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"Je n'ai pas pu passer le concours de l'agrégation à cause du RER"

Ce jeudi 29 janvier, Frédéric s'apprête à passer le concours interne de l'agrégation de mathématiques. C'était compter sans les problèmes de RER.

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
La gare RER de Yerres (Essonne) le 24 janvier 2011.  (MAXPPP)

Pour eux, les grilles sont restées fermées. Une cinquantaine de candidats n'ont pas pu tenter leur chance au concours d'entrée interne à l'agrégation, jeudi 29 janvier, à cause de retards sur les lignes du RER A (RATP) – les conducteurs ayant exercé leur droit de retrait – et du RER D (SNCF) – à la suite du déraillement d'un train la veille, comme l'indiquait Le Parisien. "C'est évidemment terrible pour chacun d'eux, individuellement, mais il n'y a aucun recours possible", a déclaré la ministre de l'Education nationale, Najat Vallaud-Belkacem, au micro de Radio J, dimanche 1er février.

Francetv info a contacté l'un de ces professeurs lésés. Voici le récit de sa journée cauchemardesque.

"Je suis censé arriver plus d'une heure en avance"

Professeur de mathématiques, Frédéric a réclamé pendant sept ans son congé-formation pour préparer le concours, avant de l'obtenir en avril 2014. A ce titre, il ne perçoit que 85% de son dernier salaire, sans les primes. Depuis les vacances d'été, il travaille d'arrache-pied pour décrocher l'agrégation. "C'est peut-être le concours le plus important de ma vie", résume-t-il.

Il a rendez-vous à 9 heures. A priori, pas de difficulté. "La veille, je suis allé chercher deux billets Mobilis pour les deux jours d'épreuve et je me suis renseigné sur d'éventuelles grèves." Ce résident de Yerres (Essonne) doit emprunter la ligne D du RER, qu'il connaît bien, avant de changer à Châtelet jusqu'à la Maison des examens, à Arcueil. "Je pars à 7 heures pour anticiper un problème éventuel, ce qui doit me faire arriver plus d'une heure en avance, selon le site de la RATP." Frédéric a tout prévu, sauf l'imprévu. La veille, une rame d'un TGV Lyria a déraillé, perturbant le trafic sur la ligne D.

"On n'était pas du tout au courant. En gare de Yerres, il n'y a aucune indication." Certains trains prévus ne passent pas. Qu'importe. Frédéric en trouve un, bondé. "On était tous serrés, sur les nerfs. Je commence à calculer. Même si mon train prend 5 minutes par station, cela donne 20 ou 25 minutes. C'est bon." A Villeneuve-Saint-Georges, il est totalement bloqué. Il croise une autre candidate à l'agrégation interne de maths. "On ne sait pas trop quoi faire, on sort du train pour chercher un taxi." En vain. "C'est la grosse panique, je suis hébété." Toutes les cinq minutes, il jette un coup d'œil inquiet à sa montre. Finalement, il remonte dans un train, descend gare de Lyon et prend le métro pour sauter dans le RER B à Châtelet. Il est 8h45. "Là, on n'arrive pas trop à y croire."

"Nous sommes une trentaine à pleurer et supplier"

Patatras. "J'arrive à 9h04. Les grilles sont fermées. Nous sommes presque une trentaine en train de pleurer et de supplier le personnel placé derrière. Il n'y a rien à faire. La grille est imposante, il n'y a aucun moyen de l'escalader ou de la contourner." Avec une dizaine d'autres candidats malheureux, il se réfugie dans un café pour travailler sur une pétition, qui n'a pas encore été envoyée.

"Se retrouver dans cette situation, c'est vraiment humiliant, explique-t-il aujourd'hui. Les enseignants ont l'impression d'être très mal traités par l'Education nationale. Il y a deux poids deux mesures. Quand il y a eu une grève qui menaçait le bon déroulement du bac, les candidats ont eu droit à deux heures de retard." Cette fois, Frédéric n'en demandait pas tant. "On aurait pu au moins décaler l'heure du début d'un quart d'heure ou d'une demi-heure. C'est une solution humaine, ça ne mange pas de pain", résume le prof de maths.

Il en veut aussi à la SNCF de n'avoir pas tenu les usagers informés. "Si j'avais été averti, j'aurais pris ma voiture, je serais allé ailleurs !"  Aujourd'hui, le professeur n'a plus aucune solution. "On s'est renseigné. Ça coûterait 5 000 euros de déposer un recours devant le Conseil d'Etat, avec peu d'espoir d'obtenir gain de cause. On a l'impression que tout est verrouillé." Il souhaiterait casser son congé-formation, afin de revenir enseigner et de poursuivre la préparation l'an prochain. "C'est très difficile. Je n'ai pas du tout le cœur à travailler mes cours d'agrégation, mais il va bien falloir m'y remettre."

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