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Que signifie le terme "fatwa", utilisé par Gérald Darmanin pour désigner l'attentat contre l'enseignant Samuel Paty ?

Le ministre de l’Intérieur estime qu’une "fatwa" a été "manifestement lancée" contre le professeur décapité à Conflans Saint-Honorine. On vous explique de quoi il s’agit.  

Article rédigé par Gérald Roux
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Dans la manifestation à la mémoire de Samuel Paty, le 18 octobre 2020 à Toulouse (illustration) (GEORGES GOBET / AFP)

Gérald Darmanin a déclaré lundi sur Europe 1 que le père d’une collégienne de l’établissement du Bois d’Aulne et le militant islamiste radical Abdelhakim Sefrioui ont "manifestement lancé une fatwa" contre le professeur Samuel Paty car il avait montré en classe des caricatures de Mahomet. La référence du ministre de l’Intérieur n’est pas anodine. Le terme "fatwa" est lourd de sens.

Une fatwa, c’est quoi ?  

Dans l'islam, une fatwa est un avis juridique donné par une autorité religieuse sur des sujets très divers, qui peuvent concerner tous les aspects de la vie, que ce soit la religion, l’éducation, la consommation, des aspects financiers ou encore la santé. Par exemple, en mars 2020 au début de l'épidémie de coronavirus, un ayatollah iranien a publié une fatwa appelant la population à la prudence vis-à-vis du virus. D'autres fatwas peuvent être plus sévères. Ainsi en Malaisie, une fatwa a dénoncé la communauté chiite comme "musulmans déviants" en 1996.  

La fatwa de l’ayatollah Khomeini contre Salman Rushdie     

C’est avec cette décision que le monde occidental a découvert le mot fatwa en 1988. Cette année-là, le Guide suprême de la révolution iranienne accuse l'écrivain britannique d'avoir écrit un roman blasphématoire sur l'islam. Le livre Les versets sataniques a provoqué des manifestations de colère de musulmans dans plusieurs pays. La fatwa de Khomeiny appelle alors tous les musulmans à exécuter l'écrivain, qui va ensuite vivre caché pendant des années. Salman Rushdie devient un symbole de la lutte pour la liberté d'expression.   

Le mot passe dans le langage courant   

L’affaire des versets sataniques a eu un énorme écho à la fin des années 80, particulièrement en Occident. Le climat de l’époque a amené une partie de l’opinion à penser qu’une fatwa était toujours un appel au meurtre ou au minimum une condamnation très sévère. Le terme est entré dans le vocabulaire de certains pour qualifier une mesure particulièrement dure contre quelqu'un. Exemple : "Cet homme a été victime d'une véritable fatwa de la part d'untel".  

Sur le plan politique, le terme a été utilisé notamment à la droite de la droite. En 2017, alors que le Front national (aujourd'hui Rassemblement national) est confronté à des problèmes avec des banques comme la Société Générale, la présidente du mouvement Marine Le Pen avait dénoncé une "fatwa bancaire" contre son mouvement. Elle utilisait ce terme très connoté pour dénoncer l’attitude jugée sévère et injuste des banques.

Samedi 17 octobre, au lendemain du drame de Conflans Saint-Honorine, le vice-président du Rassemblement national Jordan Bardella a parlé sur BFMTV des "fatwa" que peuvent subir, selon lui, des professeurs de la part de parents d'élèves quand ils évoquent en cours la liberté d’expression. Ce lundi, en utilisant le terme de fatwa, le ministre de l'Intérieur n'en ignore pas la force de frappe, dans une société restée marquée par la fatwa de l’ayatollah Khomeini.  

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