Invité : Jean-Claude Carrière, "L'Argent, sa vie, sa mort"

Claude Carrière. Bonjour et merci d'être avec nous pour "L'Argent, sa vie, sa mort", publié chez Odile Jacob. Pourquoi aviez-vous envie d'écrire ce livre sur l'argent, d'en faire le personnage principal, le sujet d'une biographie.

Jean-Claude Carrière: depuis plusieurs années, je ne comprenais plus ce qui se passait Et dans ce cas, c'est bien d'écrire dessus pour se renseigner. L'argent a un cheminement historique Je me suis demandé quel était son état aujourd'hui. C'était un outil, il le reste encore. C'est un outil qui a été dès le début détesté Jésus détestait les riches et insultait l'argent.

Elise Lucet : Qu'on parle d'argent dans le monde de la finance, c'est normal dites-vous, mais il a infiltré bien d'autres milieux, la politique (avec Jérôme Cahuzac), l'administration et même l'art.

Jean-Claude Carrière: Même l'argent est devenu le juge suprême de l'art La première chose qu'on dit d'un peinte c'est sa cote, combien il coûte C'est devenu un juge d'esthétisme. L'argent est devenu seigneur et maître.

Elise Lucet : Pourquoi dit-on que l'argent est devenu roi ? Il n'y a pas de contre-pouvoir ? Les avares amassent de l'or non pour le dépenser mais pour l'avoir. L'or est un amour presque incestueux avec un métal. Shakespeare est le premier à avoir évoqué cet amour de l'or L'argent deviendra dieu, Marx reprendra cette idée.

Elise Lucet : Vous le comparez aussi à une fourmilière, pourquoi? Nous sommes dépassés par l'argent. Il évolue seul comme un dieu. Comme dans une fourmilière, un accident est réparé. Personne ne donne des ordres mais tout le monde obéit.

Elise Lucet: Vous évoquez la mort de l'argent, avec tout ce que vous venez de dire, on a du mal à croire qu'il soit mort.

Jean-Claude Carrière: Comme personnage, l'argent est plutôt sympathique. L'argent n'aime pas les choses qu'on fait en son nom. L'argent n'aime pas la fausse monnaie. Napoléon quand il est parti en Russie, il a fait faire des faux roubles On assiste à la mort de l'argent réel.