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Trois questions sur la mise en examen de François Thierry, l’ancien patron de la lutte antidrogue

L’ancien numéro un de l’OCRTIS a été mis en examen, jeudi, pour "complicité de trafic de stupéfiant et complicité d'exportation de stupéfiants en bande organisée" dans l'enquête sur une saisie record de sept tonnes de cannabis en 2015.

Article rédigé par franceinfo
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François Thierry présente une saisie de 2,5 tonnes de résine de cannabis, à Nanterre (Hauts-de-Seine), le 14 décembre 2012. (PATRICK KOVARIK / AFP)

L’ancien directeur de la lutte antidrogue en France a été mis en examen, jeudi 24 août, pour "complicité de trafic de stupéfiants et complicité d'exportation de stupéfiants en bande organisée". François Thierry fait l'objet d'une enquête sur une saisie reord de sept tonnes de cannabis à Paris, en 2015. Franceinfo répond à trois questions sur cette mise en examen.

Quelle est la saisie au centre de l'affaire ?

Les douanes ont saisi 7,1 tonnes de résine de cannabis à bord de trois véhicules garés boulevard Exelmans, dans le 16e arrondissement de Paris, en octobre 2015. Personne ne se trouvait à bord des véhicules et la police n'a pu, dans un premier temps, procéder à aucune interpellation dans cette affaire. Il s'agissait de la plus grosse prise réalisée en Ile-de-France.

Une enquête a été ouverte sur cette saisie et confiée à l'Office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants (OCRTIS). Mais, très vite, le parquet de Paris avait dessaisi l'OCRTIS de l'affaire après avoir découvert que cette livraison de drogue s'inscrivait dans une opération secrète du service pour infiltrer un réseau. L'opération était baptisée "Janissaire". François Thierry, alors directeur de l'Office, a été contraint de révéler qu'il surveillait cette cargaison de cannabis. Mais la prise ne représentait qu'une petite partie d'une livraison plus importante, de 40 tonnes de résine au total.

Que reproche-t-on à François Thierry ?

L'ancien chef de la lutte antidrogue est rattrapé par l'affaire en mai 2016. Libération révèle que François Thierry est soupçonné d'avoir profité de son poste pour faciliter l'importation en France de plusieurs dizaines de tonnes de cannabis. Un certain Stéphane V. raconte au quotidien qu'entre mars et avril 2012, "François Thierry [lui] a demandé d'aller garder une villa à Estepona", en Espagne. Là, "pendant vingt jours, cinq hommes se sont relayés pour charger et décharger des paquets de drogue sur la plage. François Thierry me les a présentés comme des policiers français. J'en avais déjà vu certains à l'OCRTIS", poursuit le témoin.

"Le cannabis arrivait du Maroc" dans des bateaux pneumatiques et "en tout, 19 tonnes ont transité par la villa au cours de ce seul séjour. La drogue remontait vers la France par 'go fast'. Seule une partie des voitures étaient interceptées", ajoute le témoin. D'après l'enquête de Libération, François Thierry, qui a récemment quitté ses fonctions à la tête de l'OCRTIS, aurait ainsi joué un "rôle central" dans l'importation de "plusieurs dizaines de tonnes de cannabis".

L'import aurait bénéficié à un présumé trafiquant de drogue, Sofiane H., interpellé le 22 février en Belgique. Cet homme de 40 ans était recherché dans l'enquête sur la prise des sept tonnes de cannabis à Paris. Selon Libération, Sofiane H. aurait été recruté comme informateur par François Thierry et a réussi à "s'imposer comme le plus gros trafiquant de l'Hexagone grâce à la protection" de l'ex-patron de l'Office central des "stups".

Les enquêteurs soupçonnent François Thierry de ne pas avoir totalement informé les autorités judiciaires de l'opération, ni du rôle joué par son indicateur, ce qu'il conteste. Sous couvert de l'opération, l'OCRTIS aurait directement supervisé l'importation d'au moins 15 tonnes de cannabis qui ont été saisies, dont les sept tonnes du boulevard Exelmans, selon une source proche de l'enquête.

François Thierry a été placé en garde à vue fin mars à l'IGPN, la police des polices, dans le cadre de l'enquête sur le dossier. A l'issue de son audition qui s'est terminée tard dans la soirée, jeudi 24 août, l'ancien chef de l'OCRTIS été mis en examen pour "complicité de détention, transport, acquisition de stupéfiants et complicité d'exportation de stupéfiants en bande organisée", a précisé la source proche du dossier. Il a été laissé libre sans contrôle judiciaire.

Quelle est sa défense ?

François Thierry assure que ses méthodes respectent le cadre légal de la lutte contre le trafic de drogue. L'ancien patron de l'OCRTIS a encore répété aux juges, jeudi 24 août, que l’autorité judiciaire, y compris le procureur de Paris, était au courant de toute l’opération. Il affirme avoir signalé non seulement l’importation de drogue, mais aussi l’existence de Sofiane H. "La livraison surveillée est autorisée par le Code de procédure pénale, rappelle en outre un responsable de la police judiciaire au Parisien. Nous ne faisons que l'appliquer."

Francis Szpiner, l'avocat de François Thierry, estime que la mise en examen de son client est un mauvais signal dans la lutte contre le trafic de drogue. "Aujourd'hui, les trafiquants peuvent se réjouir, parce qu'on vient de condamner des méthodes avec une formidable hypocrisie, explique-t-il à franceinfo. Ce qui est sûr, c'est que c'est un coup d'arrêt qui est donné à la lutte contre le trafic de stupéfiants." 

"Quand vous avez consacré des années de votre vie à mener la lutte contre les trafiquants de drogue, par des manières inédites de procéder, avec des résultats exceptionnels, ce que personne n'a jamais contesté, vous avez un sentiment d'écœurement quand, brusquement, on essaie de vous ravaler au rang de ceux que vous avez combattus pendant des années", a ajouté Francis Szpiner.

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