Projet d'attentat d'un groupe néonazi déjoué : "D'anciens dirigeants du Front national ont, parfois, créé des groupuscules", analyse un spécialiste
Cinq personnes ont été interpellées ce mardi, soupçonnées d'avoir voulu organiser notamment un projet d'attentat contre une loge maçonnique.
Erwan Lecoeur, sociologue et politologue, spécialiste de l'extrême droite, auteur, notamment, du Dictionnaire de l'extrême droite, chez Larousse (2007), a expliqué vendredi 24 septembre sur franceinfo que les groupuscules d'extrême droite actifs sont en général "d'anciens dirigeants du Front national" qui "ont repris leur liberté". Un projet d'attentat d'un groupe néonazi vient d'être déjoué. Cinq personnes ont été interpellées mardi. Elles sont soupçonnées d'avoir voulu organiser notamment un projet d'attentat contre une loge maçonnique en mai dernier.
franceinfo : Qui est ce groupuscule "Honneur et nation" ?
Erwan Lecoeur : Il s'agit de quelques dizaines ou quelques centaines de personnes. Il est relativement récent. On le connaît sur internet particulièrement. C'est le cas de beaucoup de ces groupuscules d'extrême droite. En l'occurrence, c'est un groupuscule clairement néonazi qui a des références qui sont très claires. D'abord, l'hitlérisme, le salut nazi, de nombreuses autres choses qui incarnent cette mouvance. Il y a toujours eu des groupuscules de ce type. Celui-ci est une déviance, un reste, d'une ancienne division nationaliste révolutionnaire. Le mot a un sens puisque nationaliste révolutionnaire, c'est vraiment les branches les plus dures de l'extrême droite, qui compte énormément de branches et énormément de sous-factions, de tendances, de gens très divers les uns des autres. L'extrême droite est très diverse. Et depuis que le Front national, Rassemblement national désormais, est devenu plus "respectable", ces gens ont repris pour une partie d'entre eux, leur liberté. C'est le cas par exemple d'anciens dirigeants du Front national qui ont parfois créé des groupuscules de ce type. Celui-ci en est un avec quelques anciens responsables locaux du Front national, en Corrèze notamment. Ce sont des gens qui, en général, sont parfois des anciens policiers, d’anciens gendarmes ou d’anciens militaires qui sont souvent plutôt actifs sur internet et parfois passent à l'acte.
Que représente en France cette menace de l'extrême droite ?
Cela représente des dizaines et des dizaines de groupuscules différents, à chaque fois quelques centaines de personnes tout au plus. Les plus connues, Génération identitaire par exemple, rassemble jusqu'à quelques centaines de personnes. Par contre, il y a une dangerosité non négligeable, un peu comme dans les autres formes de terrorisme, dans le fait que certains, à deux, trois ou quatre personnes, peuvent à un moment avoir l'envie de passer à l'acte pour marquer de leur empreinte quelque chose. Cette dangerosité-là, elle est plutôt en fonction du climat social et surtout de l'ambiance qu'ils trouvent sur internet, qui est devenu vraiment le lieu de formation, d'information de ces groupuscules. Depuis quelques années, l'ambiance sur Internet donne beaucoup de place à ces gens-là, comme aux États-Unis ou ailleurs dans le monde. Au moment des attentats, par exemple du Bataclan notamment, il y avait une recrudescence d'activité dans tous ces milieux, sur le mode d'une guerre civile larvée qu'il fallait mettre à jour. Ces gens-là, estiment qu'une guerre civile est déjà en cours et qu'il faudrait la mettre à jour par des actions. Et c'est là qu'il y a éventuellement, bien entendu, danger.
Cette menace est-elle prise au sérieux par les services du renseignement ?
Elle est prise très au sérieux depuis quelques des années. Elle a été pendant un temps mise sur le côté. Dans les années 80-90, l'extrême droite était suivie par le renseignement français. Et en tant que chercheur, on avait parfois des échanges avec des gens des services secrets et des services de renseignement. Dans les années 90 et 2000, il y a eu une baisse d'attention à l'égard de ces groupuscules qu'on considérait comme moins dangereux et cela a pu poser quelques problèmes parce qu'il y a eu perte de connaissance, perte de suivi de ces groupes. Et depuis quelques années, il y a à nouveau une reprise en main d'un certain nombre de services de renseignement. Il y a une longue histoire entre l'extrême droite française et les services de renseignement. Beaucoup de gens dans les services de renseignement sont également parfois d'extrême droite et inversement, il y a des renseignements qui venaient de gens qui étaient dans ces groupes.
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