Cet article date de plus de six ans.

Fourgon braqué en Suisse : le point sur les zones d'ombre de l'enquête

Un convoyeur de fonds affirme avoir été braqué en Suisse jeudi soir, pendant que sa fille était prise en otage. Franceinfo fait le point sur cette affaire.

Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Un fourgon de la Brinks entre dans l'aéroport de Bruxelles-Zaventem (Belgique), le 19 février 2013 (photo d'illustration). (MAXPPP)

L'histoire avait tout du scénario rocambolesque, mais elle prend peu à peu les contours d'une farce. Un convoyeur de fonds travaillant en Suisse affirme avoir livré plusieurs millions de francs suisses dans la soirée du jeudi 8 février, afin de faire libérer sa fille, enlevée à Lyon.

Les kidnappeurs auraient enlevé la jeune femme dans son appartement. Elle a été retrouvée saine et sauve dans la soirée. Trois jours plus tard, coup de théâtre. Le convoyeur du fourgon, son coéquipier et sa fille sont placés en garde à vue, avant d'être remis en liberté mardi, sans charge retenue à leur encontre. Franceinfo revient sur les zones d'ombre de cette affaire.

Que s'est-il passé ?

Lyon, jeudi 8 février, 18h30. Selon ses dires, la fille du convoyeur, une étudiante de 22 ans, est enlevée à son domicile lyonnais. Ses ravisseurs seraient deux hommes s'étant fait passer pour des plombiers. Toujours selon son récit, après l'avoir ligotée, ils l'obligent à téléphoner à son père, domicilié à Annemasse (Haute-Savoie), pour lui soutirer une rançon. L'homme est un convoyeur de fonds qui travaille en Suisse. Il se trouve alors en pleine tournée avec son collègue.

Vers 19h45, les malfrats somment les convoyeurs de se garer sur un parking à hauteur de Chavornay, commune suisse du canton de Vaud. Trois hommes armés, de "corpulence normale", cagoulés, vêtus de noir, les y attendent. Ils vident le véhicule blindé, soit 15 à 30 millions de francs suisses (entre 13 et 26 millions d'euros), explique une source judiciaire à franceinfo.

Après la livraison du butin, la fille du convoyeur est relâchée près des Échets, dans l'Ain. Bâillonnée et ligotée, elle ne présente pas de traces de violence. Apparemment "très choquée", elle est découverte au bord d'une route sur la commune de Tramoyes (Ain), un peu avant 22 heures. Un communiqué diffusé par les autorités suisses précise que personne n'a été blessé.

De leur côté, les braqueurs prennent la fuite à bord d'un SUV Porsche dans une direction inconnue. La police judiciaire de Lyon et la police cantonale de Vaud sont chargées de l'enquête. Un appel à témoins est lancé pour retrouver les ravisseurs et les braqueurs.

Qui sont les braqueurs ?

Selon le communiqué de la police cantonale de Vaud, les braqueurs sont "trois hommes, d'environ 170–175 cm, de corpulence normale, vêtus entièrement de noir, cagoulés et gantés, parlant français avec un accent, peut-être du sud de la France ou d’Afrique du Nord." Dans un premier temps, les enquêteurs estiment qu'ils sont les seuls responsables du braquage, avec la complicité des ravisseurs. 

Samedi, les enquêteurs convoquent le convoyeur de fonds, son collègue et sa fille à l'hôtel de police de Lyon, où ils sont auditionnés. Vingt-quatre heures plus tard, tous trois sont placés en garde à vue. 

Selon les informations du Parisien, plusieurs zones d'ombre apparaissent alors dans le récit de la soirée. La jeune femme confie aux enquêteurs avoir pris rendez-vous avec un plombier pour régler un problème avec son syndic, raison pour laquelle elle ne s'est pas méfiée lorsqu'une personne s'est présentée à sa porte. Les policiers de l’Office central de lutte contre le crime organisé (OCLCO) et de la brigade de répression du banditisme (BRB) de Lyon cherchent à comprendre comment les ravisseurs ont pu connaître ce détail. Selon la victime, le faux plombier qui s’est présenté chez elle à visage découvert aurait dans un deuxième temps fait entrer un complice cagoulé. Que s'est-il passé lorsque la jeune femme était seule avec le premier ravisseur ? 

Où est passé l'argent ?

Au cours de la garde à vue des trois protagonistes, un autre détail suscite l'attention des enquêteurs. Un des convoyeurs explique que les braqueurs lui ont remis un carton contenant 300 000 euros en devises suisses, en lui disant : "Tiens, c’est pour vous." L'homme aurait ensuite caché cet argent en Suisse. Les policiers suisses ont retrouvé ce carton à l’endroit exact qui avait été indiqué par le convoyeur lors de sa garde à vue, reprend Le Parisien

Pourquoi ce don ? Selon Le Parisien, le convoyeur a expliqué que les braqueurs lui avaient laissé cette partie du butin en guise de dédommagement pour le "préjudice moral" subi, à l'insu de son coéquipier. Cette version est en cours de vérification par les enquêteurs, selon France 2. Les braqueurs ont-ils réellement laissé cette somme au convoyeur ? L'ont-ils simplement oubliée sur place ? Le convoyeur aurait-il pu garder cet argent par opportunisme ?

Pour le moment, aucun élément n’établit un lien de complicité des convoyeurs avec les braqueurs. Le convoyeur qui a récupéré cet argent devrait être convoqué devant le tribunal pour recel, ajoute Le Parisien. Son collègue et la fille de ce dernier pourraient ne pas être inquiétés dans ce volet de l’affaire. Le trio a été relâché mardi à la mi-journée, a confirmé le parquet à franceinfo, sans donner plus de précisions.

Combien y avait-il de convoyeurs ?

La police suisse évoque la présence d'un "complice" des malfaiteurs qui a contraint le fourgon blindé à sortir de l'autoroute. Elle ne précise pas si cette personne se trouvait à l'intérieur du véhicule blindé. Cette information n'a pas été confirmée par la source policière française de franceinfo.

En revanche, selon le journal suisse Le Matin, les convoyeurs étaient bien deux, mais on ne sait pas si une troisième personne était à bord. "Pourquoi le bouton d’alarme à l’intérieur du véhicule n’a pas été activé ?" interroge un enquêteur. Pour lui, l'explication se trouve du côté de la jeune femme. Selon Le Parisien, les ravisseurs lui auraient en effet fait lire un texte dans lequel elle demande à son père d’obéir à leurs ordres pour avoir la vie sauve. "Papa, je t’en supplie, n’appuie pas sur le bouton d’alarme", aurait-elle lancé. Dans le fourgon, son père aurait d’abord cru à une plaisanterie avant de parler directement aux ravisseurs. "Les bandits étaient parfaitement renseignés sur le parcours du trésor, sur le convoyeur et sur sa fille", conclut l'enquêteur interrogé par Le Matin.

Le journal rappelle que le dernier braquage de ce type dans le canton de Vaud remonte à mai 2017. Un fourgon avait été détourné de l’A1 par sept assaillants. La police de Lyon les avait arrêtés dans leur repaire surveillé depuis des mois, près d’Annecy.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.