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Reportage "Je n'ose plus sortir de chez moi" : après la disparition de Lina, le village de Plaine attend la suite de l'enquête, partagé entre angoisse et questionnements

Cela fait quatre jours que l'adolescente de 15 ans a disparu. Aucune piste n'est écartée pour l'instant, a indiqué la procureure.
Article rédigé par franceinfo - Willy Moreau
Radio France
Publié Mis à jour
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Une zone interdite d'accès par les gendarmes, qui recherchent toujours Lina, 15 ans, disparue depuis samedi à Plaine. (PATRICK HERTZOG / AFP)

"C'était ma meilleure amie pendant plus de quatre ans", confie Emy, accrochée à son téléphone devant la mairie de Plaine, dans le Bas-Rhin. À 15 ans, la jeune fille a le même âge que Lina, le même physique aussi. Elle ne reste plus très éloignée de sa mère, depuis la disparition de son amie, il y a quatre jours.

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L'adolescente a disparu samedi, près de chez elle, alors qu'elle partait à pied vers la gare de Saint-Blaise-la-Roche à 3 kilomètres de son domicile. Les deux battues et le déploiement d'équipe cynophile et de caméras thermiques n'ont, pour l'instant, rien donné. Une soixantaine de gendarmes restent mobilisés mercredi 27 septembre pour poursuivre leurs recherches dans cette zone vallonnée, couverte de forêts de conifères et plans d'eau. 

Regard fuyant, tournée vers la route et les voitures qui passent, Emy est agitée. "Savoir qu'on n'est même pas en sécurité dans notre village ou en se rendant à la gare, c'est un truc de fou. Je n'ose plus sortir de chez moi sans ma mère ou sans mon père. Je ne squatte plus dehors avec mes amis. Je reste chez moi", confie la jeune fille avant de chuchoter : "Parce que j'ai peur".

De la peur, de la colère, et surtout des questions

La peur et la colère se mêlent aux dizaines de questions qui l'assaillent. Qu’est-il arrivé à son amie d’enfance ? Où est-elle passée ? Emy attend des réponses pour retrouver un peu de sérénité. L'adolescente évoque une voiture suspecte dans le village, mais tous les habitants émettent leurs hypothèses. Beaucoup craignent une mauvaise rencontre. Myriam, Patrick, Sonia et Roland, des voisins, boivent un verre au soleil, entourés par la forêt. "Plaine, c’est un village tranquille", insiste Patrick. "On n'y ferme pas les portes à clé, on ne ferme pas les voitures, les enfants jouent dehors et c'est très courant de voir des jeunes marcher pour prendre un train ou un bus", glissent les habitants.

Un maître-chien de la Protection civile française regarde une carte alors qu'il participe à la recherche de Lina, le 26 septembre 2023. (PATRICK HERTZOG / AFP)

Cette disparition change tout, et rend les discussions pesantes, affirment ces retraités. "Ça fait une bonne heure qu'on en parle des choses qu'on aurait pu faire, qui auraient pu se passer. Il y a combien de personnes qui disparaissent chaque année et qui ne sont jamais retrouvées ?"

"On croise les doigts pour que ça se termine bien, mais ça fait quand même quatre jours, c'est long."

Patrick, habitant de Plaine

à franceinfo

"On croit toujours que ça arrive que chez les autres, et ça vient chez nous, lâche Patrick, las. Et quand ça vous arrive, on est démunis, on ne sait pas quoi faire, à part une battue comme tout le monde. Tout le monde a ses petites idées, mais ça n'avance pas beaucoup."

Aucune piste écartée

Pour l'heure, la procureure de Saverne, Aline Clérot, n’écarte "aucune piste", à part celle d’un accident : il n’y a pas de trace sur la chaussée, ni sur les bas côtés du chemin emprunté par Lina. L’enquête a pu déterminer que l’adolescente n’a pas pris le train pour Strasbourg, il n'y aucune trace d'elle sur les images de vidéosurveillance du train qu'elle aurait dû prendre ni à la gare de Strasbourg, et la procureure a donné d'autres détails : le portable de Lina a cessé d’émettre au moment de la disparition et aucun mouvement sur le compte bancaire de l’adolescente n'a été enregistré.

Tous ces éléments renforcent l’angoisse d’Elvetina, accompagnée de sa fille Aila, 9 ans.

"On laisse tous nos enfants en liberté, ils font du vélo, ils sont à côté, tous les voisins se connaissent. On se dit 'bon c'est un petit village où c'est un peu sécurisé'. Même ça, on ne l'a plus."

Elvetina, habitante de Plaine

à franceinfo

"Malheureusement, il y a des gens qui sont très méchants", poursuit la mère, en se tournant vers sa fille. "Il y a des gens qui sont carrément beaucoup trop méchants", répond Aila, qui vit "encore un peu dans le monde des princesses", sourit Elvetina. "Tu as raison, on est à l'abri de rien."

Alors, pour se rassurer, Elvetina dévoile la montre connectée de sa fille. Elle peut la géolocaliser en permanence. "On ne sait jamais", souffle-t-elle. Chacun, désormais, attend beaucoup des prochains jours. La procureure de Saverne a déjà annoncé, sans donner de date, la fouille d’un étang près de Sainte-Blaise-la Roche, le long du chemin qu'aurait emprunté Lina samedi matin.

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