Les ex-otages en Syrie lèvent le voile sur la violence subie en détention
Ils avaient volontairement tu cet aspect de leur détention à leur libération, mais ils ont bel et bien été torturés. Explications.
Ils ont été torturés. Après que Le Monde a révélé que Mehdi Nemmouche avait fait partie des geôliers des quatre journalistes français otages en Syrie, les conditions de leur détention se précisent. Particulièrement concernant les mauvais traitements qu'ils ont subis au sous-sol de l'hôpital ophtalmologique d'Alep, transformé en prison par l'Etat islamique (EI). Francetv info revient sur ces nouveaux éléments.
Qu'avaient-ils raconté à leur libération ?
Dix mois "sans voir le jour", dont un et demi "entièrement enchaînés les uns aux autres". "Quatre jours sans manger et sans boire, menottés à un radiateur, avec des coups", et même "des simulacres d'exécution". A leur retour, en avril dernier, les quatre journalistes admettent des conditions de détention "parfois violentes", mais ne détaillent pas cette violence. Et ne parlent pas de torture. A l'époque, Nicolas Hénin affirme qu'il y a eu "un peu de maltraitance physique", et que "la Syrie a toujours été un grand centre mondial de la torture". Mais il ne dit rien le concernant.
Que précisent-ils maintenant ?
"Quand Nemmouche ne chantait pas, il torturait", raconte Nicolas Hénin dans Le Point (lien abonnés), cinq mois après son retour en France. Il y détaille un interrogatoire mené à 2 heures du matin à grands renforts de coups de poing dans le nez par "cinq jeunes combattants, visages masqués". "Tu vois ces gants de moto ? Je les ai achetés pour te frapper. Rien que pour toi. Tu les as aimés ?", le nargue même "Abou Omar", le nom de combattant de Mehdi Nemmouche. C'est également ce dernier qui multiplie les privations de nourriture, avec des portions ridicules ou même rien du tout le 11 septembre, qu'il a décrété "jour férié".
Les séances de torture, qui pouvaient durer toute la nuit pour certains prisonniers syriens, avaient lieu dans une salle dédiée. Didier François reçoit "40 coups de gourdin sur le crâne" et se fait casser un doigt de la main. Des déclarations qui font écho aux informations diffusées par la presse américaine après l'exécution du journaliste américain James Foley, qui avait été soumis au supplice de la noyade. "A plusieurs reprises, les leaders irakiens et syriens d’EIIL [Etat islamique en Irak et au Levant] ont dû 'protéger les otages occidentaux des violences de Nemmouche', prêt à les liquider", rapporte de son côté Libération. Les détenus syriens sont traités de façon beaucoup plus cruelle encore.
Pourquoi n'en avaient-ils pas parlé ?
Révéler que Nemmouche était l'un des geôliers est "irresponsable", a jugé Didier François, un des quatre anciens otages, journaliste pour Europe 1. Il détaille : "Cela permet malheureusement d'alerter les autres ravisseurs sur le fait que les services français détiennent des éléments sur les membres de ce groupe terroriste (...), ça va leur permettre de se protéger, ce qui met en danger le travail des spécialistes du contre-terrorisme et les citoyens français."
Une menace pèse également directement sur la dizaine d'autres otages occidentaux toujours détenus par l'EI. Les jihadistes ont en effet interdit aux prisonniers libérés de parler de leurs conditions de détention sous peine de s'en prendre à ceux toujours retenus. "Les trois journalistes espagnols qui avaient été relâchés quelques semaines plus tôt avaient, eux aussi, pris soin de taire la situation dramatique qu’ils avaient connue, dans la crainte que leurs anciens compagnons de captivité soient victimes de représailles", affirme ainsi Libération, pour qui un "tabou" a sauté. Et le quotidien de citer un ancien otage : "Tout ce qu’on pourra dire ou faire sera perçu comme une menace à leur encontre."
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