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Assassinat de Samuel Paty : qui sont les sept personnes mises en examen ?

Parmi elles, deux collégiens sont soupçonnés d'avoir fourni des informations sur le professeur au terroriste, en échange d'une somme d'argent.

Article rédigé par franceinfo
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Des proches de Samuel Paty lors d'une "marche blanche", le 20 octobre 2020, à Paris. (BERTRAND GUAY / AFP)

L'enquête progresse. Après l'assassinat de Samuel Paty, sept personnes ont été mises en examen, mercredi 21 octobre, pour "complicité d'assassinat en relation avec une entreprise terroriste" et "association de malfaiteurs terroriste en vue de commettre des crimes d'atteintes aux personnes". Cinq adultes ont été placés en détention provisoire, tandis que deux collégiens ont été remis en liberté et placés sous contrôle judiciaire.

Seize personnes avaient d'abord été placées en garde à vue, mais neuf avaient ensuite été relâchées, notamment les membres de la famille d'Abdoullakh Anzorov, l'auteur de l'attaque. Ce dernier a été abattu par la police peu de temps après avoir décapité le professeur d'histoire-géographie, mais la justice recherche ses éventuels complices.

Un père d'élève, auteur d'une vidéo virale

Brahim C. est un parent d'élève du collège du Bois d'Aulne. Il a contribué à lancer la mobilisation contre le professeur après un cours sur la liberté d'expression dispensé par Samuel Paty le 6 octobre dans son collège de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines). Il a publié "un récit des faits faisant état de la diffusion d'une image du prophète nu", le 7 octobre au soir sur son compte Facebook, en appelant à la mobilisation contre l'enseignant pour réclamer son exclusion, selon le procureur antiterroriste, Jean-François Ricard.

Il a également publié une vidéo, rapidement devenue virale, où il traite notamment le professeur de "voyou". Il a également donné sur les réseaux sociaux le nom de Samuel Paty et l'adresse du collège. L'enquête a toutefois permis d'établir que la fille de Brahim C. était absente du cours en question. De plus, contrairement à ce qu'il a soutenu sur les réseaux sociaux, l'exclusion de la collégienne pour deux jours de son établissement a été décidée "pour des faits distincts" n'ayant rien à voir avec ce cours d'histoire-géographie, selon le procureur. "Il est aujourd'hui clair que le professeur a été nommément désigné comme une cible sur les réseaux sociaux (...) au moyen d'une manœuvre et d'une réinterprétation des faits", a déclaré le procureur antiterroriste, Jean-François Ricard. Abdoullakh Anzorov s'est "directement inspiré des messages diffusés par Brahim C.", a assuré le procureur.

Les enquêteurs antiterroristes s'intéressent aussi à des messages sur WhatsApp entre ce père de famille et Abdoullakh Anzorov. Les deux hommes se sont échangé "plusieurs contacts téléphoniques et écrits" entre le 9 et le 13 octobre, a confirmé le procureur, sans dévoiler la teneur de ces échanges. "Mon client n'a jamais cherché à contacter l'enseignant, il n'a jamais appelé à lui nuire. Il ne connaissait pas l'assaillant, et est bouleversé par ce qui est arrivé", a assuré auprès de France Télévisions Nabil El Ouchikli, l'avocat de Brahim C., mercredi soir, avant la mise en examen de son client pour "complicité d'assassinat en relation avec une entreprise terroriste". Brahim C. a demandé un délai pour préparer sa défense, mais a été incarcéré en attendant le débat contradictoire le concernant, qui aura lieu vendredi.

Le militant islamiste Abdelhakim Sefrioui

Figure de l'islam radical, Abdelhakim Sefrioui a lui aussi été mis en examen pour "complicité d'assassinat en relation avec une entreprise terroriste", et placé en détention provisoire, pour avoir accompagné Brahim C. dans sa mobilisation. Il s'est rendu au collège pour rencontrer la principale et se plaindre de Samuel Paty. Il est ensuite apparu dans une vidéo où il se présente comme "membre du Conseil des imams de France". Il y déclare qu'"Emmanuel Macron a attisé la haine contre les musulmans" et que l'enseignant "est un voyou". Le procureur antiterroriste établit "un lien de causalité direct" entre les agissements du parent d'élève et d'Abdelhakim Sefrioui et la mort de Samuel Paty.

