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"Par votre juste verdict vous lui direz : 'Alexandre, c'est vous ! Cyril, c'est vous !'" : la réclusion à perpétuité requise contre Francis Heaulme

Le tueur en série comparaît devant la cour d'assises de la Moselle, à Metz, depuis le 25 avril. Il est jugé pour le double meurtre de Montigny-lès-Metz commis en 1986.

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Francis Heaulme au premier jour de son procès devant la cour d'assises de la Moselle, à Metz, le 25 avril 2017.  (ELISABETH DE POURQUERY / FRANCEINFO)

C'est la peine maximale prévue par la loi. La réclusion criminelle à perpétuité a été requise, mercredi 17 mai, à l'encontre de Francis Heaulme par l'avocat général de la cour d'assises de la Moselle, à Metz. "Les éléments contre lui sont nombreux. J'allais dire accablants", a notamment déclaré Jean-Marie Beney. Le réquisitoire, mené à deux voix, avec l'avocate générale Brigitte Harmand-Colette, a duré une heure et demie. Il a précédé les plaidoiries de la défense. L'accusé prendra ensuite une dernière fois la parole. Le verdict est attendu mercredi soir ou jeudi.

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Le tueur en série comparaît depuis trois semaines pour le double meurtre de Montigny-lès-Metz, commis le 28 septembre 1986. Celui que l'on surnomme "le routard du crime", aujourd'hui âgé de 58 ans, a déjà été condamné pour neuf meurtres, dont deux fois à la perpétuité, pour ceux d'une adolescente et d'un enfant de 9 ans. Il a obtenu un non-lieu et un acquittement dans deux autres affaires.

"On a porté atteinte à l'autorité de la chose jugée"

Mercredi matin, l'avocat général a commencé par rappeler des principes de droit. "Aujourd'hui la situation est très particulière, car Francis Heaulme, certainement conscient de ses arguments de défense, a convoqué la remise en question d'un homme au service de ses intérêts. Une situation choquante et d'autant plus vaine", expose-t-il. Jean-Marie Beney désigne ainsi Patrick Dils, condamné en 1989 pour le double meurtre avant d'être acquitté en 2002.

Car cet acquittement a été remis en cause tout au long de ce procès, qui a commencé le 25 avril. Jean-Marie Beney s'en indigne et tient à rétablir l'innocence piétinée. "On a porté atteinte à un principe essentiel de notre droit : l'autorité de la chose jugée, insiste-t-il. S'agissant de Patrick Dils, je me borne à constater que ses aveux ne sont pas en cohérence avec le dossier. Ces aveux incomplets, curieux, réitérés dans des conditions inacceptables, eh bien ils sont NULS ! Ils sont NON AVENUS !"

Francis Heaulme ne peut se cacher derrière qui que ce soit !

Jean-Marie Beney, avocat général

pendant son réquisitoire

L'avocat général tonne. Puis il se rassoit.

Un "écho" aux autres meurtres de Heaulme

Place maintenant à l'avocate générale, Brigitte Harmand-Colette. "Fermons les yeux quelques instants et replongeons-nous dans l’après-midi du 28 septembre 1986. Il fait beau, les enfants sont heureux, ils ont 8 ans et la vie devant eux." Sa douceur tranche avec la voix grave de Jean-Marie Beney. "Mais rouvrons les yeux. Nous sommes là car Cyril et Alexandre ont croisé la route d'un homme qui ne leur a laissé aucune chance, en les tuant à coups de pierres."

L'avocate générale s'emploie à remonter le fil : elle refait le déroulé chronologique "autant que faire se peut" de la dernière après-midi des enfants. Et livre sa conclusion : "Les enfants sont morts entre 17h15 et 18 h, 18h10, heure à laquelle les parents Beckrich s’inquiètent de ne pas voir leurs enfants rentrer." Puis Brigitte Harmand-Colette en vient à Francis Heaulme. Elle rappelle "les crânes [des enfants] enfoncés dans la terre" lorsque les corps ont été découverts. "Cette violence fait dramatiquement écho à celle des meurtres pour lesquels Francis Heaulme a été condamné", souligne l'avocate générale.

L'accusé "a croisé la route des enfants"

"Mesdames, messieurs, il demeure une interrogation, reprend Jean-Marie Beney, avec un ton très solennel. Francis Heaulme n'a jamais reconnu les meurtres de Montigny." L'avocat général revient sur le refrain que l'accusé a invariablement répété tout au long du procès. "Il fait cette déclaration étonnante : 'Montigny c'est pas moi.' Comme s'il voulait se tenir à l'écart des deux enfants."

L'avocat général le souligne : "Francis Heaulme a croisé la route des enfants. Ce qu’il ne fallait pas faire à certains moments. Et les enfants sont morts. Morts d'une éruption de violence de celui qui pour une raison futile a subitement vu rouge." Jean-Marie Beney n'oublie pas les familles, qui ne savent toujours pas qui a tué leurs enfants trente ans après leur mort, et dont la douleur transpire dans ce dossier. "Je tiens à m'incliner devant la mémoire de Cyril et Alexandre, je tiens à m'incliner devant la douleur de leurs familles. Je tiens à m'incliner devant leur quête de vérité, c'est particulièrement vrai pour une maman", déclare-t-il en désignant sans la nommer Chantal Beining, la mère de Cyril.

"L'absence d'aveux n'est pas une façon d'égarer la justice"

Jean-Marie Beney hausse la voix. "En matière judiciaire, ce qui peut être fait doit être fait", intime-t-il avec fermeté. L'avocat général se rend à l'évidence : dans cette affaire, il n'y a pas de preuves. Alors il rappelle les multiples déclarations de l'accusé, les similitudes avec ses autres crimes, et sa personnalité. Francis Heaulme n'a pas reconnu le double meurtre, mais il faudra faire sans. "Nous nous passerons des aveux de Francis Heaulme, dit-il aux jurés. L'absence d’aveux est une manière d'aggraver la douleur des familles, mais ce n'est pas une façon d'égarer la justice."

Les réquisitions tombent. "Vous apprécierez la culpabilité de Francis Heaulme." Et Jean-Marie Beney élève la voix, une dernière fois. 

Francis Heaulme vous dit : 'Montigny c'est pas moi !' Par votre juste verdict, vous lui direz : 'Alexandre c'est vous !' Vous lui direz : 'Cyril c'est vous !' Et au nom de l'intérêt général vous prononcerez la peine prévue par la loi : la réclusion criminelle à perpétuité.

Jean-Marie Beney, avocat général

pendant son réquisitoire

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