Florence Cassez a-t-elle vraiment été déclarée innocente ?
La Française a été libérée mercredi par la Cour suprême mexicaine pour un vice de forme. Son avocat assure que son innocence a été reconnue. Pas si simple que ça.
"Ça suffit !" Face aux questions persistantes de la presse sur l'innocence de sa cliente, libérée mercredi 23 janvier, Frank Berton, l'avocat de Florence Cassez, s'est agacé. "La Cour suprême vient de dire que cette femme est innocente !", a-t-il martelé. A peine arrivée à l'aéroport de Roissy jeudi 24 janvier, l'intéressée a elle aussi estimé "avoir été innocentée".
Dans la forme, ce n'est pas tout à fait vrai, puisque les juges mexicains, même s'ils l'ont libérée, ne l'ont pas déclarée innocente. Francetv info s'est penché sur le flou qui subsiste autour de ces questions juridiques.
Pourquoi n'est-elle pas déclarée innocente ?
Parce que la Cour suprême a jugé l'affaire sur la forme et non sur le fond. En clair, mercredi, les juges mexicains ont ordonné la libération de Florence Cassez en basant leur décision sur une question de respect du droit, et non sur la culpabilité de la jeune femme. Ils ont ainsi reconnu que ses droits fondamentaux n'avaient pas été respectés, et notamment que son arrestation avait fait l'objet d'une mise en scène. Des irrégularités qui ont annulé la procédure mais pas entraîné la reconnaissance formelle de son innocence.
"Pour qu'elle soit reconnue innocente, il faudrait un nouveau procès", explique Anne Vigna, journaliste et auteure de Peines mexicaines : Florence Cassez, Ignacio, Jacinta et les autres. "Dans ce cas-là, l'affaire serait jugée sur le fond et l'innocence de Florence pourrait être reconnue."
Un nouveau procès peut-il avoir lieu ?
A priori, non. Florence Cassez peut, comme elle l'a dit, se considérer comme "absolument libre". D'abord, parce que la Cour suprême a ordonné sa libération "sans condition", mais surtout parce que la procédure, discréditée par les juges, est "tombée d'elle-même", comme l'explique Dominique Verdeilhan, journaliste judiciaire pour France 2.
"Pour qu'il y ait un nouveau procès, il faudrait qu'il soit à l'initiative de Florence, explique Anne Vigna. Elle pourrait notamment vouloir attaquer Genaro Garcia Luna", l'homme qui a dirigé le montage de sa fausse arrestation télévisée, devenu ensuite ministre de la Sécurité publique et aujourd'hui exilé à l'étranger. "Mais rien n'indique pour le moment qu'elle le fera", estime la journaliste. En 2009, l'avocat de Florence Cassez, Frank Berton, avait menacé de porter plainte contre ce ministre devant la justice française pour "falsification et faux procès-verbaux".
Son petit ami est-il vraiment un kidnappeur ?
Rien ne le prouve. Israel Vallarta est lui aussi détenu depuis sept ans, mais contrairement à Florence Cassez, il a avoué être l'auteur de plusieurs enlèvements. Des aveux obtenus sous la torture, a reconnu la Commission des droits de l’homme mexicaine. "Je sais qu'en France, certaines personnes qui ne connaissent pas l'affaire doutent de lui, avance Anne Vigna. Mais la présomption d'innocence doit primer, car son procès n'a pas encore eu lieu. Au Mexique, les médias le présentent toujours comme un coupable, mais mis à part ces faux aveux et des témoignages très contradictoires, il n'y a pas d'éléments contre lui."
Autre incohérence qui pourrait accréditer l'hypothèse de l'innocence d'Israel Vallarta : seuls Florence Cassez et lui ont été arrêtés et détenus pendant des mois, alors que "Los Zodiacos" étaient présentés par les autorités comme un gang comptant de nombreux membres et très organisé. "C'est quand la France a opposé cet argument que trois membres de la famille d'Israel ont été arrêtés, présentés comme membres du groupe, et torturés à leur tour", explique Anne Vigna. Aujourd'hui, pour la journaliste, la libération de Florence Cassez est une chance pour eux : "Le fait que la Cour suprême ait reconnu qu'il y a eu de graves irrégularités dans cette affaire sera très utile pour leur futur procès."
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