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Nuisances aériennes : "Dès qu'un avion disparaît, on aperçoit le suivant à l'horizon"

Environ 150 militants et élus locaux ont manifesté, mardi, devant le ministère de l'Ecologie, à Paris, pour protester contre la pollution et le bruit causés par le trafic aérien des aéroports franciliens.

Article rédigé par Vincent Matalon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
François Flamand (à droite, avec une pancarte), au milieu d'autres militants anti-nuisances aéroportuaires, mardi 10 novembre 2015 devant le ministère de l'Ecologie, à Paris. (MAXPPP)

"Ségolène, kérosène !" Réunis à Paris devant le ministère de l'Ecologie, mardi 10 novembre, quelque 150 membres d'associations de riverains, accompagnés d'élus d'Ile-de-France, donnent de la voix. Entre deux vrombissements d'avions en train de décoller crachés à plein volume par des enceintes, ils protestent contre les nuisances provoquées par les deux principaux aéroports de la région parisienne, Roissy-Charles-de-Gaulle et Orly. De l'autre côté du boulevard Saint-Germain, une délégation a rendez-vous avec des représentants du gouvernement.

Lorsqu'elle sort du ministère, l'ambiance devient plus électrique. "Nous espérions que Ségolène Royal nous écoute, mais nous n'avons été reçus que par le directeur de cabinet d'Alain Vidalies [le secrétaire d'Etat aux transports]", s'agace Jean-Pierre Blazy, député-maire PS de Gonesse (Val-d'Oise), sous les huées des militants. "Nous parlions santé et pollution, on nous répondait emploi, sans nous faire la moindre proposition. Les pouvoirs publics ne nous prennent pas au sérieux", ajoute Patric Kruissel, président de l'Advocnar, l'une des principales associations anti-nuisances aéroportuaires.

Trois fois plus de pollution à l'azote que sur le périphérique

Pour mieux comprendre le quotidien des riverains touchés par ces désagréments, François Flamand, informaticien à la retraite de 67 ans, nous a accueillis plus tôt dans la journée dans sa maison d'Eaubonne (Val-d'Oise). "Vous avez de la chance, aujourd'hui le vent vient de l'Ouest, il y aura un peu moins de bruit !" sourit-il, ironique, en ouvrant le portail de son jardin. 

François Flamand, militant de l'association anti-nuisances aéroportuaires Advocnar, mardi 10 novembre 2015 dans son jardin d'Eaubonne (Val-d'Oise). (Vincent Matalon / Francetv info)

Déjà habillé de son T-shirt rouge vif barré de l'inscription "Stop airport expansion" ("arrêtez l'agrandissement de l'aéroport"), il entend profiter de la manifestation du soir pour presser le gouvernement de prendre des mesures pour lutter contre les pollutions émises lors des 693 200 mouvements d'avions recensés en 2014 par Aéroports de Paris (ADP), le gestionnaire de Roissy-Charles-de-Gaulle et d'Orly. 

Et les rejets polluants sont conséquents : selon l'association Airparif, qui mesure la qualité de l'air en Ile-de-France, les deux structures émettent trois fois plus d'oxyde d'azote, que le périphérique parisien, déjà asphyxié par les gaz polluants. L'oxyde d'azote est un puissant gaz à effet de serre et est défini comme toxique par le Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique. Egalement rejeté par les voitures, l'oxyde d'azote est notamment très néfaste pour les enfants asthmatiques.

"Il y a trente ans, nous dormions les fenêtres ouvertes"

Mais le principal cheval de bataille de François Flamand et de son association, ce sont les nuisances sonores. Elles sautent aux oreilles dans cette zone du département du Val-d'Oise, où les avions qui atterrissent ou décollent de Roissy, situé à une quinzaine de kilomètres à l'Est, saturent le ciel. "Nous ne sommes pas loin d'un passage par minute", peste le retraité de 67 ans. Dès qu'un avion disparaît, on aperçoit le suivant à l'horizon." 

Pour atténuer le son des vrombissements des moteurs, la famille Flamand a équipé sa maison de fenêtres à double vitrage phonique. "Dans certaines zones situées plus près de l'aéroport, le coût de l'installation est pris en charge par Aéroports de Paris", explique l'ancien informaticien en dépliant sur la table du salon une carte qui délimite ces aires spécifiques. 

François Flamand déplie le plan d'exposition au bruit, qui réglemente l'urbanisme au voisinage des aéroports, mardi 10 novembre 2015 dans sa maison d'Eaubonne (Val-d'Oise). (Vincent Matalon / Francetv info)

"Lorsque nous nous sommes installés à Eaubonne, il y a trente ans, nous dormions les fenêtres ouvertes durant l'été", se souvient Josette Flamand. Désormais, cette enseignante à la retraite dit être réveillée par les avions dès 5 heures du matin. "Mon sommeil est plus léger. Du coup, pendant la journée, je ne me sens plus aussi fonctionnelle qu'avant : j'ai du mal à penser, à terminer mes phrases..." se lamente-t-elle. La faute, explique son époux, à un couvre-feu mal respecté durant la nuit. De fait, l'aéroport de Roissy est le plus important aéroport européen en termes de trafic nocturne, comme le précise Le Monde (article payant), particulièrement en raison du grand nombre d'avions qui transportent du fret. 

"Depuis 2012, c'est le statu quo"

Le couple, qui avoue avoir voté pour François Hollande "sans grande conviction" en 2012, en vient presque à regretter le précédent gouvernement. "A la fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy, Nathalie Kosciusko-Morizet [alors ministre de l'Ecologie] nous avait reçus. Elle avait incité les avions à emprunter des voies aériennes moins urbanisées, et avait encouragé le remplacement des vieux moteurs par des récents, moins bruyants. Depuis, c'est le statu quo", déplore le retraité. "On a l'impression qu'en arrivant au pouvoir, le gouvernement a découvert tellement de problèmes qu'ils ont décidé de glisser celui-là sous le tapis. Il s'agit pourtant d'une question d'écologie, cela devrait être central !" renchérit sa compagne.

Pour manifester son mécontentement, François Flamand signale chaque passage d'avion excessivement bruyant à ADP en passant par une plateforme mise en place par le site de son association. "A chaque plainte, on nous répond qu'un dépassement a effectivement été répertorié, mais cela s'arrête souvent là. Il faudrait que davantage de riverains effectuent cette démarche", ajoute-t-il. Comme si les 60 000 signalements répertoriés par le site de l'Advocnar ne représentaient qu'une broutille.

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