Édito Mayotte : les raisons qui poussent le gouvernement à vouloir mettre fin au droit du sol

En annonçant la fin du droit du sol à Mayotte, l'exécutif s'engage sur le terrain du Rassemblement national. Un choix qui prête le flanc à plusieurs difficultés, notamment celle d'une réforme de la Constitution.
Article rédigé par Agathe Lambret
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur, au côté d'Emmanuel Macron, président de la République, le 9 février 2024 à Bordeaux (Gironde). (LUDOVIC MARIN / POOL)

L'exécutif a annoncé dimanche 11 février la suppression du droit du sol à Mayotte, et le Rassemblement national a applaudi. Une fois de plus, Emmanuel Macron s'aventure sur le terrain du RN, une stratégie qui pose question. D'abord, Mayotte a toujours été le lieu d'un affrontement entre le président et Marine Le Pen. Dès la campagne présidentielle de 2017, ils s'étaient succédé sur place : Marine le Pen réclamait déjà la suppression du droit du sol, quand le candidat Macron l'accusait en retour de mentir.

Mais sept ans plus tard, il se convertit à la proposition phare de la candidate d'extrême droite. Emmanuel Macron a identifié le danger : pour Marine Le Pen, Mayotte est un laboratoire et la crise sur l'archipel est la preuve que son discours sur une submersion migratoire en Europe est crédible. Un discours qui porte en métropole et dans les Outre-mer, où l'ex-candidate ne cesse de progresser. En allant sur son terrain aujourd'hui, Emmanuel Macron tente de contenir son ascension en montrant qu'il n'y a pas de tabous ni d'idées réservées au RN. Une stratégie risquée : reprendre les propositions de l'adversaire, c'est aussi le légitimer et rendre difficile la critique d'un parti dont on reprend les idées.

Réformer la Constitution, un processus long et risqué

Mais à ce stade, la fin du droit du sol à Mayotte n'est encore qu'une idée. Le chemin s'annonce sinueux pour l'exécutif s'il veut mettre en œuvre cette mesure : pour cela il faudrait réformer la Constitution, ce qui nécessite un long processus. Emmanuel Macron devra d'abord avoir l'accord des deux chambres du Parlement, mais surtout l'Assemblée et le Sénat devront s'accorder sur le même texte. Difficile d'imaginer que le Sénat, dominé par la droite et le centre, ne voudra pas faire monter les enchères en ajoutant d'autres mesures sur l'immigration ou l'extension de la fin du droit du sol.

Si cette étape était néanmoins franchie, il faudrait ensuite soumettre le texte au Congrès, la réunion des deux chambres du Parlement, pour obtenir un vote favorable de trois cinquième des parlementaires. Avec des gauches opposées au projet d'un côté, et de l'autre droite et extrême droite qui trouvent qu'il ne va pas assez loin, rien ne garantit que la mesure verra le jour. Marine Le Pen aurait beau jeu alors de dénoncer l'impuissance de l'exécutif. Conscient de ces pièges, Emmanuel Macron doit réunir à 16 heures le ministre de l'Intérieur et la ministre déléguée aux Outre-mer pour donner corps à un projet encore flou.

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