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Au procès de Francis Heaulme, les avocats de l'accusé assurent que "Montigny, ce n'est pas lui"

Les avocats du tueur en série, qui comparaît depuis le 25 avril devant la cour d'assises de Moselle pour le double meurtre de Montigny-lès-Metz, ont plaidé mercredi en fin de matinée et dans l'après-midi.

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
Les avocats de Francis Heaulme, le 25 avril 2017 à Metz (Moselle). De gauche à droite : Stéphane Giuranna, Alexandre Bouthier et Liliane Glock. (MAXPPP)

"Que s'est-il passé le 28 septembre 1986 ?" C'est avec cette question, posée par l'avocat Stéphane Giuranna, que le jury est parti délibérer, mercredi 17 mai, peu après 16 heures. Le conseil de Francis Heaulme, tueur en série jugé pour le double meurtre de Montigny-lès-Metz, l'a prononcée en début de plaidoirie, la dernière de la défense. Quelle réponse la cour et les jurés vont-ils apporter, au terme de quinze journées d'audience, soit près de quatre semaines de procès ? Leur verdict est attendu dans la soirée de mercredi, un peu plus tôt que prévu, la décision de justice étant initialement espérée le 18 mai.

Cette question au cœur du dossier, "je veux qu'elle vous hante pendant tout votre délibéré", a martelé de sa voix forte Stéphane Giuranna. L'avocat de l'accusé a ensuite exposé les deux réponses qui peuvent, selon lui, être apportées. Pour mieux les détailler, l'avocat se place au centre du prétoire et se plante devant les jurés. "Que s'est-il passé ce jour-là ? Si vous n'avez pas la réponse, votez non [à la question de la culpabilité de Francis Heaulme] ! Ça rendra justice à la justice. Et surtout, ça vous permettra de vous regarder dans la glace demain. Ou alors votez blanc. En répondant 'je ne sais pas', vous dites 'Montigny ce n'est pas lui'."

"Il n'y a plus de place pour les approximations"

"Montigny, ce n'est pas moi." Comme un écho aux derniers mots de son avocat, Francis Heaulme, invité à "ajouter quelque chose" pour sa "défense", a déployé son grand corps dans le box en verre des accusés pour répéter cette phrase. Un refrain, qui sonne comme un fil rouge de son procès, qui s'est ouvert devant la cour d'assises de Metz, le 25 avril.

Auparavant, son avocat, Stéphane Giuranna, avait tenu à s'adresser aux jurés. "Il n'y a plus de place pour les approximations, ça c'est fini, c'était avant. (...) Vous avez un devoir renforcé de vérité ! Et pour cela, vous êtes libres. Vous êtes libres et vous êtes indépendants, et ne vous laissez guider par personne", leur intime-t-il. Puis Stéphane Giuranna déroule sa plaidoirie et déconstruit le "puzzle" bâti par l'accusation, en insistant sur l'absence totale de preuves.

Quand vous construisez un dossier sur aucune preuve matérielle, ça veut dire que ce n'est pas solide, que ça va s'effondrer, que c'est du sable.

Stéphane Giuranna

devant la cour d'assises de Moselle

"Et si deux pièces frottent, tant pis on coupe, on sabote, on rabote", poursuit-il avec la métaphore du puzzle. Avant d'utiliser une autre image, plus romancée, mais si facile à saisir : "On avait un soulier de Cendrillon, et il fallait que le pied du coupable rentre dedans. Alors parfois, on y va au chausse-pied. On force et ça finit par rentrer. On truque. Comment ? En oubliant des pièces du puzzle."

"Il y a un doute sur sa culpabilité"

Mercredi, en fin de matinée puis en début d'après-midi, les autres avocats de Francis Heaulme n'ont pas fait mieux. Eux aussi mettent l'accent sur la faiblesse du dossier et l'absence d'éléments pour condamner, de preuves et d'éléments matériels. Liliane Glock, qui était la première à plaider, a cité les "77 de QI" de Francis Heaulme : "C'est quand même important. Toute l'accusation tient là-dessus finalement." 

"Et le témoignage de Madame Deschang on n'en veut pas, donc on l'enlève. Car il établit que les enfants étaient vivants assez tard", poursuit l'avocat de Francis Heaulme, en s'adressant aux jurés. De fait, Isabelle Deschang a maintenu pour la énième fois à la barre, le 3 mai, avoir entendu "des pleurs d'enfants" vers 18h50, dans la rue Venizélos, la rue du talus SNCF où les corps des enfants ont été retrouvés. 

La méthode chirurgicale de l'accusation, ça doit quand même vous alerter.

Liliane Glock

devant la cour d'assises de Moselle

De la même manière, l'avocate démontre la fragilité des témoignages des codétenus de Francis Heaulme, venus le 11 mai à la barre pour appeler leur "ami" à "dire la vérité"Et elle en vient à Patrick Dils, condamné en 1989 pour le double meurtre, puis acquitté en 2002. "N'allez pas croire que je vais venir vous dire de condamner Patrick Dils : pas du tout et c'est impossible. Mais il y a un doute concernant la culpabilité de Francis Heaulme. Si vous avez un doute, la réponse est non. Acquitter Patrick Dils, ça ne veut pas dire condamner Francis Heaulme, même si on vous présente les choses comme ça."

"Clôturez cette affaire proprement"

L'avocate choisit de conclure sa plaidoirie par une citation, qu'on, dit-elle, attribue souvent à Voltaire : "Dans une avalanche, aucun flocon ne se sent jamais responsable." Il s'agirait plutôt d'une citation d'un poète et écrivain polonais, Stanislaw Jerzy Lec. Peu importe, Liliane Glock l'utilise pour demander aux jurés de ne pas être "un flocon de l'avalanche justice" : "Clôturez cette affaire proprement. Et la seule façon de clôturer cette affaire proprement, c'est d'acquitter Francis Heaulme."

L'acquittement, quand l'avocat général demande la condamnation et la réclusion criminelle à perpétuité. Mais, comme le rappelle le troisième avocat de l'accusé, Alexandre Bouthier, quoi que le jury décide, l'issue restera la même pour Francis Heaulme, déjà condamné deux fois à la perpétuité. "En l’acquittant, n'ayez crainte messieurs dames les jurés : vous l'envoyez chez lui, et soyez rassurés, sa maison, c'est la centrale d'Ensisheim."

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