Le tueur en série "Le Grêlé" participant d'un jeu télévisé : c'était "une forme de défi", estime la journaliste Patricia Tourancheau

Le tueur en série "Le Grêlé" avait participé à l'émission "Tout le monde veut prendre sa place" en 2019. Pour la journaliste Patricia Tourancheau, qui a enquêté sur François Vérove, voir le criminel aussi à l'aise sur un plateau de télévision est "ahurissant".
Article rédigé par David Di Giacomo
Radio France
Publié
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Patricia Tourancheau a écrit plusieurs livres sur les tueurs en série, notamment sur François Vérove et Guy Georges. (DANIEL FOURAY / MAXPPP)

Un tueur en série candidat d'une émission de divertissement. La scène, révélée mardi 12 mars par Marianne, suscite de nombreuses réactions, entre surprise et interrogations. Dans un extrait vidéo d'une émission de Tout le monde veut prendre sa place, sur France 2, on voit François Vérove, surnommé "le Grêlé", répondre aux questions anodines de l'animateur Nagui. L'émission a été tournée en 2019, deux ans avant que François Vérove se suicide, sachant la police judiciaire sur ses traces. Cet ancien gendarme et policier était recherché depuis les années 1980 pour plusieurs meurtres et viols. Il a laissé derrière lui une lettre d'aveux dans laquelle il reconnaît "être un grand criminel qui a commis des faits impardonnables jusqu'à la fin des années 1990".

La journaliste Patricia Tourancheau a longuement enquêté sur ce tueur en série. Dans la réédition de son livre Le Grêlé : le tueur était un flic (Éditions Points), parue le 23 février dernier, elle révèle notamment des éléments inédits sur sa personnalité, y compris psychiatriques et intimes. La journaliste voit dans la participation de François Vérove à Tout le monde veut prendre sa place la confirmation que les criminels peuvent être des "Monsieur tout le monde" mais relève aussi "une forme de défi" de la part du tueur.

franceinfo : Vous aviez révélé dans votre livre que François Vérove avait participé à une émission de télévision. Comment avez-vous réagi lorsque vous avez vu la vidéo ?

Patricia Tourancheau : J'ai halluciné parce que c'était la confirmation de ce que j'écrivais dans le bouquin, sauf que là, on le voit. De voir François Vérove aussi à l'aise, faire son entrée un peu comme une star, c'est assez frappant. Il ne prend aucun risque parce que physiquement, sa corpulence, son visage ont tellement changé en 35 ans que ses victimes ne peuvent pas le reconnaître. Mais cela confirme quand même qu'il s'agit de "Monsieur tout le monde", qui va sur le plateau d'une émission très populaire, comme plein de gens.

Cela représente sûrement aussi une forme de défi. Même si "le Grêlé" a peut-être cessé d'agir et de commettre des crimes à partir de 1997, comme François Vérove le disait dans sa lettre posthume - il continuait toutefois à regarder des images pédopornographiques sur son ordinateur -, il y a quand même une forme de provocation, de défi à venir comme ça sur un plateau télé, en public. Il ose en plus faire une blague à Nagui sur les contrôles à cheval dans le bois de Vincennes et omet de dire que lui-même, quand il était gendarme à la Garde républicaine en octobre 1986, a été attrapé en flagrant délit dans le bois de Vincennes, en uniforme, avec son arme, en compagnie d'un travesti, ce qui lui a valu dix jours d'arrêt. Quand on connaît le personnage, ce tueur en série redoutable de petites filles, d'adultes, de jeunes, qui a été recherché pendant 35 ans et qu'on le voit là, assez à l'aise, en train de répondre aux questions de Nagui, c'est quand même atterrant.

Voir ce tueur en série et violeur en série face à Nagui deux ans seulement avant qu'il mette fin à ses jours, même pour vous qui connaissez bien sa personnalité, c'est une scène surréaliste ?

C'est hallucinant de voir François Vérove comme ça sur un plateau télé, faire le beau, répondre aux questions de Nagui. C'est hallucinant. Pourquoi ? Parce qu'on sait que c'est un tueur en série et là, il apparaît comme quelqu'un de normal. C'est ahurissant de sa part de se prêter à ce jeu et de défier tout le monde en quelque sorte. Mais en même temps, cela confirme que les grands criminels ressemblent à Monsieur X et à Monsieur Y. Les tueurs en série n'ont pas des têtes de monstres, on ne les repère pas comme ça.

Cette affaire n'est pas terminée parce qu'on cherche encore à établir son parcours criminel ?

La juge Turquey, au pôle Cold Case du tribunal de Nanterre, continue l'instruction. Il n'y aura pas de procès puisque François Vérove, en se suicidant, éteint toutes les poursuites judiciaires à son encontre. Toutefois, les enquêteurs de la 'crim' [la brigade criminelle] et la magistrate essayent de reconstituer son parcours pour voir s'il n'y a pas d'autres agressions, d'autres crimes, d'autres viols. Pour l'instant, on n'a pas encore le résultat. Il y a le doute. Il y en a sûrement d'autres. Lui écrit dans sa lettre posthume à sa femme qu'il a arrêté de tuer en 1997. Mais de toute façon, il faut combler ce qui se passe entre 1994, où la 'crim' perd sa trace en Seine-et-Marne, et 1997. La justice essaye de combler les vides parce qu'il a probablement commis des crimes durant ces trois ans.

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