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Ces dealers et autres délinquants qui se font coincer grâce aux réseaux sociaux

Poster les preuves de son délit sur Facebook n'est sûrement pas l'idée du siècle. Mais certains ne l'ont toujours pas compris...

Article rédigé par Tatiana Lissitzky
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Le rappeur Coco Tkt nargue la police dans une vidéo postée sur internet le 18 septembre 2013, alors qu'il était en cavale. (COCO TKT / YOUTUBE)

Tout un trafic de cannabis a été démantelé en Seine-et-Marne, en janvier 2014 à cause d'un simple tweet, a-t-on appris mardi 18 février. Après avoir posté une photo de lui avec un joint devant une gendarmerie, un fumeur a pu être interrogé. Ce qui a été la première étape d'une enquête longue d'un an. Le délinquant n'est pas le premier à tomber dans le piège : narguer la police sur le web, se vanter de fumer des joints sur Twitter, ou encore afficher son propre avis de recherche sur Facebook... Ils sont nombreux à fanfaronner sur les réseaux sociaux.

Problème : les autorités veillent et les publications contribuent généralement à la capture de leurs auteurs. "Nous sommes très attentifs à ce qui se passe sur les réseaux sociaux. Ils sont généralement utilisés par des jeunes qui vivent dans leur temps et qui ne sont pas assez méfiants", confirme à francetv info le lieutenant-colonel Durand, du service d'informations de la gendarmerie.

Le tweet qui permet de démanteler un réseau

Le démantèlement d'un réseau de cannabis en Seine-et-Marne a ainsi commencé sur Twitter. En janvier 2013, un des gendarmes chargés de veiller sur les réseaux sociaux au Service d'information et de relations publiques des armées (Sirpa) de la gendarmerie a la surprise de voir passer un tweet dans lequel un homme se vante de fumer devant la gendarmerie de Crécy-la-Chapelle. Il en informe aussitôt ses collègues qui interpellent le fumeur quelques instants plus tard. L'interrogatoire de l'homme permet ensuite de mettre en place des écoutes téléphoniques.

Un an d'enquête plus tard, quatre autres personnes liées au trafic sont interpellées. Les gendarmes saisissent 34 pieds de marijuana, du matériel de culture et plus de 2 kg de résine de cannabis. Condamnés, les cinq trafiquants ont écopé de peines de huit mois à un an de prison ferme.

"Une affaire comme celle-là reste plutôt rare", explique le lieutenant-colonel Durand à francetv info. Il précise : "Nous n'avons pas une veille spécifique qui serait dédiée [à ce type de cas]. Nous faisons une veille généraliste sur internet dont le but premier n'est pas d'attraper les trafiquants de drogue."

Mais les internautes insouciants sont légions et il n'est pas rare de retrouver des photos de joints ou de drogue postées sur les réseaux sociaux par les utilisateurs eux-mêmes. De quoi largement faciliter le travail des policiers.

Narguer les autorités sur le web : mauvaise idée

Le rappeur Coco Tkt a, lui, poussé la plaisanterie encore plus loin. Il a nargué pendant des mois les policiers sur internet. Après son évasion de prison, il a continué à publier des photos, des messages ainsi que des vidéos, kalachnikov à la main, et a même répondu à des interviews. Mais reconnu par la Bac dans la rue en janvier 2013, puis placé en détention à la maison d'arrêt de Reims, il attend désormais d'être jugé par le tribunal de grande instance de Chalon-en-Champagne.

Une cavale peut-être inspirée par les pratiques de criminels chevronnés outre-Atlantique... Ainsi, le baron de la drogue Jose Arechiga Gamboa, 33 ans, inscrit sur Instagram sous le pseudonyme de Jamesbond5_7, avait pris l'habitude de se mettre en scène et d'exhiber sa richesse, comme le raconte le blog du Monde Big Browser. Sur son compte Instagram, supprimé depuis, on le voit avec une kalachnikov en or, au volant de grosses cylindrées, devant la tour Eiffel, dans un hôtel de luxe ou aux côtés de Paris Hilton.

Capture d'écran du compte Instagram, depuis supprimé, de Jose Arechiga Gamboa. 

Les chefs de cartels mexicains utilisent beaucoup les réseaux sociaux pour s'auto-glorifier et promouvoir leur réussite financière. Mais pour lui, l'aventure a tourné court. Grâce aux nombreux clichés, la police a pu le cueillir à Amsterdam, à sa descente d'un avion en provenance de Mexico. Arrêté à la demande des Etats-Unis, il est accusé d’être impliqué dans un trafic international de drogue et dans de nombreuses affaires d'homicides.

Aux Etats-Unis, les alibis vérifiés grâce aux réseaux sociaux

Du coup, la police américaine a un temps d'avance. Dès 2010, comme le rapporte le Monde (article payant), le département de la Justice des Etats-Unis fait circuler un document, véritable guide pratique à destination des forces de police, sur l'utilisation des réseaux sociaux. Car pour la recherche de suspects ou la collecte d'informations, les autorités américaines se servent fréquemment des réseaux sociaux comme Facebook, MySpace, Twitter, mais aussi du réseau professionnel LinkedIn.

Ainsi, les policiers n'hésitent pas à échanger des messages avec les suspects sous une fausse identité, à éplucher les informations mises en ligne, comme les photos, les statuts, les lieux de connexions ou les relations amicales. Les alibis peuvent être eux aussi vérifiés grâce aux réseaux sociaux.

De faux profils pour coincer les délinquants

La communication peut aussi se faire plus légère avec les délinquants. Comme le rapporte Le Huffington Post, un jeune garagiste de Toronto a eu la bonne idée de tweeter pour se faire livrer du cannabis. La police locale lui a aussitôt répondu, avec beaucoup d'humour : "Super ! On peut venir aussi ?" 

Autre situation rocambolesque : un homme a partagé son propre avis de recherche sur son compte Facebook, avant de se faire arrêter 45 minutes plus tard lors d'un faux rendez-vous galant fixé par la police. Anthony James Lescowitch, 35 ans, était recherché depuis peu par la police de Freeland en Pennsylvanie (Etats-Unis), pour violence aggravée, lorsque les forces de l'ordre diffusent son avis de recherche sur leur compte Facebook. Le délinquant, pas peu fier, partage aussitôt le statut sur sa propre page. La police a alors l'idée de créer un faux profil Facebook de femme pour lui fixer un rendez-vous, afin de l'arrêter, raconte Le Nouvel Obs,

 

Sur Facebook, la police de Freeland s'est ensuite félicité en déclarant : "Capturé ! Il a partagé son propre avis de recherche et a été arrêté 45 minutes plus tard."

Des méthodes moins agressives en France

En France, les enquêteurs n'en sont pas encore là. "Nous avons des méthodes moins agressives que les Américains. Seule notre veille judiciaire peut faire de l'investigation sous l'autorité d'un magistrat et par exemple créer un faux profil pour piéger quelqu'un", rapporte le lieutenant-colonel Durand, du service d'information de la gendarmerie.

Pour lui, "la France n'est pas encore prête. Nous n'avons pas les mêmes pratiques mais on y tend. Nous voulons être dans l'interactivité. Aux Etats-Unis et au Canada, il est courant d'envoyer un tweet pour informer la police d'une incivilité : le sens civique est plus admis dans le tissu social qu'en France."

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