Nouvelle-Calédonie : Gérald Darmanin est "complètement discrédité, il faut à tout prix que d'autres acteurs reprennent le dossier", estime un spécialiste

La Nouvelle-Calédonie a vécu une troisième nuit consécutive d'émeutes liée à l'adoption du dégel du corps électoral.
Article rédigé par franceinfo
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Benoît Trépied, anthropologue au CNRS et spécialiste de la Nouvelle-Calédonie, était l'invité de franceinfo le 16 mai 2024.. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

"Monsieur Darmanin est complètement discrédité auprès des indépendantistes, ça c'est sûr et certain", a affirmé jeudi 16 mai dans le "8h30 franceinfo" Benoît Trépied, anthropologue au CNRS et spécialiste de la Nouvelle-Calédonie, alors que l'archipel est en proie à des émeutes.

Les violences qui agitent la Nouvelle-Calédonie ont été suscitées par l'adoption, dans la nuit de mardi à mercredi, de la réforme constitutionnelle portée par le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin qui vise à élargir le corps électoral pour les élections provinciales. "Il faut à tout prix qu'il y ait d'autres acteurs qui reprennent le dossier, a jugé Benoit Trépied.

"L'État français s'est tiré une balle dans le pied"

"Ce qui est demandé avec force par les indépendantistes et par énormément d'autres voix, c'est une mission de médiation", a fait savoir l'anthropologue, sur le modèle de la "mission du dialogue" mise en place par Michel Rocard en 1988 après le drame d'Ouvéa. Une "mission de médiation" qui doit être mise en place sous l'égide de "personnalités irréprochables, qui ne sont pas liées très directement à ce gouvernement", selon le spécialiste.

"Il y a un certain nombre de gens dans le personnel politique en France qui connaissent le dossier calédonien, mais ils ne sont plus écoutés au sommet de l'État."

Benoît Trépied, anthropologue au CNRS

à franceinfo

"Il y a eu un changement de stratégie de l'État au moment où Édouard Philippe a quitté Matignon" à l'été 2020, a-t-il observé. L'ancien Premier ministre avait lui-même sonné l'alerte début mai, de même que ses prédécesseurs à Matignon Manuel Valls et Jean-Marc Ayrault, qui appuyaient pour une reprise en main du sujet par Matignon, historiquement chargé du dossier calédonien.

Avec "l'accord de Matignon [en 1988], puis l'accord de Nouméa [en 1998], l'idée est de dire qu'on pense à la Calédonie à l'aune des intérêts de la Nouvelle-Calédonie", a rappelé Benoit Trépied. En accusant jeudi l'Azerbaïdjan d'ingérence en Nouvelle-Calédonie, Gérald Darmanin opère un "réflexe impérialiste", selon l'anthropologue. L'Azerbaïdjan, pays pro-russe, a signé en avril un mémorandum de coopération entre le Congrès de Nouvelle-Calédonie et son Assemblée nationale. Mais pour Benoit Trépied, "l'État français s'est tiré une balle dans le pied et ses adversaires politiques en profitent".

"Ces discours sur la Chine, l'Azerbaïdjan, ce sont des éléments de langage politico-médiatiques qui circulent à Paris, mais c'est évidemment une façon de détourner l'attention sur la responsabilité du gouvernement, c'est une excuse, fustige Benoit Trépied. Jusqu'à preuve du contraire, elle a été colonisée par la France, pas par la Chine."

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