Mort de Vanille : "La difficulté pour les professionnels est d'arriver à évaluer toujours plus finement le besoin de sécurité de l'enfant", explique un juge des enfants
La petite Vanille a été retrouvée morte à Angers (Maine-et-Loire), la mère a avoué le meurtre dimanche.
"La difficulté pour les professionnels est d'arriver à évaluer toujours plus finement le besoin de sécurité de l'enfant", a expliqué lundi 10 février sur franceinfo Edouard Durand, juge des enfants à Bobigny (Seine-Saint-Denis) et membre du conseil national de la protection de l’enfance, après la mort de la petite Vanille, dont la mère qui souffre de troubles psychiatriques a avoué le meurtre dimanche. La décision " de retirer un enfant de sa maison familiale" est "difficile", reconnaît Edouard Durand. Mais "c'est indispensable, parce que ce qui prime toujours, c'est la protection et le développement de l'enfant".
Franceinfo : Comment cela se passe-t-il pour savoir si un enfant peut être gardé par ses parents ou non, notamment quand il y a des profils psychologiques qui peuvent être difficiles ?
Edouard Durand : C'est là toute la difficulté de l'intervention des professionnels de la protection de l'enfance et des juges des enfants, puisque la loi prévoit, par nécessité d'ordre public, que l'on puisse retirer un enfant de sa famille ou de sa maison pour qu'il soit protégé dans une maison d'enfant ou dans une famille d'accueil. Mais même quand il y a ces mesures de protection, parfois quelques heures après la naissance de l'enfant, il est aussi nécessaire d'examiner dans quelles conditions les rencontres entre l'enfant et ses parents vont pouvoir être maintenues ou si elles doivent être suspendues. C'est là toute l'expertise des professionnels de la protection de l'enfance qui est absolument nécessaire de manière pluridisciplinaire, des éducateurs, des assistantes sociales, des psychologues ou des pédopsychiatres.
À quel moment intervient le juge ? Et qui signale le problème ou l'éventuel problème ?
Le juge des enfants est saisi par le procureur de la République, le plus souvent parce qu'il reçoit un signalement du conseil départemental, ou de l'hôpital, ou de l'Éducation nationale, ou de toute autre personne. Le plus souvent, ce sont des institutions. Lorsqu'il s'agit d'un placement qui intervient très rapidement après la naissance de l'enfant, c'est à la maternité que les professionnels soignants vont repérer un dysfonctionnement dans la parentalité du père et/ou de la mère, ou dans le lien de chaque parent avec l'enfant. Et les mesures de protection peuvent intervenir très très vite quand c'est nécessaire.
Qu'est ce qui fait qu'une décision de placement est compliquée à prendre, avec parfois la tentation de laisser quand même l'enfant être approché par un parent qui pose des problèmes ?
Chacun comprend combien il est difficile, aux frontières de tous nos principes et de nos représentations de la vie de la famille, de retirer un enfant de sa maison familiale, des bras de ses parents pour qu'il soit protégé dans une autre maison. Mais c'est indispensable. Parce que ce qui prime toujours, c'est la protection et le développement de l'enfant. Un pédopsychiatre nous a aidés beaucoup à penser ça. Il dit : "il faut faire la différence entre le lien et la rencontre, entre le lien psychique, qui peut parfois être dysfonctionnements, et l'éventuelle rencontre physique entre un parent et les enfants." Nous devons apprendre à repérer les besoins fondamentaux des enfants et principalement son besoin de sécurité. Tout enfant, tout être humain, a besoin d'abord qu'on réponde à son besoin de sécurité, et puis ensuite que l'on arrive à évaluer comment fonctionne le lien entre le parent et l'enfant. Le critère d'intervention du juge des enfants, c'est la mise en danger de la santé, de la sécurité et de la moralité d'un mineur non émancipé à partir de sa naissance. La loi de 2016 sur la protection de l'enfant est vraiment venue rappeler que ce qui est le cœur de la protection de l'enfance, c'est la prise en compte des besoins fondamentaux de l'enfant et son développement.
Dans l'affaire de Vanille, l'enquête devra confirmer si, oui ou non, elle avait déjà ramené son enfant avec un peu de retard. Est-ce que, dans ces cas-là, il y a une procédure d'alerte et est-ce la situation doit-être réévaluée ?
Moi, je me garderai bien de faire le moindre commentaire sur une situation que je ne connais pas. Mais l'ensemble des professionnels de la protection de l'enfance sont des professionnels qui sont très investis, très soucieux de la sécurité des enfants. Alors il y a parfois des parents qui sont en retard. Moi, j'ai connu aussi des parents qui ramenaient leur enfant avant la fin de l'heure de la visite, parce qu'il y a eu des difficultés dans le lien. La difficulté pour les professionnels est d'arriver à évaluer toujours plus finement le besoin de sécurité de l'enfant. C'est le principe de précaution. Parfois, c'est évident. Parfois, il y a des passages à l'acte qui sont tels que la décision à prendre s'impose et parfois, c'est plus compliqué.
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