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Sécheresse : faut-il craindre une pénurie de lait dans les prochains mois ?

La sécheresse historique en France fait craindre une grosse tension sur ce marché d'ici à l'hiver prochain. Les producteurs laitiers demandent une augmentation du prix de vente pour faire face à la chute de la production.

Article rédigé par franceinfo
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Des bouteilles de lait dans un supermarché, à Gétigné (Loire-Atlantique), le 31 mai 2022. (MATHIEU THOMASSET / HANS LUCAS)

Après les tensions sur la moutarde et l'huile, verra-t-on certains produits laitiers disparaître des rayons des supermarchés ? "Je pense que dans les mois qui viennent, on va avoir une pénurie de lait en France", a alerté Yannick Fialip, éleveur et président de la commission économique de la FNSEA, vendredi 5 août sur franceinfo.

En effet, les mauvaises récoltes, les fortes chaleurs et le manque d'eau font craindre une forte baisse de la production de lait dans l'Hexagone. Ce qui pourrait entraîner une hausse des prix des produits laitiers ou la raréfaction de certains d'entre eux.

La température grimpe, la production de lait chute

Le mois de mai a été anormalement chaud et sec. Puis plusieurs épisodes de canicule ont marqué les mois de juin, juillet et août, accompagnés d'une sécheresse historique, "la plus marquée des soixante-dix dernières années", selon Christian Huyghe, directeur scientifique Agriculture de l'Inrae.

En raison de ces événements climatiques exceptionnels, les agriculteurs ont été contraints d'effectuer leurs récoltes plus tôt cette année. La quantité et la qualité des récoltes en pâtissent et les éleveurs craignent de manquer de fourrage pour nourrir les bêtes cet hiver. En effet, la production d'herbe a baissé de 21% au 20 juillet par rapport à la normale, selon le ministère de l'Agriculture, à une période où les vaches laitières se nourrissent en grande partie au pâturage. En plein été, certains agriculteurs sont ainsi contraints d'entamer leurs réserves de fourrage destinées à l'hiver.

Par ailleurs, les épisodes caniculaires ont engendré une perte de production de lait. Avec les fortes chaleurs, les vaches s'alimentent moins, ce qui diminue la quantité de lait produite. "On perd 220 euros par jour rien que par l'effet canicule", estime un éleveur au micro de France 3. Pour pallier cet effet, certains agriculteurs investissent dans des ventilateurs pour aider leur cheptel à supporter la chaleur. Un moyen de redonner de l'appétit aux vaches, mais également de limiter leur consommation d'eau. "Une vache boit en moyenne 80 litres d'eau par jour, ça passe à 150 litres quand il fait trop chaud", estime un éleveur d'Archignac (Dordogne) pour France Bleu.

Des éleveurs contraints de se séparer d'une partie de leur cheptel

Face à la canicule et à la sécheresse, certains agriculteurs optent pour une solution radicale : vendre des bêtes ou amener à l'abattoir une partie de leur cheptel, afin de réduire leurs charges. "Ce qu'il va se passer pour les éleveurs laitiers, c'est qu'ils vont faire abattre certaines de leurs vaches pour moins dépendre de la météo", estime un agriculteur de Moselle à France Bleu Lorraine. En se séparant d'une partie de leurs bêtes, les éleveurs espèrent limiter la casse. Leur stock de fourrage étant faible, il leur faut adapter l'effectif de leur cheptel.

Une autre solution serait d'acheter de l'alimentation animale pour compléter les stocks de fourrage, mais une telle dépense est inenvisageable pour la très grande majorité des éleveurs. Les prix des aliments pour les vaches laitières a augmenté de 25,9% en mai par rapport à mai 2021, selon le ministère de l'Agriculture. Le plus rentable reste donc de se séparer d'une partie des animaux.

Une hausse des prix à prévoir

Selon Benoît Rouyer, directeur économique du Centre national interprofessionnel de l'économie laitière (Cniel), il y aura encore du lait dans les rayons cet hiver, mais un "manque de lait" pourrait se faire ressentir et les prix – non seulement du lait mais aussi de l'ensemble des produits laitiers – vont augmenter en conséquence. "Globalement, un manque de lait va induire une diminution des possibilités de produire du beurre, de la crème, des briques de lait, des fromages... Et quand vous avez un manque de produit, qu'importe la filière, il y a un impact sur le prix", prévient-il.

En un an, l'inflation généralisée des prix en raison de la hausse du prix du pétrole a déjà fait grimper les prix des produits laitiers. Le prix des yaourts a augmenté de 4,5% entre juin 2021 et juin 2022, le lait demi-écrémé en brique ou en bouteille de 4,5%, le beurre de 9,8% et le fromage de 5,2%.

Pourtant, les producteurs de lait français vendent encore leur litre moins cher qu'ailleurs en Europe. En mai 2022, le prix du lait de vache payé aux producteurs était à environ 427 euros les 1 000 litres en moyenne. En comparaison, "en Allemagne, la tonne de lait coûte 480 euros. En Belgique, c'est environ 500 euros et aux Pays-Bas, on monte à 540 euros les 1 000 litres", explique Thierry Roquefeuil, président de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL)Pour faire face à la baisse de la production qui s'annonce dans les prochains mois, la présidente de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), Christiane Lambert, demande aux distributeurs d'augmenter leurs prix de vente. Le principal syndicat agricole demande par ailleurs la création d'un dispositif d'assurance contre les risques climatiques, dans un communiqué publié sur Twitter.

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