Arrestations injustifiées, fausses alertes… Cinq couacs repérés depuis le début de l'état d'urgence
Dans le cadre de l'état d'urgence, les perquisitions administratives sont autorisées sans l'aval d'un juge, mais avec accord du préfet. Depuis sa mise en place, plusieurs bévues ont été relevées dans les médias.
Près de 800 perquisitions pour une centaine d'interpellations. Depuis l'instauration de l'état d'urgence le 14 novembre, 793 perquisitions administratives ont été effectuées pour 107 interpellations ayant donné lieu à 90 gardes à vue, selon un dernier bilan du ministère de l'Intérieur publié vendredi. Cet état d'exception autorise les forces de l'ordre à procéder à des perquisitions administratives de jour comme de nuit, sans l'aval d'un magistrat mais avec l'accord du préfet.
En une semaine, La Quadrature du Net a relayé de nombreux cas de perquisitions administratives "abusives". Francetv info a sélectionné cinq d'entre elles.
Une intervention musclée dans un restaurant
D'habitude, les samedis soir au Pepper Grill sont plutôt tranquilles. Ouvert il y a deux ans à Saint-Ouen-l'Aumône (Val-d'Oise), ce restaurant sert des burgers et des plats mexicains halal, car son propriétaire, Ivan Agac, est musulman. "Mais on ne marque pas pour autant 'halal' sur la vitrine", précise le jeune homme de 28 ans à francetv info. Samedi 21 novembre vers 20h30, une quarantaine de policiers débarquent dans son établissement, armés. "Ils nous ont demandé de nous asseoir, de mettre nos mains sur la table et de ne pas bouger", raconte Ivan Agac. "Ils ont tout fouillé, cassé les portes alors que je leur avais dit que j'avais les clés".
La perquisition est autorisée par le préfet du Val-d'Oise, Yannick Blanc, dans les "caves, garages et box" du restaurant, car il y a des "raisons sérieuses" de penser que des "personnes, armes ou objets liés à des activités à caractère terroriste" y existent. Selon Le Monde, la police recherchait notamment une salle de prière clandestine. S'il y a bien deux petites salles de prière près du bureau de la direction, elles sont privées et marquées par un pictogramme. "C'est pour un usage privé" assure Ivan Agac. Au bout d'une demi-heure, les policiers arrêtent leur contrôle : "Vous avez de la chance, on n’a rien trouvé, vous n’allez pas partir en garde à vue", lance un officier, repris par Le Monde. Ils repartent à 21 heures sans avoir effectué d'interpellations, ni un seul contrôle d'identité.
"Une fausse alerte" dans un hôtel
Il y a bien longtemps que l'hôtel de Saint-Pierre-de-Chandieu, situé dans une zone industrielle du Rhône, intrigue les autorités locales. Toujours complet, le Turquoise Konak est placé sous surveillance depuis des mois, rapporte France 3 Rhône-Alpes. Samedi 21 novembre en début d'après-midi, la présence d'une voiture immatriculée en Belgique interpelle les autorités, qui décident d'intervenir. Au même moment, la capitale belge est en état d'alerte maximale, après que des enquêteurs ont fait état d'imminentes attaques terroristes.
Une centaine de policiers et gendarmes interviennent dans l'établissement clos, où certains disent apercevoir parfois "des femmes voilées". A l'intérieur, les enquêteurs contrôlent une quarantaine de femmes, ainsi que de nombreux enfants. Des livres sur l'islam ainsi que des recueils de prières et une grosse somme d'argent sont saisis à des fins d'expertise. Présent lors de la perquisition, le maire de la commune, Raphaël Ibanez (DVD), explique : "Il n'y avait que des femmes et des enfants avec des cahiers qui ressemblaient à des cahiers de catéchisme (...). On sent qu'il y avait vraiment de la pégagogie par rapport à l'islam." Interrogé par France 3, le gérant de l'hôtel estime que sa réputation a été salie et "compte réagir".
Une fillette blessée car le Raid se trompe d'appartement
Une fillette blessée lors d'une perquisition du... par nice-matin
Son père a cru que sa fille "était morte". Agée de 6 ans, une petite fille a été blessée au cou par des éclats reçus lors d'une intervention des hommes du Raid, jeudi 19 novembre, rapporte Nice Matin. A 4h30, une équipe du Raid force la porte du logement d'un suspect situé au troisième étage de la rue Marceau, dans le centre-ville de Nice. Problème : les forces de l'ordre défoncent en fait la porte du voisin, qui se trouve juste à côté.
Sur la vidéo, le père détaille le déroulé des événements : "On a été réveillés en sursaut par des coups, des coups et des coups. Des tirs aussi. Je crois qu'il s'agissait d'un fusil à pompe." Le père est mis à terre. "Ils ont été très corrects, mais sur un ton très ferme. C'est leur travail aussi." Interrogée par Nice-Matin, la direction départementale de la sécurité publique des Alpes-Maritimes reconnaît "une erreur rare" et dit "comprendre et partager l'émotion de cette famille qui a pu être impressionnée. Nous sommes rassurés que les blessures de la petite ne soient pas graves."
Le musicien Ibrahim Maalouf fiché "Interpol positif"
"Je ne suis qu'un dommage collatéral insignifiant", dit-il au site Clique. Le musicien français Ibrahim Maalouf raconte comment la police l'a retenu, à la gare du Nord, à Paris, mardi 17 novembre, à cause de son passeport. "Il était indiqué sur leur ordinateur que mon passeport était signalé 'Interpol positif'. Ils me l’ont confisqué et m’ont interrogé", raconte-t-il.
Le trompettiste a raté deux trains et annulé une journée de promotion pour laquelle il se rendait à Londres, avant d'être relâché et de raconter sa mésaventure sur sa page Facebook. "J’avais ma carte d’identité sur moi, j’ai donc pu monter dans un train. Une fois assis, j’ai été rejoint par trois agents de la douane". Selon lui, les agents "avaient mal pris le fait qu’un article du Parisien, publié quelques minutes plus tôt, écrive que la douane m’avait arrêté", alors que "je n'ai mentionné que la police". Ibrahim Maalouf a finalement pu prendre son train à la dernière minute, pour arriver à l'heure à son concert.
Arrêté dans le train car il regardait un film d'action
Vendredi 20 novembre, vers midi, Mickaël, 27 ans, se fait interpeller en gare de Massy (Essonne), avec deux autres passagers du TGV Marseille-Rennes. "Je n'ai pas compris ce qu'il se passait. Un policier m'a plaqué à terre, son genou sur mon dos", raconte le jeune homme à Ouest-France. "Il hurlait : 'mets tes mains sur la tête !' Il m'a passé les menottes. J'ai eu très peur et j'ai pleuré."
Deux heures auparavant, le jeune homme fait connaissance et sympathise dans le train avec un jeune de son âge. Ensemble, ils regardent un film d'action américain où les personnages utilisent des armes, ce qui "intrigue" certains passagers, qui y voient "un comportement suspect" et avertissent le contrôleur du train. Tout le TGV est évacué, des policiers armés investissent le train. "Ils nous ont dit de ne pas prendre l’escalator pour quitter le quai qui est en sous-sol", rapporte une témoin à Ouest-France. Mickaël passe quatre heures au commissariat avant d'être relâché. "Est-ce parce que je suis bronzé, que je porte la barbe et que j’avais des gants qu’ils m’ont pris pour un terroriste ?"
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