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Professeur décapité : ce que l'on sait d'Abdoullakh Anzorov, l'auteur de l'attaque

Le jeune Russe de 18 ans est décrit comme "discret" et "plongé dans la religion" depuis plusieurs années. Il était inconnu des services de renseignement.

Article rédigé par franceinfo
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Des bougies déposées en hommage à Samuel Paty devant le collège du Bois d'Aulne, à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), le 17 octobre 2020. (SAMUEL BOIVIN / NURPHOTO / AFP)

Il a plongé la France dans l'effroi. Abdoullakh Anzorov, un jeune homme de 18 ans, a décapité, vendredi 16 octobre à Eragny (Val-d'Oise), Samuel Paty, un professeur d'histoire-géographie, tout près de son collège du Bois d'Aulne, à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines). L'assaillant a ensuite rapidement été abattu par des policiers qui cherchaient à le neutraliser, selon les éléments donnés par le procureur général du Parquet national antiterroriste, Jean-François Ricard. Franceinfo se penche sur le profil du jeune terroriste.

Un jeune d'origine tchétchène 

Abdoullakh Anzorov était un jeune Russe tchétchène né à Moscou en 2002. Il avait obtenu le 4 mars 2020 un titre de séjour valable jusqu'en mars 2030. Il avait le statut de réfugié et habitait à Evreux, dans l'Eure. Il n'avait plus de liens avec Moscou depuis 2008, a assuré l'ambassade de Russie. "Ce crime n'a rien à voir avec la Russie, étant donné que cet individu vivait en France depuis douze ans et avait été accueilli" par le pays, a déclaré aux agences de presse russes un porte-parole de la représentation russe à Paris. Selon lui, Abdoullakh Anzorov est arrivé en France à l'âge de 6 ans avec toute sa famille. Ils ont obtenu le statut de réfugiés, qui conduit automatiquement à une déchéance de la nationalité russe.

Jean-Charles Brisard, président du Centre d'analyse du terrorisme, un think-tank, estime dans Le Parisien que la communauté tchétchène "fait l'objet d'une surveillance accrue de la part du service de renseignement intérieur". "Les Tchétchènes représentent entre 15 et 20% des islamistes radicalisés", selon lui. "Cette communauté, au titre de la radicalisation, fait l'objet de toutes les attentions des services de renseignement. Certains de ses membres sont partis sur la zone irako-syrienne, depuis la France mais aussi d'autres pays", confirme, toujours dans Le Parisien, Laurent Nuñez, coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme.

La communauté s'inquiète désormais d'être victime de stigmatisation. "Tous les Tchétchènes ne sont pas des terroristes", insiste un jeune du quartier d'origine d'Abdoullakh Anzorov à l'AFP. "Je ne sais pas ce qui lui est arrivé, il a dû être manipulé ou regarder trop de vidéos, mais ça n'a rien à voir avec notre communauté." De son côté, l'Assemblée des Tchétchènes d'Europe a tenu à condamner fermement le crime, dans un communiqué. "Nous soulignons par la même occasion qu'aucune communauté ne peut être tenue pour responsable de tous les actes isolés de ses ressortissants", a ajouté l'organisation. 

Un solitaire "plongé dans la religion", selon ses voisins

Dans le quartier de la Madeleine à Evreux, les voisins d'Abdoullakh Anzorov évoquent un jeune homme "discret", "plongé dans la religion" depuis trois ans, selon des témoignages recueillis par l'AFP. "Je le voyais rarement et il était souvent tout seul", assure un habitant. "On a beau être voisins, on ne peut pas connaître la vie des gens, ici c'est juste 'bonjour au revoir', ça s'arrête là, confie un autre voisin de 44 ans. C'est un coin paisible, ce n'est pas le coin le plus malfamé de la Madeleine." 

L'agresseur, "je le voyais mais c'était rare, je voyais plus ses petits frères", ajoute Sofia, 23 ans. "Ma mère l'a vu il y a trois ou quatre jours, il était tout seul mais c'était souvent le cas. C'était rare qu'il se mélange aux autres", détaille la jeune femme, en évoquant une famille très "discrète". Selon le procureur Jean-François Ricard, le jeune homme était connu pour des dégradations de biens publics et des violences en réunion, alors qu'il était encore mineur. Mais il "ne sortait plus trop", assure un jeune, qui était dans le même collège que lui. "Avant, il était impliqué dans des bagarres, mais ces deux, trois dernières années, il s'était bien calmé" et s'était "plongé dans la religion", assure-t-il.

Il faisait ses prières, il n'était pas trop dehors, il parlait poliment.

Un jeune voisin d'Abdoullakh Anzorov

à l'AFP

C'était "un jeune sans souci", qui "a été scolarisé à Evreux jusqu'au lycée et qui ne présentait pas de signe avant-coureur de radicalisation, confirme un élu local. Il n'y avait aucun souci avec cette famille."

Un inconnu pour les services de renseignement

Connu pour des antécédents de droit commun lorsqu'il était mineur, Abdoullakh Anzorov n'a jamais été condamné. Et surtout, il n'était pas connu des services de renseignement pour radicalisation. "Les investigations judiciaires démontrent souvent qu'ils se radicalisent très rapidement", a détaillé Laurent Nuñez sur franceinfo pour expliquer comment l'individu était passé sous les radars de l'antiterrorisme. "Ils n'ont aucun contact avec des individus présents en Syrie, en Irak, avec l'Etat islamique… Ils n'ont pas de contacts, donc ils sont quasiment indétectables." 

La radicalisation d'Abdoullakh Anzorov ne fait aucun doute pour les autorités. Jean-François Ricard, le procureur général du Parquet national antiterroriste, a expliqué que les enquêteurs avaient retrouvé dans son téléphone portable le texte de revendication envoyé sur Twitter. Ce dernier avait été écrit à 12h17, avant l'attaque. Ils ont aussi découvert dans le téléphone la photo de la tête de la victime envoyée à 16h57 sur Twitter. Elle était accompagnée d'un message adressé à Emmanuel Macron, "le dirigeant des infidèles", expliquant vouloir se venger de celui "qui a osé rabaisser Muhammad".

Une radicalisation visible sur Twitter

Abdoullakh Anzorov n'avait pas caché sa radicalisation sur les réseaux sociaux. Le compte Twitter @Tchetchene_270, dont il était le propriétaire selon le procureur Jean-François Ricard, ne s'est pas contenté de publier la revendication et la photo de l'enseignant décapité. Des internautes avaient repéré le compte dès le 30 août en raison d'un photomontage mettant en scène une décapitation.

Selon Mediapart, plusieurs signalements Pharos (la Plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements) avaient ainsi été effectués ces derniers mois. Toujours selon le site d'investigation, l'examen des quelques tweets, ainsi que des abonnés et amis du compte Twitter permettait de dresser le portrait d'un homme très ancré dans la religion, "et probablement dans le jihad".

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