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Trois questions sur le "chirurgien de l'horreur" grenoblois visé par une enquête pour "mise en danger de la vie d'autrui"

Spécialiste des opérations du dos, le docteur V. est accusé par plusieurs anciens patients d’avoir raté leurs opérations.

Article rédigé par franceinfo
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Le CHU de Grenoble (Isère), le 12 août 2017. Le docteur V. a notamment officié au sein de cet établissement de santé. (MAXPPP)

Certains de ses anciens patients le traitent carrément de "boucher". Un chirurgien de Grenoble (Isère), suspendu par le Conseil de l’Ordre pour une durée de 18 mois, est visé par une enquête préliminaire pour "mise en danger de la vie d'autrui", a appris franceinfo auprès du parquet de Grenoble, confirmant une information de RTL. Franceinfo résume ce que l'on sait sur cette affaire.

Qu'est-il reproché au chirurgien visé par l'enquête ?

Spécialiste du dos, le docteur V. est accusé par plusieurs anciens patients d’avoir raté leurs opérations. La Sécurité sociale de l'Isère avait déjà donné l'alerte fin 2016 après avoir décompté 54 dossiers suspects entre 2013 et 2014.

Le Conseil national de l'Ordre des médecins, saisi du cas de ce docteur, a évoqué "des manquements d'une extrême gravité et un comportement gravement fautif contraire aux obligations qui s'imposent à tout médecin", indique Le Parisien. Les autorités le soupçonnent d'avoir pratiqué des opérations non justifiées, mal conduites, ou mal suivies une fois terminées.

Que décrivent ses anciens patients en colère ?

Plusieurs de ses patients décrivent des vies brisées, comme Frédérique, une habitante d'Échirolles, interrogée début avril par France Bleu Isère. Opérée le jour de Noël, en 2009, pour une double fracture de la cheville, elle a vu le "matériel" se casser trois semaines après l'intervention chirurgicale, car trop grand pour son os. Après une cinquantaine d'opérations, Frédérique a dû se faire amputer. Elle estime que c'est la faute de ce médecin et dénonce ses pratiques : "On ne peut pas détruire des vies comme cela ! Ce n'est pas possible ! Il faut qu'il arrête", dénonce-t-elle.

Comme Frédérique, Christophe Fuselier a dû se faire amputer de la jambe gauche à la suite de complications liées à son opération pour un mal de dos en 2007. "Durant mon opération (...), ma veine iliaque a été sectionnée", explique l'intéressé au Parisien. "Mes jambes n'ont pas été irriguées pendant un long moment. J'ai ensuite été victime de plusieurs infections. J'ai vécu un calvaire pendant près de dix ans"

À 45 ans, ma vie est brisée. J'étais chauffeur routier. Je ne peux plus travailler.

Christophe Fuselier, ancien patient du docteur V.

au Parisien

Le dernier témoignage en date provient d'Eric Berthon. Souffrant de douleurs aux épaules, ce quinquagénaire s'est fait opérer des cervicales par le docteur V., qui pratique une incision à sa gorge en juillet 2017, raconte-t-il au Parisien. La suite a de quoi donner un haut-le-cœur : "Les jours suivants, un kyste infectieux est apparu sur ma gorge. Une sorte de grosse boule purulente de plusieurs centimètres de diamètre, au niveau de ma cicatrice", détaille le Savoyard au quotidien. "C'était comme un volcan. Au bout de deux semaines, le cratère de ce volcan a libéré tout le pus qui était à l'intérieur. Ce qui m'a fait un gros trou dans la gorge"

Après une deuxième opération réalisée en urgence en septembre 2017, le docteur V. se rend compte qu'une compresse avait été oubliée dans la gorge de son patient. "Aujourd'hui encore, je suis très en colère contre ce chirurgien. J'ai toujours des séquelles. Je souffre au niveau des bras. Mes doigts s'atrophient. Pour moi, ce chirurgien est un boucher", martèle Eric Berthon au Parisien.

Quelles sanctions ont été prises à son encontre ?

Le 15 janvier dernier, le docteur V. a été suspendu pour trois ans, dont un an et demi avec sursis, par le Conseil de l'Ordre pour des "irrégularités" et des "manquements d'une extrême gravité". Cette suspension s'appliquera à partir du 1er mai.

Six patients ont déjà porté plainte à l'encontre du chirurgien, a confirmé également le parquet de Grenoble. Christophe Fuselier, qui a été amputé de la jambe gauche, a également porté son cas devant le tribunal administratif. Un jugement mettant en cause le CHU de Grenoble, où exerçait alors le docteur V., a donné raison au patient, rapporte Le Parisien, qui précise que la procédure est actuellement en appel. Le médecin mis en cause a démissionné du CHU de Grenoble en 2009 avant de rejoindre la clinique des Cèdres dans la ville voisine d'Echirolles, précisent nos confrères de France 3.

L'avocat de Frédérique, qui suit le dossier d'au moins cinq patients et qui a, selon Le Parisien, reçu une quarantaine d'appels d'anciens malades depuis la publication de témoignages dans la presse, estime que ce médecin est responsable d'un "scandale sanitaire". L'avocat du docteur V. dénonce, lui, "un lynchage médiatique".

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