des ambitions, estime-t-il. Les "niveaux de performance des bâtiments neufs", le "soutien aux technologies de rupture dans le cadre du plan de relance dans l'industrie" ou encore la "production d'énergie décarbonée dans l'agriculture" figurent dans cette liste.

Quinze orientations bénéficient de mesures "qui sont ponctuellement en phase" avec la SNBC, poursuit le Haut Conseil pour le climat, et quatre autres sont "en déphasage". Le HCC a identifié ces ratés. Faisant la promotion de l'efficacité et de la sobriété énergétique, le rapport pointe des "politiques de rénovation des bâtiments trop rarement fléchées vers la rénovation complète". Il relève par ailleurs des insuffisances sur le levier de l'"efficacité énergétique", une trop importante "consommation d'énergies fossiles" et un "signal-prix dans les transports" insuffisant et donc incapable de faire évoluer les usages. Avec un tel bilan, "des risques majeurs de ne pas atteindre les objectifs fixés par la France pour la réduction des gaz à effet de serre persistent", s'inquiète l'institution. 

Plus globalement, le HCC demande aux politiques d'appuyer sur l'accélérateur pour fonder une société "bas carbone". Condition du succès, il insiste sur l'approche sociale et équitable qui doit sous-tendre ces transformations. Il préconise, entre autres, "des dispositifs d'accompagnement et, plus largement, de réduction des inégalités, afin de réduire la vulnérabilité des ménages les plus modestes aux coûts de transition". Et ce jusqu'au "redéploiement des métiers et des compétences potentiellement menacés par les politiques climatiques".  

La planification écologique commence tout juste à prendre forme

Le HCC se félicite de voir qu'en 2021, "la gouvernance de la transition climatique a été renforcée". En France, pour la première fois, la Première ministre est en charge la planification écologique, épaulée par deux ministres : à la Planification énergétique et à la Transition dans les territoires. Un pas dans la bonne direction pour le HCC qui invite à "décliner de manière opérationnelle la planification écologique centrée sur le Premier ministre", à "adopter une vision d'ensemble d'une transition climatique juste" et à "décliner à toutes les échelles lors de la coconstruction de la Stratégie française sur l'énergie et le climat". 

Calendrier et suivi des grands chantiers de la transition écologique, programmation pluriannuelle des financements climat intégrés au cadre budgétaire, moyens et pouvoirs aux agences de l'état concernées... Pour passer de l'ambition à l'action, l'objectif climatique doit infuser les différentes strates de l'Etat, explique le rapport, qui salue par ailleurs "la mise en place de plans d'action climat par plusieurs ministères et l'effort de sanctuarisation des financements publics".  

La France n'est pas prête à faire face au réchauffement climatique

"Si les actions d'adaptation sont locales, une vision stratégique globale et nationale, qui anticipe les impacts du réchauffement et les relocalisations, est nécessaire", souligne encore le HCC, mettant en garde contre le "risque important" de la "maladaptation". "La France n'est pas prête à faire face aux effets du réchauffement climatique", tranche le rapport, qui détaille abondamment les effets déjà perceptibles en France de la hausse moyenne des températures.

Dans un contexte de crises énergétique et alimentaire déclenchées par l'invasion de l'Ukraine par la Russie, le HCC souligne que "la réponse de la France doit privilégier les actions contribuant à la résilience aux chocs externes et à la réduction accélérée des émissions de gaz à effet de serre". Alors que la France a annoncé la possible réouverture de la centrale à charbon de Saint-Avold, il rappelle que "les mesures d'urgence (...) pourraient avoir des conséquences structurelles sur la trajectoire d'émissions à long terme, et nuire à l'atteinte des objectifs climatiques sectoriels si ces mesures sont maintenues sur le long-terme". 

Dans ce rapport, l'institution met enfin en lumière l'imbrication de la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et de la résilience face aux crises. Ainsi, "la sobriété" permet "de renforcer l'indépendance aux importations d'énergies fossiles et d'engrais minéraux, tout en poursuivant les objectifs climatiques", explique le HCC. De même, poursuit le rapport, "l'accélération du déploiement des énergies renouvelables et l'évolution des pratiques de production agricoles vers moins d'engrais azotés minéraux peuvent contribuer à la baisse des émissions, tout en réduisant la dépendance commerciale vis-à-vis de la Russie et d'autres pays"

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