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Le procès du jihadiste français Salim Benghalem en quatre questions

Présenté comme l'un des bourreaux de l'organisation Etat islamique, il est jugé par contumace à partir de mardi, dans le cadre du procès d'une filière d'acheminement de jihadistes en Syrie.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Capture d'écran d'une vidéo de propagande du groupe Etat islamique dans laquelle apparaît le Français Salim Benghalem. (DR)

Le procès se tient sans le principal prévenu. Un peu plus de deux semaines après les attentats sanglants qui ont fait 130 morts à Paris et à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), le tribunal correctionnel de Paris, juge, à partir de mardi 1er décembre, les protagonistes d'une filière d'acheminement de jihadistes en Syrie. Parmi les sept personnes renvoyées devant la justice figure Salim Benghalem. Ce jihadiste français, parti en Syrie depuis mars 2013, sera jugé par contumace. Francetv info vous résume les enjeux de l'audience. 

Qui est Salim Benghalem ? 

Ce Français de 35 ans, qui a grandi à Cachan (Val-de-Marne), est présenté par les autorités américaines et françaises comme l'un des bourreaux de l'organisation Etat islamique, à laquelle il s'est rallié après avoir combattu brièvement dans les rangs du front Al-Nosra (affilié à Al-Qaïda). Il est inscrit depuis septembre 2015 sur la liste des 10 terroristes les plus dangereux et les plus recherchés par les Etats-Unis.   

Il a été, avec Mehdi Nemmouche, le tireur présumé du musée juif de Bruxelles, un des geôliers des quatre journalistes français libérés en avril 2014 après dix mois de détention. Selon Le Monde, il aurait été ciblé par un bombardement de l'armée française à Raqqa (Syrie), le 8 octobre.

Son nom apparaît aussi dans l'enquête sur les attentats du 7 janvier contre Charlie Hebdo : dans une vidéo publiée en février, il félicite en effet les frères Kouachi pour leur attaque. Salim Benghalem, qui s'est radicalisé à la prison de Fresnes (Val-de-Marne), où il a été incarcéré de 2002 à 2008 pour une affaire de meurtre, aurait fait partie de la filière dite "des buttes Chaumont", où gravitaient les frères Kouachi. Il aurait effectué un voyage au Yémen avec Chérif Kouachi. Leurs deux noms figurent sur le listing d'un vol à destination d'Oman. Reparti avec la consigne de mener un attentat contre des Américains en France, Salim Benghalem aurait finalement renoncé à passer à l'acte, selon sa compagne, entendue par les services de renseignements à son retour de Syrie en janvier 2014. 

Selon cette femme, qui a épousé religieusement Salim Benghalem en janvier 2010, son époux "avait des doutes, alors que maintenant, il ne se poserait plus de questions". "Salim m'a dit que s'il revenait en [France], c'était pour faire un attentat, pour faire un maximum de dégâts", indique-t-elle aux enquêteurs, selon un procès-verbal relayé par Le Parisien (abonnés). 

Comment son nom apparaît dans cette affaire ? 

Il apparaît comme étant l'un des principaux recruteurs de cette filière d'acheminement de jihadistes depuis la France, démantelée en novembre 2013 alors qu'il était déjà depuis plusieurs mois en Syrie. Selon Libération, c'est via des interceptions téléphoniques, entre avril et novembre 2013, sur une ligne syrienne que les enquêteurs remontent jusqu'à Salim Benghalem. Il est visé par un mandat d'arrêt international depuis le 9 mai 2014 dans le cadre de cette affaire, instruite par le pôle antiterroriste à Paris.  

Selon Le Parisien, Salim Benghalem organisait le départ de candidats au jihad avec Abdelmalek T., un autre natif du Val-de-Marne, qui avait quitté la France pour l'Egypte en septembre 2012 avant de gagner la Syrie. Il était notamment chargé d'aller chercher les recrues à la frontière turco-syrienne et a été interpellé en avril 2014 en Espagne alors qu'il s'apprêtait à rejoindre l'Algérie, indique le quotidien.

Qui sont les autres prévenus ?

Ils sont six, dont Abdelmalek T. Ce dernier serait donc resté en Syrie environ un an et demi, période durant laquelle, avec le front Al-Nosra puis le groupe Etat islamique, il est accusé d'avoir combattu et d'avoir recruté des jihadistes, dont quatre de ses co-prévenus. Au téléphone, il s'était plaint, rapporte l'AFP, que les "frères" qui l'avaient rejoint soient partis "sans rien faire". "C'est pas le Club Med ici !", aurait-il lancé. Si l'accusation lui prête un rôle central, il refuse d'endosser celui de recruteur. Comme d'autres dans cette affaire, Abdelmalek T. a affirmé être parti en Syrie pour faire de l'humanitaire et non prendre les armes? Une justification fréquente dans ce type de dossiers. 

Parmi les autres membres présumés de cette filière, l'un n'a jamais mis les pieds en Syrie. Il s'agit de Younes C. Accusé d'être un recruteur, il s'est défendu d'avoir convaincu qui que ce soit de faire un voyage que lui-même n'était pas prêt à faire. Il avait des liens avec Mohamed Achamlane, chef du groupe islamiste Forsane Alizza, condamné en juillet à neuf ans de prison. 

Les quatre autres prévenus, des copains de lycée, de quartier ou de mosquée des trois autres, selon Le Parisien, sont restés entre dix jours et deux mois en Syrie. L'un, qui a combattu, soutient qu'il l'a fait contre son gré. Sans expérience, il a fait en sorte de ne pas se retrouver en première ligne et s'est caché dans une maison. Effrayé par les bombardements, il assure qu'il n'avait pas mesuré le danger.

Certains des prévenus ont justifié leur départ pour la Syrie par des difficultés personnelles et professionnelles en France. L'un a également invoqué les discriminations religieuses que lui et son épouse ressentaient. Mais ce qu'il a trouvé en Syrie ne correspondait pas aux promesses qui lui avaient été faites. Libéré récemment pour une question de procédure, il a entrepris une démarche de déradicalisation et une importante "réflexion sur son parcours", selon son avocate Ann Kennedy.

Que risquent-ils ? 

L'avocate d'Abdelmalek T., Noémie Coutrot-Cielsinski, ne semble pas craindre une "quelconque confusion" entre ce dossier et les événements récents, mais souligne un "climat très singulier". Avec l'un de ses co-prévenus, son client avait été sélectionné pour faire partie d'une sorte de groupe d'élite de dix combattants, chargés de commettre des assassinats. 

Autre avocat de la défense, Xavier Nogueras, redoute, lui, des "peines exemplaires pour rassurer l'opinion publique", et que les prévenus soient jugés avec un regard lié à l'actualité de novembre 2015 pour des faits datant de 2013, dans un contexte géopolitique différent. La plupart des mis en cause se sont explicitement défendus de représenter un danger pour la France. A l'exception de Salim Benghalem, dont l'absence risque de peser lourd sur ce procès, prévu pour se tenir jusqu'au 7 décembre.

"Les activités de Benghalem, toujours en Syrie, n'ont pas [...] rendu les mis en examen très enclins à s'exprimer sur les activités des uns et des autres", ont souligné les juges d'instruction, cités par Le Parisien. Une condamnation de Salim Benghalem, devenu l'un des plus célèbres jihadistes français, viendrait allonger la liste des charges à son encontre.  

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