Procès de l’attentat de Magnanville : "Ma conviction, c’est qu’il a été complice", affirme la mère de Jessica Schneider avant le réquisitoire

La parole est à l'accusation au procès de Mohamed Lamine Aberouz : le seul accusé doit répondre de complicité d'assassinat sur personne dépositaire de l'autorité publique, complicité de séquestration de mineur et association de malfaiteurs terroriste criminelle. L'homme, âgé de 30 ans, encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
Article rédigé par Aurélien Thirard
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Josiane Schneider, la mère de Jessica Schneider, la policière assassinée en 2016 à Magnanville, le 9 octobre 2023. (AURELIEN THIRARD / RADIOFRANCE)

Elle a attendu deux semaines pour s’exprimer. Alors que le procès de l’attentat de Magnanville arrive presqu’à son terme - le verdict sera rendu mercredi 11 octobre -, Josiane Schneider, la mère de Jessica Schneider, la policière assassinée chez elle, à Magnanville, dans les Yvelines, le 13 juin 2016, a décidé de convoquer une conférence de presse dans le cabinet de son avocat, Thibault de Montbrial, pour s’exprimer sur ce qu’elle pense de l’accusé. Pour dire, aussi, son ressenti sur le procès et enfin pour délivrer un message plus politique. "Je veux faire passer un message de prudence. Rien n’est fini, la menace [terroriste] persiste", assure cette femme aux cheveux auburn. 

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Pas question pour elle de revenir sur sa douleur, sa peine, qu’elle a partagée avec des mots forts lors de son témoignage à la barre lundi 2 octobre face aux juges de la cour spéciale de Paris. Si elle prend la parole désormais face aux caméras, c’est pour l’affirmer haut et fort : "Ma conviction c’est que [l’accusé] a été complice".

"Il n’a jamais montré de compassion depuis le début"

Elle en veut pour preuve le témoignage de son petit-fils, âgé de trois ans en 2016, qui a vu sa mère se faire tuer par le terroriste. Josiane Schneider assure que l’assassin ne pouvait avoir qu’un deuxième homme à ses côtés. "Damien* (prénom d’emprunt) a dit que ‘maman a crié’, elle a été maîtrisée. Ma fille, je la connais, elle ne se serait pas laissé faire. Donc ma conviction, c’est qu’il y a obligatoirement un deuxième homme. Et pour moi, c’est lui". Lui, Mohamed Aberouz, un proche du terroriste, Larossi Abballa abattu par le Raid lors de l’assaut dans le pavillon des victimes. 

Josiane Schneider se tient droite, affiche un sourire triste, la même attitude qu’elle oppose à l’accusé depuis le début du procès. Pendant ces 15 jours, la maman de Jessica a eu tout le temps de regarder, d’étudier le comportement de Mohamed Aberouz, un homme à l’isolement depuis six ans, pugnace face aux juges et à l’accusation. "Il n’a jamais montré de compassion depuis le début", regrette de son côté Josiane Schneider.

Enseignante à la retraite, elle ose une comparaison inattendue entre Mohamed Aberouz et les élèves qu’elle a eu dans ses classes :

"Je retrouve en lui ce genre d’enfant à problèmes que j’ai aidé. Il a dévié pour se construire une identité, pour se venger du petit garçon moqué, pour aller vers la violence. Lui, il cherche à se faire valoir".

Josiane Schneider,

à franceinfo

 

Un accusé qui a répondu pendant plus de neuf heures vendredi 6 octobre lors de son interrogatoire. Il s’est montré très à l’aise, connaissant son dossier sur le bout des doigts. "Il est dans la parole", juge Josiane Schneider. "C’est ça qui le fait exister. Et il sera toujours dans la parole".  

Josiane Schneider, plongée bien malgré elle dans la machine judiciaire, cherche auprès de son avocat le bon terme technique, veut montrer qu’elle aussi connaît le dossier de manière très poussée. Et n’hésite pas malgré sa conviction à exprimer ses "doutes" : "Il y a des doutes, on le sait. Je ne suis pas experte", relève-t-elle. 

Le témoignage de l'enfant rend possible la présence d'un complice

Elle admet par ailleurs avoir été "déstabilisée" par le témoignage de la psychologue de son petit-fils lundi 2 octobre, un témoignage sur lequel comptait l’accusation. En effet, dans le dossier qui a servi à instruire ce procès, une de ses collègues qui a pris en charge le petit garçon à l’hôpital Necker (Paris 15e), écrivait dans son rapport que le témoignage de Damien* pouvait impliquer la présence d’un deuxième homme lors de l’attentat. "Elle a réagi comme une personne professionnelle. Elle est restée dans son domaine (...) Eelle ne nous a pas apporté de réponse". Lors de son témoignage, cette psychologue a renvoyé la défense et l’accusation dos à dos, insistant sur "le traumatisme de guerre" et "la torture psychique" que le petit garçon a subi. 

Cette déception n’empêche pas Josiane Schneider de dire que, selon elle, la cour ne se laissera pas convaincre par les arguments de la défense. Les avocats de Mohamed Aberouz ont tour à tour tenté de démonter les thèses de l’accusation : ils ont questionné sans relâche les experts en ADN, point central de l’accusation ; la psychologue, les enquêteurs, tentant de faire pencher la balance en faveur de leur client. "Je fais confiance aux experts et à leurs conclusions. Ça ne nous met pas en défaveur comme certains pourraient le croire", indique pour sa part la mère de Jessica Schneider.  

Reste que pendant ces plus de deux semaines de procès, Josiane Schneider a tenu à assister à l’ensemble des audiences, de la première à la dernière minute. Elle confie être "presque en mission", pour porter la mémoire de sa fille et de son gendre, Jean-Baptiste Salvaing, et tenter d’avoir des réponses à ses questions. "Ce procès a mis à plat certaines choses, ça a rappelé beaucoup de choses, mais ma peine reste et je l’ai refoulée pendant ces deux semaines. Même le week-end chez moi, je me dis ‘faut pas y penser, allez, avance’ et on verra plus tard. Ce sera plus dur après, ça je ne le cache pas".

Josiane Schneider doit encore assister au réquisitoire des avocates générales, aux plaidoiries des avocats de la défense, avant d’entendre mercredi 11 octobre les derniers mots de l’accusé. Le verdict sera rendu dans la foulée. 

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