Calais : Human Rights Watch dénonce l'usage "routinier" de gaz poivre contre les migrants
Le préfet du Pas-de-Calais a "réfuté catégoriquement les allégations mensongères et calomnieuses" contenues dans le rapport de l'association.
Le titre est explicite : "C'est comme vivre en enfer". Dans un rapport publié mercredi 26 juillet, l'ONG Human Rights Watch dénonce l'usage "routinier" du gaz poivre par la police contre les migrants à Calais, y compris pendant leur sommeil. Les autorités ont formellement démenti ces accusations. "L'usage de sprays au gaz poivre par la police à Calais est tellement répandu que beaucoup de demandeurs d'asile et de migrants avaient du mal à se rappeler précisément combien de fois ils en avaient été victimes", souligne HRW.
"Il y a un sérieux problème"
Sur 61 migrants interrogés par l'organisation entre fin juin et début juillet, 55 avaient été aspergés au cours des deux semaines précédant l'entretien, et certains assuraient l'avoir été tous les jours. "Les 55 avaient été aspergés dans leur sommeil", selon l'auteur du rapport, qui indique avoir parlé à des groupes de "différentes nationalités" rencontrés dans "des lieux différents". La concordance des témoignages "montre qu'il y a un sérieux problème", estime-t-il.
"On est dans des pratiques qui s'inscrivent dans la routine, sans qu'il y ait de sanctions, alors que ce sont des abus graves", contraires au code de déontologie policière et aux traités internationaux relatifs aux droits de l'homme, alerte également Bénédicte Jeannerod, la directrice de la branche française de HRW. Ce rapport fait écho aux inquiétudes d'associations liées au durcissement des forces de l'ordre à l'égard des migrants revenus à Calais après le démantèlement de la "jungle" en octobre.
"C'est un dossier à charge"
Le préfet du Pas-de-Calais, Fabien Sudry, a "réfuté catégoriquement les allégations mensongères et calomnieuses" contenues dans le rapport de Human Rights Watch, qui "ne reposent sur aucun fondement vérifié". "Les forces de police agissent bien entendu sur Calais dans le respect des règles de l'Etat de droit, avec le seul objectif de faire respecter l'ordre et la sécurité publics", ajoute-t-il.
"C'est un dossier à charge", a pour sa part réagi David Michaux, secrétaire national du syndicat Unsa-Police chargé des CRS, pour qui "les CRS n'ont plus de contacts avec les migrants". "On les repousse de temps en temps lors des tentatives d'intrusion à l'aide de gaz lacrymo mais c'est de plus en plus rare", a-t-il affirmé.
Des humanitaires également visés
Selon Bénédicte Jeannerod, la police "pulvérise aussi du produit sur leurs sacs de couchage, leurs vêtements", ce qui conduit les migrants à "toujours bouger" pour échapper aux gaz et à ne dormir que "de courtes périodes". "Ces mesures visent à faire fuir les migrants et les dissuader de se rendre à Calais", estime-t-elle.
Le rapport, qui pointe aussi l'usage de gaz poivre contre des humanitaires, dénonce un harcèlement de ces derniers via des contrôles d'identités répétitifs. "Des policiers confisquent ou détruisent la nourriture, l'eau et les couvertures, mais ils empêchent aussi régulièrement la délivrance d'une assistance humanitaire, et ce apparemment sans aucun motif légal", regrette HRW.
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Le Défenseur des droits Jacques Toubon s'était inquiété, mi-juin, d'atteintes aux droits "d'une exceptionnelle et inédite gravité" à Calais, mentionnant une "traque" des migrants. Il avait exhorté les pouvoirs publics à "ne pas s'obstiner dans ce qui s'apparente à un déni d'existence des exilés".
Le 23 juin, le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb, en visite à Calais, avait rendu hommage aux forces de l'ordre qui travaillent avec "beaucoup d'humanité" dans des conditions "pas toujours faciles". "Il n'y a pas d'un côté les policiers, les gendarmes qui seraient agressifs et de l'autre des migrants qui seraient d'une douceur légendaire", avait-il fait valoir.
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