Quand un mémo de Facebook faisait primer la croissance du groupe sur les possibles dérives liées à son utilisation
Rédigé en juin 2016 par un cadre du groupe, ce document semble éluder les risques potentiels dans l'utilisation de l'outil, pour se concentrer sur le développement du réseau social.
La publication d'un mémo interne sur les objectifs et les méthodes de croissance de Facebook arrive particulièrement mal pour le réseau social qui se débat déjà dans l'affaire Cambridge Analytica. "Nous connectons les gens", écrit un cadre de l'entreprise en juin 2014, dans ce document dévoilé par Buzzfeed (en anglais), vendredi 30 mars.
Andrew Bosworth, surnommé "Boz" par ses collègues, s'interroge de manière très directe sur la finalité et les conséquences des efforts mis en œuvre par le réseau social pour connecter le plus d'utilisateurs possibles. Mettre en relation les gens, selon lui, "peut être une bonne chose s'ils en font quelque chose de positif (...) et une mauvaise chose s'ils en font quelque chose de négatif".
Peut-être que cela coûtera une vie en exposant quelqu'un à du harcèlement. Peut-être que quelqu'un mourra dans une attaque terroriste coordonnée avec nos outils. Et nous continuons à connecter les gens.
Andrew Bosworth, cadre dirigeant de FacebookMémo interne publié par "Buzzfeed"
"Nous devons répondre à des questions difficiles sur ce que nous croyons, poursuit Andrew Bosworth. Nous devons justifier les paramètres et nous assurer qu'ils ne perdent pas de vue d'ensemble. Mais connecter les gens, c'est notre impératif. Parce que c'est ce que nous faisons. Nous connectons les gens."
Un texte pour provoquer le débat, selon Facebook
A lire ce document, Facebook ferait donc primer la croissance du groupe en centrant son attention sur le développement de son outil, sans grands égards pour les risques potentiels liés à son utilisation. Andrew Bosworth et le patron de Facebook, Mark Zuckerberg, affirment aujourd'hui que le texte n'était qu'un moyen de provoquer le débat au sein du réseau social. Mais les retombées sont assez négatives alors que la réputation du groupe est déjà mise à mal par l'exploitation à des fins politiques des données des utilisateurs par Cambridge Analytica.
Ce document a été largement commenté. Jim Malazita, professeur de science et de technologie à l'Institut polytechnique Rensselaer, souligne que la plupart des diplômés en technologies informatiques considèrent que celles-ci sont par essence "bonnes", sans se soucier de leur aspect éthique. "Ce n'est pas qu'ils ne s'en préoccupent pas, mais même quand ils sont conscients de l'aspect social, il y a une limite à comment ils l'observent en pratique."
Joshua Benton, directeur du département de journalisme Nieman à l'université de Harvard, tient une position plus nuancé. "Je ne défends pas souvent Facebook mais ces techniques de communication doivent être développées même si certaines personnes les utilisent à des fins néfastes, selon lui. On aurait pu dire la même chose du télégraphe, du téléphone de l'e-mail, des SMS, de l'iPhone etc." Facebook a-t-il le devoir de contrôler les possibles dérives de son outil ? C'est toute la question.
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