Qu'est-ce que le "bug du 29 février", qui a perturbé certains systèmes informatiques en cette année bissextile ?

De nombreux logiciels ont subi des dysfonctionnements parce qu'ils ne concevaient pas qu'il puisse y avoir un jour de plus dans l'année.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Une station-service paralysée par un bug informatique à Wellington (Nouvelle-Zélande), le 29 février 2024. (RYLAND JAMES / AFP)

L'événement a surpris de nombreux habitants de Paris. Dans la nuit du mercredi 28 au jeudi 29 février, la plupart des rues de la capitale se sont retrouvées privées d'éclairage public, comme l'ont signalé des internautes. Un comble pour la "ville lumière".

En cause : ni une cyberattaque ni un test pour les Jeux olympiques de Paris, mais un simple bug lié à la date. "L'opérateur Cielis nous a indiqué que le problème était lié à un défaut de programmation s'agissant du 29 février des années bissextiles", a expliqué la mairie au Parisien. L'explication a suscité des moqueries. Mais il s'agit bel et bien d'un bug connu et répandu qui cause de nombreux problèmes à travers le monde tous les quatre ans. Et 2024 n'a pas fait exception.

Des cas partout dans le monde

En Nouvelle-Zélande, les pompes à essence en libre-service ont ainsi été paralysées dans tout le pays, pendant plus de dix heures, pour toutes les marques de carburant. "Il semble qu'il s'agisse d'un  problème logiciel avec le fournisseur de services de paiement parce que nous sommes le 29 février, une année bissextile", a déclaré un porte-parole du groupe pétrolier Gull. 

De nombreux logiciels ont été affectés par des problèmes aux causes similaires : plusieurs préfectures japonaises n'ont pas pu distribuer de permis de conduire pendant quelques heures, des montres connectées se sont retrouvées gelées au 28 février à 23h59... Des jeux en ligne sont aussi devenus inutilisables, comme le jeu de course EA Sports WRC – pour résoudre le problème, l'éditeur a recommandé de changer la date de sa console au 1er mars.

Une erreur récurrente

L'origine de ce bug est facile à trouver : ces systèmes informatiques ont été conçus sans intégrer le calcul d'un 29e jour tous les quatre ans en février. "C'est quelque chose qui arrive régulièrement en programmation : l'humain comprend intuitivement une notion, mais il doit écrire tous les cas possibles dans le code du programme, sans quoi ce genre de choses arrive, explique Aurélie Guillaume, directrice de la technologie chez Creads, une plateforme de création de contenus. "On a appris au logiciel qu'une année avait 365 jours, qu'on a découpé en portions de 31, 30 et 28, mais sans intégrer dans ses règles qu'il devait ajouter un jour tous les quatre ans."

Lorsque la date fatidique arrive, le logiciel risque alors d'afficher une date incorrecte comme le 1er mars, ou bien de renvoyer une erreur qui, de fil en aiguille, peut faire s'effondrer tout le système informatique. Surtout si des fonctions bien précises doivent se lancer à la fin de la journée ou du mois, comme le renouvellement d'un abonnement. "Ce genre de bug arrive aussi souvent lors de changement d'heure, ou au 31 décembre", relève Aurélie Guillaume.

"Entre la gestion des fuseaux horaires, les passages à l'heure d'été ou d'hiver, les décisions politiques, les imprévus... La gestion du temps en informatique peut vite devenir un casse-tête."

Aurélie Guillaume, directrice de la technologie chez Creads

à franceinfo

Ce bug ne devrait pourtant pas être une surprise, car il y a eu de nombreux précédents. En 2012, autre année bissextile, Microsoft Azure, le service de stockage en ligne du géant de la tech, est tombé en panne pendant plusieurs heures, racontait le site Numerama.com. La même année, des GPS TomTom ne parvenaient plus à afficher leur localisation, rappelle la BBC.

Le problème est bien connu

Pourquoi ces bugs bien identifiés depuis des années ne sont-ils pas éradiqués ? "Ils sont relativement rares, ce qui montre que le risque est déjà bien pris en compte par les développeurs, rappelle Aurélie Guillaume. Quand une entreprise les subit, elle met en général des tests en place pour éviter que ça se reproduise." Malgré tout, il est difficile de les faire disparaître.

"On pourrait se dire que plus les entreprises sont grosses, plus le problème est évitable, mais leurs systèmes sont aussi plus complexes, et le problème peut venir de prestataires extérieurs."

Aurélie Guillaume, directrice de la technologie chez Creads

à franceinfo

"Les développeurs n'ont peut-être pas eu le temps de tester correctement certaines fonctions qu'ils ont dû créer en urgence", imagine-t-elle également.

Une erreur de programmation qui rappelle le fameux "bug de l'an 2000", quand de nombreux experts craignaient que les systèmes informatiques mondiaux soient perturbés par le changement de millénaire à cause du formatage des dates généralement utilisé, comme le rappelle cette archive de l'INA. Les problèmes ne sont pas forcément terminés : les années bissextiles peuvent aussi entraîner des bugs dans la nuit du 30 au 31 décembre, puisque le code de certaines applications enclenche le changement d'année au bout de 365 jours et non 366, comme l'expliquait Microsoft en 2016. Plus que neuf mois, donc, pour vérifier les systèmes.

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