Pourquoi si peu de lois votées en quatre mois ?
Beaucoup de textes retoqués et reportés, peu de lois votées : francetv info fait le bilan de l'action du gouvernement depuis les législatives de juin.
POLITIQUE – Ce devait être une loi emblématique de la présidence Hollande, elle illustrera finalement un couac législatif. Le Conseil constitutionnel a censuré, mercredi 24 octobre, la loi sur le logement social. Ce n'est pas le seul texte qui connaît un parcours chaotique depuis les législatives de juin. Francetv info fait le bilan.
Les lois retoquées
A l'origine du cafouillage autour de la loi sur le logement social, il y a la précipitation du gouvernement. En fait, depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, tout projet de loi déposé par le gouvernement à l'Assemblée ou au Sénat est renvoyé auprès de la commission compétente sur le sujet. "Celle-ci examine le texte article par article et peut déposer des amendements pour le modifier. C'est ensuite sur ce texte que se base l'Assemblée nationale ou le Sénat pour débattre, et non sur la version originale proposée par le gouvernement", explique Pierre Avril, professeur de droit constitutionnel à l'université Paris-II, sur BFMTV.com.
Problème : les sénateurs ont adopté la première version du projet de loi et non celle visée par la commission. L'opposition a alors dénoncé "une violation caractérisée" de la Constitution et a saisi les Sages.
"La révision constitutionnelle de 2008 a modifié en profondeur la Constitution française, en particulier la procédure parlementaire", rappelle Pascal Jan, professeur de droit public à Sciences Po Bordeaux, contacté par francetv info. Désormais, "chaque assemblée [a] la maîtrise de son ordre du jour", comme l'explique la chaîne Public Sénat dans une vidéo. Auparavant, c'était une prérogative du gouvernement. Maintenant, une semaine par mois, l'Assemblée nationale et le Sénat choisissent les textes de loi qu'ils souhaitent respectivement examiner. "Inévitablement, cela modifie le rythme des réformes voulues par le gouvernement", juge Pascal Jan.
Les lois reportées
D'autres textes ont été repoussés. L'examen du projet de loi sur le mariage pour tous à l'Assemblée devait débuter le 12 décembre 2012. Finalement, il débutera fin janvier 2013. Adoptée dans des conditions chaotiques par les députés, la proposition de loi PS sur les tarifs progressifs de l'énergie, qui devait être discutée à partir du 17 octobre par le Sénat, a finalement été retirée de son ordre du jour. La commission des Affaires économiques du Sénat a même déclaré irrecevable le texte remanié par l'Assemblée. A la suite de quoi le rapporteur de la proposition de loi, Roland Courteau (PS), a annoncé qu'il démissionnait de cette fonction. Finalement, on saura mardi si le texte est rejetté par le Sénat.
D'autres dossiers emblématiques, inscrits dans "l'agenda du changement" de François Hollande, seront traités plus tard. La loi d'orientation et de programmation sur l'école, notamment, est en préparation. Une proposition de loi pour instaurer "un droit de mourir médicalement assisté" a été déposée par les députés radicaux de gauche. Elle sera discutée à l'Assemblée en mars 2013. Par ailleurs, un décret sur l'encadrement des loyers à la location et à la relocation a été adopté, mais c'est en 2013 que la grande loi sur l’accès au logement sera examinée.
Les lois votées
Finalement, la session extraordinaire du Parlement, qui s'est tenue en juillet, n'aura vu passer que deux textes majeurs : le budget rectificatif et la loi sur le harcèlement sexuel.
Ensuite, depuis la rentrée parlementaire du 11 septembre, parmi les dossiers emblématiques du président, seule la loi sur les emplois d'avenir a été définitivement adoptée par le Parlement et validée par le Conseil constitutionnel, mercredi. Elle sera publiée au Journal officiel dans les prochains jours.
En cause : "la volonté de se démarquer de Sarkozy"
Ces péripéties mettent en exergue une particularité du début du mandat de François Hollande : peu de lois ont été promulguées depuis son élection. Deux de ses promesses sont devenues des lois adoptées, quand l'ex-président Nicolas Sarkozy – dont le début de mandat a été comparable, car lui aussi suivi d'élections législatives – avait réussi à faire passer quatre réformes emblématiques, entre mai et fin octobre 2007. La différence saute aux yeux sur Légifrance, site web officiel du gouvernement, qui diffuse les textes législatifs et réglementaires.
Didier Maus, spécialiste du droit constitutionnel, et Olivier Dord, professeur de droit public à l'université Paris-X Nanterre, interrogés par francetv info, estiment que ce retard n'est pas la conséquence de la révision constitutionnelle de 2008. Selon eux, il est surtout lié à la volonté politique portée par François Hollande de lancer des concertations sur tous les sujets, ou presque.
"Un certain nombre de choses ne sont pas prêtes, donc cela prend plus de temps", pour déposer un projet de loi en bonne et due forme, relève Didier Maus. "Nicolas Sarkozy était allé beaucoup plus vite, mais c'était dans son tempérament", ajoute-t-il. "Le président actuel fait preuve d'une volonté, peut-être excessive, de se démarquer de Nicolas Sarkozy, qui a pris des décisions de manière unilatérale", analyse de son côté Olivier Dord.
Apparaître comme l'anti-Sarkozy, être un président "normal" : c'est la stratégie de François Hollande. Faire le dos rond en espérant que les choses aillent mieux est une démarche assumée. La garde rapprochée du chef de l'Etat veut croire que les choses rentreront dans l'ordre à la fin de l'année 2012 et seront relancées en 2013, selon Le Parisien (article payant). "Tout le pari, c'est que ça redémarre au second semestre de 2013", a indiqué au quotidien un éminent conseiller élyséen. "D'ici là, on accepte d'en prendre plein la tête", a-t-il ajouté.
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