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Rave-party en Ille-et-Vilaine : ce que l'on sait des affrontements à Redon, dans lesquels un homme a perdu une main

Le préfet a décrit des "heurts d'une extrême violence" sur le lieu de ce rassemblement qui a débuté vendredi soir, présenté par les fêtards comme un hommage au Nantais Steve Maia Caniço.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Des gendarmes barrent une route à quelques mètres du lieu où se déroule une fête interdite à Redon (Ille-et-Vilaine), le 19 juin 2021. (LOIC VENANCE / AFP)

Des affrontements entre participants et gendarmes, et un jeune homme à la main arrachée : l'organisation d'une fête en plein air interdite à Redon (Ille-et-Vilaine) et l'intervention des gendarmes pour la disperser ont mal tourné, dans la nuit du vendredi 18 au samedi 19 juin.

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La préfecture a dénoncé des affrontements "d'une extrême violence" qui ont duré sept heures et dans lesquels onze gendarmes ont été légèrement blessés. Elle a aussi annoncé l'ouverture d'une enquête sur la mutilation d'un participant au rassemblement. Alors que le site a été évacué par les forces de l'ordre samedi en fin de journée, franceinfo fait le point sur ce que l'on sait de la situation.

Que s'est-il passé vendredi soir ?

Selon la préfecture d'Ille-et-Vilaine, 1 500 personnes se sont rassemblées vendredi soir près de l'hippodrome de Redon, pour participer à une rave-party. Des gendarmes sur place sont intervenus pour empêcher son installation, le rassemblement étant interdit, et des heurts ont éclaté à partir de 22h30.

Peu après minuit, deux journalistes sur place, Rémy Buisine et Clément Lanot, ont fait état de "tensions" et filmé des jets de gaz lacrymogènes en direction des fêtards.

Le maire de Redon, Pascal Duchêne, dans une conférence de presse samedi matin, a décrit une "ambiance apaisée" à son arrivée sur place vers 1 heure du matin, puis un basculement vers 2 heures. Les images de Clément Lanot montrent à ce moment-là au moins deux jets de cocktails Molotov par des participants en direction des forces de l'ordre. "Les forces de l'ordre font face à des individus très violents et essuient des jets de cocktail Molotov, boules de pétanque, morceaux de parpaings", expliquait la préfecture samedi matin.

A l'aube, en retrait des affrontements avec les forces de l'ordre, certains fêtards sont parvenus à s'installer dans un champ voisin. Les gendarmes sont à nouveau intervenus, les vidéos de Clément Lanot et Rémi Busine montrant des jets de gaz lacrymogène et des détonations de grenade, d'un côté, et des tirs de feux d'artifice, de l'autre. 

"Des heurts d'une extrême violence ont duré une grande partie de la nuit, pendant plus de sept heures", a expliqué le préfet d'Ille-et-Vilaine Emmanuel Berthier dans une conférence de presse samedi.

Les participants à la rave-party de Redon (Ille-et-Vilaine), le 19 juin 2021. (FRANCK DUBRAY / MAXPPP)

Vers 8 heures du matin, la fête avait pu commencer, après le retrait des gendarmes. "Ce matin, le calme est revenu", a expliqué le préfet, reconnaissant que "plusieurs centaines de personnes", à qui il demande de quitter les lieux, "sont toujours sur place". Environ 400 gendarmes étaient déployés pour empêcher l'accès à la zone. 

Le site a finalement été évacué samedi, en fin de journée, a annoncé le préfet. Les gendarmes avait lancé une opération d'évacuation vers 17 heures pour "faire cesser la musique", a ajouté Emmanuel Berthier. Au total, une dizaine de personnes ont été interpellées, a par ailleurs annoné le préfet.

Y a-t-il eu des blessés ? 

Des images (très crues bien que floutées) mises en ligne à 3h30 sur Twitter par le journaliste Clément Lanot montrent un homme à la main arrâchée dans le champ où se déroulaient les affrontements. Il a été hospitalisé à Redon, où il s'est rendu par ses propres moyens, ont affirmé les pompiers à France Bleu Armorique.

Samedi matin, le préfet Emmanuel Berthier a confirmé les faits, présentant la victime comme un homme de 22 ans. Une enquête a été ouverte et confiée au parquet de Rennes pour "faire la lumière sur ce dramatique accident", dont il n'a pas détaillé les circonstances.

