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Jeune homme tué à Nantes : quand les policiers ont-ils le droit de faire usage de leur arme ?

Un conducteur recherché par la police, âgé de 22 ans, a été mortellement blessé par le tir d'un policier lors d'un contrôle. Alors que la police affirmait dans un premier temps qu'il réagissait à une marche arrière du jeune homme, l'auteur du tir a finalement affirmé avoir tiré accidentellement.

Article rédigé par franceinfo
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Une voiture de police passe devant un bâtiment incendié, le 4 juillet 2018, dans le quartier de Breil, à Nantes, au lendemain d'une nuit d'émeutes consécutives à la mort d'un jeune conducteur de 22 ans touché par un tir de la police. (SEBASTIEN SALOM GOMIS / AFP)

Des poubelles incendiées, des voitures brûlées, trois nuits agitées dans plusieurs quartiers de Nantes, et une incompréhension chez certains habitants : pourquoi un jeune homme de 22 ans, recherché par la police, a-t-il été mortellement blessé par le  tir d'un policier alors qu'il était contrôlé au volant, mardi 3 juillet ?

Le policier auteur du tir a affirmé avoir tiré "par accident", a révélé son avocat, vendredi. Un aveu qui contredit sa première version, dans laquelle il affirmait "avoir tiré en raison de la dangerosité du conducteur et pour protéger les personnes qui pouvaient se trouver à proximité sur la trajectoire du véhicule", selon le procureur de Nantes, Pierre Sennès. Une version que contestaient déjà des témoins, mais que confirmaient les sources policières, évoquant la présence d'un enfant sur la trajectoire du véhicule. Franceinfo rappelle les conditions dans lesquelles les policiers ont le droit de faire usage de leur arme.

Quand les policiers ont-ils le droit de tirer ?

En France, l'intégralité des gendarmes, ainsi que les policiers nationaux et certains policiers municipaux, les agents de douanes et les surveillants de prison peuvent porter une arme à feu. Depuis une loi entrée en vigueur le 28 février 2017, et qui a assoupli la règle, les cas de figure dans lesquels ils peuvent tirer sont définies par l'article L435-1 du Code de la sécurité intérieure, qui en liste cinq.

Certains correspondent à ce qu'on appelle communément la "légitime défense". Les policiers peuvent tirer quand on porte atteinte à leur vie ou à leur intégrité physique, ou à celle de quelqu'un d'autre, ou contre une personne armée qui menace celle-ci. Ils peuvent aussi ouvrir le feu contre une personne dont ils jugeraient "probable", pour des raisons "réelles et objectives", qu'elle s'apprête à tenter de commettre un ou des meurtres. La loi précise tout de même qu'un tir doit résulter d'une "absolue nécessité" de tirer, et constituer une riposte "strictement proportionnelle au danger".

Les policiers, comme les gendarmes, peuvent également tirer pour immobiliser des véhicules "dont les conducteurs n'obtempèrent pas à l'ordre d'arrêt", ou pour empêcher la fuite de personnes "qui cherchent à échapper à leur garde ou à leurs investigations". Mais seulement, encore une fois, si ces personnes sont susceptibles de porter atteinte "à la vie ou à l'intégrité physique" des forces de l'ordre ou de tierces personnes. Enfin, ils peuvent utiliser leur arme pour défendre un lieu ou des personnes, s'il n'y a pas d'autre moyen de le faire. En revanche, dans ces trois derniers cas de figure, les tirs doivent être précédés de deux sommations, des avertissements à haute voix.

Quand ils tirent, le font-ils en toute impunité ?

Non. Quelle que soit la situation dans laquelle un policier fait usage d'une arme à feu, la légitimité de son tir fait l'objet d'une vérification. Une enquête judiciaire est systématiquement ouverte, ainsi qu'une enquête administrative, confiée à l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), pour éclaircir les circonstances de l'usage d'une arme à feu. Il arrive que des policiers soient condamnés après avoir tiré : en mars 2017, Damien Saboundjian avait écopé d'une peine de cinq ans de prison avec sursis, en appel, pour avoir tué Amine Bentounsi d'une balle dans le dos lors d'une course-poursuite à Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis). Le tribunal n'avait pas retenu la légitime défense.

Que s'est-il passé à Nantes ?

Lors de sa garde à vue, le policier auteur du tir a affirmé avoir tiré "par accident", et non dans une volonté d'arrêter un conducteur dangereux, a révélé son avocat. "Il a reconnu avoir fait une déclaration qui n'était pas conforme à la vérité", explique ce dernier. Une enquête de l'IGPN est en cours au sujet de son tir. Il a été mis en examen, vendredi dans la soirée.

Au regard de la première version détaillée par la police, on pouvait pourtant croire à un tir en situation de légitime défense. Selon cette version, le conducteur a en effet effectué une marche arrière pour échapper à un contrôle et a percuté un policier. Dans ce scénario, ce serait "de la légitime défense" expliquait à franceinfo l'avocat Laurent-Franck Liénard, spécialisé dans le droit sur l'usage des armes, et qui a défendu des policiers dans des affaires liées à cette question. Si un conducteur contrôlé fait une marche arrière dangereuse, son véhicule peut être considéré en droit comme une "arme par destination", qui peut tuer. Dans ce cas, un policier peut tirer pour empêcher un danger. "Il doit chercher à l'arrêter", explique Laurent-Franck Liénard. Un scénario désormais balayé par les nouvelles déclarations du policier. 

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