Cet article date de plus de cinq ans.

"On se demandait si on allait mourir" : installés à 300 mètres de l'usine Lubrizol, les gens du voyage dénoncent "l'abandon" de la mairie

Article rédigé par Robin Prudent
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3min
Patricia, habitante de l'aire des gens du voyage de Rouen (Seine-Maritime), le 2 octobre 2019. (ROBIN PRUDENT / FRANCEINFO)

Aucune mesure d'évacuation n'a été prise pour mettre à l'abri les quelque 70 habitants de l'aire d'accueil de Rouen, dont les logements ont été envahis par les fumées.

"Les caravanes tremblaient, mon téléphone est même tombé de l'étagère." Sur l'aire des gens du voyage de Rouen (Seine-Maritime), installée à 300 mètres de l'usine Lubrizol, une mère de famille raconte sa nuit d'horreur. Jeudi 26 septembre, vers 2h30 du matin, les 70 habitants de la zone se trouvaient aux première loges, face aux flammes gigantesques et aux explosions à répétition. Pourtant, au petit matin, personne n'est venu les évacuer ni leur fournir des protections, malgré leur vulnérabilité.

>> De l'incendie de l'usine Lubrizol aux interrogations sur la nocivité des produits, retour sur six jours d'angoisse à Rouen

Six jours plus tard, les habitants de l'aire d'accueil attendent toujours un geste de la métropole. Leurs caravanes sont les logements les plus proches de l'usine polluante, qui continuait de dégager une odeur âcre, mercredi 2 octobre. À quelques mètres seulement de l'entrée du camp, deux vigiles barrent la route à tous les visiteurs qui voudraient s'approcher un peu trop près de l'usine. Les gens du voyage, eux, tentent de reprendre une vie normale.

"La fumée est rentrée partout"

"On n'a pas dormi de la nuit, jeudi, on voyait les flammes éclairer le ciel et on avait peur qu'elles atteignent les caravanes", raconte Marvin, 18 ans. Son cousin a pris une décision plus radicale : il est parti au milieu de la nuit avec sa mère pour fuir la pollution qui arrivait. "Nous, on est restés, mais les vitres de nos caravanes sont tellement fines que la fumée est rentrée partout", complète Steeven, en montrant l'un des trente véhicules garés sur le parking. "On se demandait si on allait mourir", complète Vanessa.

Depuis, plusieurs habitants se plaignent de maux de tête et de gorge irritée. "Je m'inquiète surtout pour les petits, lance Patricia, son fils de 2 ans dans les bras. Je demande simplement un docteur et un psychologue pour les enfants !" Après la peur, c'est la colère qui domine. "On nous prend vraiment pour de la pourriture", s'indigne Weiss.

"On pouvait partir, mais sans nos caravanes"

Ce que ne comprennent pas les gens du voyage, c'est l'absence d'intervention des autorités. Vers 8 heures du matin, le 26 septembre, des policiers sont pourtant passés. "Ils nous on dit qu'on pouvait partir, mais sans nos caravanes. Et une fois à l'extérieur du périmètre, c'était compliqué de rentrer", explique Vanessa. "Même le ministre de l'Intérieur était juste à côté, il a mangé des croissants, mais il n'est pas venu nous voir", ajoute Patricia.

Contactée par franceinfo, la mairie de Rouen confirme qu'"aucune mesure d'évacuation du périmètre, qu'il s'agisse des habitations voisines ou de l'aire d'accueil, n'a été décidée par les services de l'Etat". Selon la municipalité, "les familles de l'aire d'accueil ont décidé de rester".

Weiss, sur l'aire des gens du voyage de Rouen (Seine-Maritime), le 2 octobre 2019. (ROBIN PRUDENT / FRANCEINFO)

Alors, que faire après cette catastrophe ? La mairie n'a annoncé aucune mesure immédiate pour les gens du voyage. "Une solution de confinement" pour ces populations doit être construite… Mais ce sera pour 2020. Trop tard, pour les habitants. "On voudrait partir, mais on nous met toujours à coté des usines ou des déchetteries, déplore Weiss. Nous, on aimerait juste un endroit sain."

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.