Les infanticides de Dominique Cottrez, des souvenirs glaçants et fugaces
Devant les jurés de la cour d'assises du Nord, l'ancienne aide-soignante de 51 ans a poursuivi, mercredi, avec peine, le récit de ses infanticides.
Les mots sortent par à-coups. La voix tremble. Puis, comme toujours, un silence. Dominique Cottrez livre, par bribes, les souvenirs de sept de ses huit infanticides. Il faut les assembler pour former le puzzle, et tenter de comprendre comment cette femme a pu tuer huit de ses nouveau-nés, après autant de grossesses cachées. Pour ces faits, l'avocat général, Eric Vaillant, a requis, mercredi 1er juillet, dix-huit ans de réclusion criminelle devant la cour d'assises du Nord à l'encontre de Dominique Cottrez. Le verdict est attendu demain.
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Vendredi, au deuxième jour du procès, elle avait raconté sont premier infanticide. "Je l'ai pris dans mes bras. Je l'ai mis sur mon ventre. J'ai attendu que le placenta tombe, et je l'ai étranglé." La présidente de la cour d'assises, Anne Segond, lui avait intimé de s'arrêter là. Depuis, Dominique Cottrez a avoué ne jamais avoir été violée par son père, ni même avoir noué une relation incestueuse avec lui. Et les experts psychologues et psychiatres ont défilé à la barre, peinant à donner une explication rationnelle aux gestes de l'accusée. Son mari et ses filles, eux, ont expliqué n'avoir jamais rien vu, ni rien entendu.
"Je pousse, je pousse, je suis dans le noir"
Devant les jurés, Dominique Cottrez se montre incapable, mercredi, de dater le moment où elle tombe enceinte, ni celui où elle accouche. Elle a des impressions fugaces, et tente de les assembler. Elle sait que quelque temps après avoir tué le premier bébé, elle est retombée enceinte. Puis elle a fait une crise d'épilepsie. Sa sœur l'a emmenée à l'hôpital. Elle a eu des contractions en faisant le scanner. Elle a accouché sur place, dans les toilettes.
"Je pousse, je pousse... Je suis dans le noir. Y avait juste une lumière.
- Une lumière très très faible de l'extérieur ?
- Oui.
- Je sens qu'il sort.
- Il tombe dans les toilettes, le bébé ?
- Oui.
- Et après ? Quand vous vous levez, qu'est-ce qu'il se passe ? Il est encore dans les toilettes le bébé ?
- Oui.
- Je ne comprends pas comment vous pouvez le ramasser."
La scène est surréaliste. Dominique Cottrez la décrit avec un ton détaché, comme si elle racontait un rêve. La présidente insiste : "J'ai vraiment beaucoup de mal à comprendre ce qu'il s'est passé." L'accusée aussi. C'est elle qui a commis les gestes, elle le reconnaît. Mais tout est flou. "Je n'ai pas de souvenir", lâche-t-elle.
"J'avais peur de lui faire du mal"
"Le troisième, je me souviens que c'était juste après avoir déménagé... J'ai essayé de me retenir, jusqu'au bout", reprend Dominique Cottrez, d'une voix émue. Ses bras ballants retombent de chaque côté de son buste. Elle a toujours un petit mouchoir blanc, serré dans son poing gauche. Certains détails lui reviennent par bribes.
Et puis subitement, les souvenirs s'en vont de nouveau. Elle se déconnecte de la sensation qu'elle a pu saisir un instant. Le ton change, et redevient détaché. "Je ne vous demande pas d'essayer de faire des hypothèses, je vous demande de vous sou-ve-nir", insiste la présidente.
Les questions sont rationnelles. Les réponses de Dominique Cottrez échappent à la raison. Ce décalage atteint son paroxysme quand Anne Segond lui demande pourquoi elle n'a pas pris de ciseaux pour couper le cordon ombilical qui la relie à un de ses bébés. "Parce que j'avais peur de lui faire mal", répond l'accusée. Comment, dès lors, a-t-elle pu l'étrangler quelques minutes plus tard ? Domminique Cottrez raconte que l'hiver, elle pensait à ses bébés. Elle se rendait dans le garage, et posait une couverture sur les sacs où se trouvaient les cadavres, pour qu'ils n'"aient pas froid".
"Mon mari faisait semblant de ne pas savoir"
Chacun des meurtres aurait été parfaitement organisé. Dominique Cottrez assure avoir systématiquement agi dans l'ombre de son mari, et s'être cachée de ses filles. "Vous n'êtes jamais gênée par quelqu'un d'autre ?", lui demande la présidente. "Non." Pressée par un juré, la présidente insiste.
"Est-ce que vous pouvez affirmer que votre mari n'a jamais rien su, rien soupçonné ?
- Oui, j'affirme.
- Vous pouvez affirmer que vous avez fait ça toute seule pendant toutes ces années ?
- Oui, j'affirme."
Et puis, Dominique Cottrez a cette formule pour résumer l'attitude de son mari, avec lequel elle a vécu sans jamais pouvoir vraiment communiquer : "Mon mari savait, mais il faisait semblant de pas savoir". Mais aussitôt, elle ajoute : "Personne ne savait, même lui ne savait pas." Sa manière à elle de dire qu'il a fermé les yeux, que s'il a pu se douter de quelque chose, un jour, il ne lui en jamais parlé.
"On pourra peut-être me pardonner"
C'est son avocate, Marie-Hélène Carlier, qui souligne auprès de sa cliente la violence de cette indifférence.
"La grossesse, c'est pas son problème ?
- ... pas son problème.
- Il s'en...
- Il s'en fout !"
L'avocate pose ensuite l'une des questions centrales du procès : qui a enterré dans le jardin les corps des deux premiers bébés entreposés dans le grenier des parents de Dominique Cottrez ?
"Ou c'est votre mari, ou c'est votre père. Vous sauriez répondre à cette question ?
- Non, c'est l'un ou l'autre. Je saurai jamais la vérité.
- Si c'est votre mari, il a été lâche. Si c'est votre père, il a voulu...
- Il a voulu me protéger !"
Dominique Cottrez sanglote. Cette question restera sans réponse. Pierre-Marie Cottrez n'est pas renvoyé devant les assises. Le procureur Eric Vaillant, aujourd'hui dans l'habit d'avocat général, a demandé par trois fois sa mise en examen. Elle a toujours été refusée. Et puis, Dominique Cottrez a, malgré tout, cet amour qui la lie à son mari. Elle répète que pendant les rapports sexuels, elle voulait lui "faire plaisir".
La présidente reprend la main. Le procès touche à sa fin. "Et si vous retournez en prison ?", demande Anne Segond à l'accusée. "Je me sens coupable, c'est normal. On pourra peut-être me pardonner, me comprendre", répond Dominique Cottrez.
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