Abdelhakim Sefrioui sillonne depuis plus de 15 ans la région parisienne, organise des manifestations, des prières de rue et des actions devant des lycées. Il est fiché S. Né en 1959 à Fès, ce Franco-Marocain est marié à une Française et père de deux enfants. Il est apparu dans les médias au début des années 2000. En 2004, il a fondé le collectif propalestinien Cheikh Yassine (du nom du fondateur du Hamas, tué par l'armée israélienne en 2004) dont le Conseil des ministres a annoncé la dissolution. Il a également fait partie du bureau de campagne de Dieudonné en 2006, lorsque celui-ci envisageait une candidature à l'élection présidentielle.

Abdelhakim Sefrioui s'est dit "abasourdi, effondré", après sa mise en examen, a indiqué à franceinfo son avocat, qui souhaite garder l'anonymat.

Trois autres majeurs proches du terroriste

Naïm B. et Azim E. ont été mis en examen pour "complicité d'assassinat en relation avec une entreprise terroriste", et également placés en détention provisoire. Yussuf C. a lui été mis en examen pour "association de malfaiteurs terroriste en vue de commettre des crimes d'atteintes aux personnes", et placé en détention provisoire.

Ces trois proches du terroriste soupçonnés de l'avoir aidé. Deux d'entre eux s'étaient livrés spontanément au commissariat d'Evreux, vendredi soir, et "contestent avoir eu connaissance des projets mortifères de leur ami", selon le procureur. Azim E., âgé de 19 ans et ami de longue date d'Abdoullakh Anzorov, est suspecté de l'avoir accompagné la veille des faits dans une coutellerie de Rouen pour l'achat d'un couteau. Une arme retrouvée à proximité du corps du terroriste.

Naïm B., âgé de 18 ans, a quant à lui déclaré avoir véhiculé le terroriste à proximité du collège peu avant 14 heures, le jour des faits. Plus tôt dans la journée, il l'avait par ailleurs accompagné dans un magasin d'Osny (Val-d'Oise) pour y acquérir deux armes de type airsoft, dont l'une sera retrouvée sur la scène de crime. Il a enfin admis avoir également accompagné Abdoullakh Anzorov à la coutellerie.

Enfin, Yussuf C., âgé de 18 ans, est mis en examen du fait de "contacts très rapprochés" avec Abdoullakh Anzorov, et "du partage manifeste de leur idéologie radicale", selon les mots du procureur.

Deux mineurs soupçonnés d'avoir reçu de l'argent

Les deux mineurs de 14 et 15 ans ont, eux aussi, été mis en examen pour "complicité d’assassinat en relation avec une entreprise terroriste" et remis en liberté sous contrôle judiciaire. "Poursuivre deux jeunes dans un dossier terroriste, qui plus est criminel, n'est pas une chose inédite mais interroge", a souligné Jean-François Ricard.  Il est reproché aux adolescents "de s'être maintenus en présence directe et prolongée d'Abdoullakh Anzorov, l'après-midi du 16 octobre".

Ils sont aussi soupçonnés d'avoir fourni au terroriste, contre de l'argent, des renseignements sur Samuel Paty, devant leur établissement, quelques heures avant le passage à l'acte de l'assaillant. Moyennant une récompense de 300 ou 350 euros, ils lui auraient donné la description physique de Samel Paty. Ce sont ensuite d'autres collégiens, en lien avec eux, qui ont désigné le professeur lorsque celui-ci est sorti du collège, permettant ainsi à Abdoullakh Anzorov de poursuivre sa victime.

L'identification du professeur par l'assaillant "n'a été rendue possible que grâce à l'intervention de collégiens", a affirmé le procureur. Selon les deux collégiens mis en examen, le terroriste leur aurait confié vouloir "filmer le professeur, l'obliger à demander pardon pour la caricature du prophète, l'humilier, le frapper", a indiqué le procureur. 

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