À Paris, "la valse des roulettes" des touristes Airbnb lasse et inquiète les habitants
Paris perd des habitants mais gagne des touristes séjournant en meublé via des plateformes spécialisées. Une relation de cause à effet visible dans le quartier Montorgueil, selon ceux qui y résident.
Le 2e arrondissement de Paris a perdu 12% de ses habitants depuis 2014, selon l'Insee. Certes, le prix des logements augmente, la population vieillit, mais le succès des meublés touristiques participerait aussi au phénomène démographique.
"C'est la valse des roulettes", affirme un habitant du quartier Montorgueil, on entend les touristes avant de les apercevoir les yeux rivés sur leur smartphone, pour suivre le plan qui les mène à leur location meublée de quelques jours. "On va dans un appart' Airbnb", expliquent trois étudiantes de Nice. "C'est moins cher. Dans un hôtel on n'aurait pas pu", ajoutent Zori, Camille et Marie, qui prévoient trois jours visiter la capitale.
À l'adresse donnée, pas de propriétaire mais une petite boîte sécurisée pour récupérer les clés de l'appartement. Franck voit ces boîtes à clés se multiplier dans sa copropriété depuis quatre ans, avec d'abord "une première famille, toute simple, venue pendant trois jours".
Puis, jour après jour, nuit après nuit, les gens ont commencé à venir, à créer un bruit qui n'existait pas.
Franck, habitant du 2e arrondissement de Parisà franceinfo
"Il y a eu les roulettes des bagages, mais aussi le bruit des conversations de ceux installés dans la cour pour discuter, fumer ou vraiment se donner rendez-vous pour faire la fête", ajoute ce Parisien.
Le sentiment d'un quartier qui change
Dans l'immeuble de Franck, la location meublée touristique est devenue un véritable business. La pratique toucherait un quart du parc locatif du 2e arrondissement de Paris. Il désigne une rue, "une artère à roulettes". Ce business juteux peut rapporter trois fois plus qu'une location classique.
"Là, au 199 de la rue, montre Franck, il n'y a plus qu'un seul résident. D'après ce que nous avons identifié, ce sont six ou sept logements qui ont été transformés en meublés touristiques." "Cet immeuble est géré désormais par la conciergerie présente au pied du bâtiment", assure-t-il.
À Paris, il est pourtant interdit de louer son appartement sur ces plateformes touristiques plus de quatre mois par an. Mais année après année, les immeubles se vident de leurs occupants. Le secteur commercial le ressent. "On a la grosse impression d'avoir eu une désertification du quartier. On est légèrement en chute de chiffre d'affaires", confirme un commerçant.
On avait des familles nombreuses, de bons clients, qui sont parties.
Un commerçant du quartier Montorgueil à Parisà franceinfo
Les familles sont les premières à partir, poussées par des appartements toujours plus chers et des touristes parfois encombrants. Quatre classes ont fermé ces deux dernières années dans le 2e arrondissement de la capitale. Du jamais vu qui inquiètent des familles. Camille et Berryl se battent pour sauver l'école maternelle fréquentée par leurs enfants.
Le fait de fermer des classes et a fortiori de fermer des écoles, ça fait encore plus partir les familles.
Des mères de familleà franceinfo
"Les parents, qui ont déjà du mal à rester, voient qu'ils vont avoir leurs enfants dans de petits espaces où il n'y a pas de jardin, où ils sont 32 par classe à trois ans. Alors ils partent. C'est le dernier rempart, ça les fait fuir", constatent ces habitantes.
Franck, Camille, Berryl et d'autres redoutent de voir leur quartier perdre son âme et se transformer en centre-ville musée, à l'image du Mont-Saint-Michel ou de Venise.
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