Dans la matinée de samedi, le préfet avait d'abord évoqué sept blessés, dont un autre participant à la fête et cinq gendarmes. A l'issue de l'évacuation du site, le préfet a fait état de six autres blessés parmi les gendarmes et d'un participant légèrement blessé.

Par ailleurs, le journaliste Clément Lanot a affirmé sur Twitter avoir été "visé par un tir de LBD" des gendarmes alors qu'il tentait selon lui de "signaler la situation" du manifestant à la main arrachée. L'ONG Reporters sans frontières a dénoncé ce tir sur Twitter (dans un message où apparaît la vidéo montrant la blessure du participant à la fête).

En quoi consistait ce rassemblement ?

La fête organisée à Redon était présentée par le journaliste Clément Lanot comme un "hommage à Steve Maia Caniço". Cet homme de 24 ans est mort il y a deux ans, dans la nuit du 21 au 22 juin 2019, après être tombé dans la Loire lors de la dispersion d'une fête en plein air à Nantes (Loire-Atlantique), le soir de la Fête de la musique. Une journaliste indépendante, Marion Lopez, mentionnait également ce caractère d'hommage dès vendredi soir sur Twitter, avant les premiers affrontements.

"A la mémoire de Steve Maia Caniço, en soutien aux inculpés de la Maskarade de Lieuron et pour toutes les victimes de la répression, notre seule volonté était de brandir haut et fort la musique comme étendard et comme élément indissociable de nos vies", a réagi samedi le collectif Teknival des musiques interdites, faisant également référence à la fête clandestine qui s'était tenue en Ille-et-Vilaine autour du Nouvel An.

Les autorités, elles, mettent en doute cette revendication. "Rien n'est constaté sur la scène de ce rassemblement interdit" qui permette d'attester qu'il s'agit d'un hommage à Steve Maia Caniço, a affirmé le préfet Emmanuel Berthier samedi.

C'est aussi l'analyse faite par le maire de Redon, Pascal Duchêne, qui estime que les participants "n'étaient pas là pour faire la fête, ils étaient là pour en découdre". "J'entends le terme de 'fêtards' qui est utilisé. (...) Quand j'ai des gendarmes engagés toute la nuit, avec des gens qui viennent au contact, qui lancent des boules de pétanque et projectiles divers, je ne vois vraiment plus le côté festif", juge également sur franceinfo le général Pierre Sauvegrain, commandant de gendarmerie de la région Bretagne, en charge des opérations à Redon.

Redon est situé à 65 km de Nantes. Le maire de la commune a affirmé samedi que "les organisateurs avaient l'intention de faire la fête sur une commune située à une trentaine de kilomètres de Redon", et se sont rabattus sur sa ville quand "leur plan a été déjoué", d'abord en se rassemblant sur le parking d'un hypermarché, puis en rejoignant l'hippodrome

Pourquoi était-il interdit ?

Vendredi, la préfecture d'Ille-et-Vilaine avait publié un arrêté "portant interdiction temporaire d'un rassemblement festif à caractère musical" dans le département, entre vendredi à 17 heures et le mercredi 23 juin au matin. La circulation de véhicules transportant "du matériel 'sound system'" était également visée. Si la ville de Redon n'était pas explicitement mentionnée, l'arrêté citait des "éléments d'information" sur la possible tenue d'une "rave party" dans le département.

"Aucune déclaration préalable n'a été déposée auprès du préfet", est-il affirmé dans l'arrêté pour justifier cette interdiction. Le texte mentionne également l'absence de déclaration des "mesures envisagées par l'organisateur (...) pour garantir la sécurité, la salubrité, l'hygiène et la tranquilité publique"

La préfecture cite par ailleurs un décret du 1er juin 2021 qui permet au préfet, dans le contexte de crise du Covid-19, d'interdire "tout rassemblement, réunion ou activité mettant en présence de manière simultanée plus de dix personnes sur la voie publique (...) lorsque les circonstances locales l'exigent." 

En l'occurrence, elle estime que "le taux d'incidence" du virus dans le département (42 cas pour 100 000 habitants) est en "nette amélioration" mais "reste le plus élevé des quatre départements bretons", et qu'une fête en plein air rend "particulièrement difficile, pour des personnes qui vont s'adonner à la danse, de respecter les règles sanitaires", notamment le port du masque et la distanciation.

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