2020, année la plus chaude en France : "Si rien n'est fait", les températures vont augmenter "de façon désastreuse" alerte Jean Jouzel
Météo France évoque une année "hors du commun" qui donne un nouveau signe du réchauffement climatique. Il faut agir vite estime le climatologue Jean Jouzel.
La France a connu en 2020 l'année la plus chaude jamais enregistrée a annoncé mardi Météo-France. "Ce que nous vivons aujourd'hui, c'est ce que nous, les climatologues, avions envisagé", explique Jean Jouzel, climatologue, glaciologue, membre de l’Académie des sciences et vice-président du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, invité de franceinfo mercredi 30 décembre. Avec une valeur moyenne sur l'ensemble du pays atteignant 14 °C, la température de l'année 2020 se classe au premier rang des plus fortes valeurs mesurées depuis 1900 par le prévisionniste.
franceinfo : Cette année 2020 est-elle un aperçu de ce qui nous attend dans le futur ?
Jean Jouzel : Bien sûr, c'est ce qui nous attend dans le futur. Prenons par exemple ma génération, ces températures que nous avons connues en moyenne en 2020, sont pratiquement deux degrés plus chaudes que celle que j'ai connues lorsque j'avais une quinzaine d'années, au début des années 60, à la fin des années 50. Donc, c'est vraiment quelque chose de perceptible. Ce que ce que nous vivons aujourd'hui, c'est ce que nous, les climatologues, avions envisagé. Donc effectivement, si rien n'est fait pour lutter contre le réchauffement climatique, il se poursuivra de façon importante et de façon désastreuse dans beaucoup de domaines. Le problème quand on parle de température moyenne sur 2020, c'est que les pics de température, les records de température, augmentent deux à trois fois plus rapidement que les températures moyennes. Et c'est la raison pour laquelle, presque chaque année, les records de température sont battus. Je n'osais jamais évoquer dans mes premières conférences des températures supérieures à 45 degrés en France. Et ça a été le cas, le record en France est maintenant de 46 degrés.
Avez-vous l'impression de ne pas avoir été écouté ?
Il aurait été effectivement beaucoup plus pertinent que nous soyons écoutés il y a une trentaine d'années. Ça a failli être le cas avec la convention climat en 1992 et le protocole de Kyoto. Mais ce qu'on constate, c'est que tout le monde était d'accord pour prendre des mesures pour que les émissions de gaz à effet de serre diminuent. Et en fait, elles ont continué à augmenter. Au cours des cinquante dernières années, elles ont été multipliées par deux. Ces émissions de gaz à effet de serre sont à l'origine de ce réchauffement climatique. Et pour 80%, c'est notre utilisation des combustibles fossiles. Il faut absolument prendre au sérieux les projections faites par les modélisateurs du climat. Mais aussi toutes les recommandations faites du côté des citoyens. Je suis très attaché à ces 150 citoyens du Haut conseil pour le climat qui nous disent que le plan de relance n'est quand même pas susceptible de nous mettre sur une trajectoire telle que nous devrions l'envisager.
Est-ce qu'il y a des signes concrets de cette augmentation des températures ?
Bien sûr, la nature change autour de nous. Les dates des vendanges continuent à se modifier, elles ont été avancées de pratiquement un mois depuis les années 50. Il suffit de regarder la nature autour de nous, les bourgeons au printemps arrivent plus rapidement, la floraison aussi. Il y a des problèmes avec des vagues de chaleur l'été. Si vous regardez aussi les cartes météo, la diminution de la glace de mer pendant l'automne est remarquablement bien documentée. Il y a deux fois moins de glace de mer dans l'Arctique qu'il y a une cinquantaine d'années. Il suffit de regarder autour de soi, même si vous n'avez pas envie de croire à la réalité d'un thermomètre, pour voir la réalité. Le réchauffement climatique, c'est aussi l'élévation du niveau de la mer qui se poursuit, avec un rythme qui s'accélère. Cette accélération a été prévue. Donc le message est clair, il faut absolument prendre au sérieux les projections.
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