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Le président du Conseil français du culte musulman "ne souhaite pas" que les caricatures de Mahomet soient montrées dans les écoles

"Il y a d'autres moyens d'expliquer le respect mutuel, le respect des libertés des uns et des autres", plaide Mohammed Moussaoui. "Le devoir de la fraternité impose à tous de renoncer à certains droits".

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Mohammed Moussaoui, président du Conseil français du culte musulman, 22 mars 2019. (VINCENT ISORE / MAXPPP)

"Je ne souhaite pas" que les caricatures de Mahomet soient montrées à nouveau dans les écoles, a déclaré Mohammed Moussaoui, le président du Conseil français du culte musulman, mardi 27 octobre sur franceinfo. Alors que le président turc Recep Tayyip Erdogan a de nouveau appelé lundi au boycott des produits français, prenant la tête de la colère grandissante dans le monde musulman contre le président français qui a défendu la liberté de caricaturer le prophète Mahomet, Mohammed Moussaoui a critiqué une "volonté délibéré d'offenser les sentiments des musulmans".

franceinfo : Vous avez rencontré Emmanuel Macron lundi. Les Français musulmans ont-ils besoin d'être rassurés en ce moment ?

Mohammed Moussaoui : Oui. La rencontre d'hier est le prolongement du discours du président de la République aux Mureaux. Il est question de restructurer l'organisation de l'islam de France, d'étudier les possibilités de formation des cadres religieux et le financement. Bien sûr l'actualité nous a amené à en discuter avec le président de la République qui a exprimé l'inquiétude de la communauté musulmane.

Le président turc attaque depuis plusieurs jours la France après la republication des caricatures. Emmanuel Macron a-t-il eu raison de dire qu'il fallait continuer à les publier ?

Il n'a pas dit qu'il fallait continuer à publier ces caricatures. Il a dit : "Nous ne renoncerons pas aux carictures". Ce n'est pas tout à fait pareil. Il s'en est expliqué hier. À titre personnel, il n'est pas pour porter les caricatures et les publier n'importe où. Il n'incite pas à la publication de ces caricatures. Il faut entendre le sentiment des musulmans de France. Le droit permet aux caricaturistes de caricaturer mais ce même droit permet aussi aux musulmans de ne pas aimer ces caricatures, voire de les détester. Mais rien ne peut justifier qu'on puisse assassiner ou porter atteinte à un homme qui caricature.

Faut-il continuer à les montrer à l'école ?

Je ne pense pas que ce soit la bonne solution pour expliquer aux enfants la liberté d'expression. Je ne le souhaite pas. Il y a d'autres moyens de le faire. Il y a d'autres moyens d'expliquer le respect mutuel, le respect des libertés des uns et des autres. À cet âge-là, il faut respecter le sentiment de ces enfants. 

Entre la liberté d'expression et la volonté délibéré d'offenser les sentiments des musulmans il y a le devoir de fraternité et de responsabilité.

Mohammed Moussaoui, président du Conseil français du culte musulman

à franceinfo

Le devoir de la fraternité nous impose à tous de renoncer à certains droits pour que la fraternité règne dans notre pays.

Depuis l'assassinat de Samuel Paty, le concept d'islamophobie est au cœur des débats. Considérez-vous que la France est islamophobe ?

Il y a des actes antimusulmans, un climat délétère, mais de là à dire que la France est islamophobe c'est un excès que nous n'acceptons pas. Les musulmans de France ne sont pas persécutés, ils vivent librement leur citoyenneté. Nous sommes face à deux attitudes qu'il faut condamner d'une manière très forte. Ceux qui veulent mettre tous les musulmans de France sur le banc des accusés de terrorisme et ceux qui veulent rendre tous les Français islamophobes. Ce sont deux attitudes extrêmes qui se nourrissent mutuellement malheureusement.

Le gouvernement va demander la dissolution du Collectif contre l'islamophobie en France. Gérald Darmanin affirme que cette association est une "officine islamique", "contre la République". Qu'en pensez-vous ?

Il appartient aux pouvoirs publics de mettre en œuvre toutes les décisions qui permettent de garder notre sécurité. Je connais son action, je ne partage pas toutes ses méthodes, mais je n'ai pas tous les éléments pour porter un jugement sur cette association et cela ne m'appartient pas. Les pouvoirs publics sont dans leur rôle d'enquêter, de contrôler et d'interdire s'il y a des preuves. Il faut faire confiance aux institutions garantes de l'État de droit. Cette association, comme toutes les associations, a le droit de faire des recours.

Gérald Darmanin a déclaré être contre les rayons casher ou halal des supermarchés, sans pour autant vouloir les interdire. Qu'en pensez-vous ?

C'est maladroit d'utiliser cette expression dans un climat où on parle de terrorisme. C'est une liberté religieuse qu'il faut respecter. Je respecte le point de vue du ministre mais je tiens à dire que dans le langage que nous utilisons il faut faire très attention. Certains, à partir de son expression, peuvent faire le lien entre une pratique religieuse et d'autres manifestations extrémistes qui n'ont pas lieu d'être.

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