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Pourquoi la justice combat le "jihad médiatique"

Un homme a été arrêté pour "apologie" et "provocation" au terrorisme sur internet. Une première judiciaire décryptée pour francetv info par un magistrat et un ancien responsable de la lutte anti-terroriste.

Article rédigé par Hervé Brusini
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Capture d'écran du site islamiste Ansar al Haqq, dont Romain L., arrêté jeudi 19 septembre, était administrateur. (CAPTURE D'ÉCRAN / ANSAR AL HAQQ)

C’est une première judiciaire : un homme de 26 ans a été placé en détention provisoire jeudi 19 septembre pour "apologie d’actes de terrorisme et provocation à la commission d’actes de terrorisme" sur internet. Administrateur du site jihadiste Ansar al Haqq, Romain L., alias Abou Siyad al-Normandy, inaugure la première application d’une disposition entrée en vigueur en décembre 2012. Magistrats et policiers réagissent pour Francetv info sur cette arme nouvelle donnée à la justice.

Pourquoi la justice s’intéresse-t-elle ainsi à la propagande jihadiste sur internet ? Pour Louis Caprioli, ancien responsable de la lutte anti-terroriste à la DST (direction de la surveillance du territoire), "cette propagande a des effets concrets. Elle concourt à forger le radicalisme des activistes solitaires. Certains sont hélas passés à l’acte. On se souvient des frères Tsarnaïev, les auteurs présumés des attentats de Boston qui ont tué trois personnes pendant le marathon de Boston le 15 avril 2013. De même, cet acte barbare en mai dernier, d’un militaire britannique tué à coups de machette dans une rue de Londres. Les auteurs de ces deux actions avaient suivi avec assiduité la propagande jihadiste sur internet et en particulier celle du site Ansar al Haqq, celui-là même qui est en question dans le dossier français."

Complice actif ou simple curieux ?

Pour les magistrats spécialisés, qui sont actuellement en charge des dossiers de l’anti terrorisme, le constat est le même. "On a vu cela émerger de façon très présente à partir de 2004. On peut dire qu’à cette date un centre médiatique d’Al Qaïda s’est mis en place", affirme l’un d’entre eux. La revue en ligne "Inspire" que diffusait l’homme arrêté dans le Calvados, est une dépendance directe d’Al Qaïda. On y enseigne par exemple comment confectionner une bombe."

Comment distinguer le complice actif d’un site jihadiste, du simple curieux qui s’intéresse à la question ? Pour le magistrat, il n’y a aucune ambiguïté possible. "Nous visons les administrateurs de ces sites, même s’il est souvent difficile de les identifier. Et plus globalement, nos cibles sont les personnes réellement actives." Par exemple, cette revue "Inspire", qui est très importante dans la production du discours islamiste. À l’origine, elle est écrite en arabe. Pour la propagande au niveau international, sa traduction est un enjeu politique. Précisément, Romain. L. a joué un rôle dans la version française des opus 10 et 11 de cette littérature. Il y a de même d’autres équipes qui en Espagne, en Grande Bretagne font un travail identique.

Eviter les confusions dommageables

L’ex responsable de la sécurité du territoire pense, pour sa part, que le cadre juridique nouveau permet d’éviter les confusions dommageables. "À l’époque de Nicolas Sarkozy, une première version du texte de loi était beaucoup plus dure. Elle autorisait à poursuivre les personnes qui consultent fréquemment ce genre de site, affirme Louis Caprioli. Heureusement depuis, on est revenu sur ce point. Il y avait aussi, dans ces dossiers, un risque de méprise entre un délit de presse et une affaire de terrorisme. La nouvelle donne juridique permet d’être clairement dans le champ de la répression du terrorisme et pas dans celui de la liberté d’opinion."

Quelle est en définitive l’efficacité de cette nouvelle disposition ? Sur ce dernier aspect, les avis divergent entre les acteurs de l’antiterrorisme. Pour Louis Caprioli, "c’est un symbole qui a été mis en place. Je qualifierais cela de moment important. Mais, fondamentalement, cela n’arrêtera rien. Savez vous que nombre de ceux qui vont sur ces sites ont entre 12 et 15 ans ?"

"À mes yeux, c’est un pas décisif qui a été franchi, tranche quant à lui le magistrat. L’enjeu est majeur, et on attendait cela depuis de nombreuses années. Du fait de leur localisation à l’étranger – quand on parvient à les débusquer ! -, il nous est impossible de supprimer ces sites de propagande. En revanche on peut à présent clairement mettre en cause ceux qui chez nous y concourent. Et à mes yeux, c’est ce qui vient d’être fait avec ce premier dossier."

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