: Récit Disparition du petit Emile : battues citoyennes, recherche de caches, analyses téléphoniques... Retour sur quatre jours d'une mobilisation sans relâche
Les chances de retrouver Emile vivant s'amenuisent. Après quatre jours d'intenses recherches dans le hameau du Haut-Vernet, dans les Alpes-de-Haute-Provence, le petit garçon de 2 ans et demi reste introuvable. Les enquêteurs n'ont toujours "aucun indice, aucun élément" qui puisse expliquer la soudaine disparition de l'enfant, samedi 8 juillet en fin d'après-midi, comme l'a déclaré le procureur de la République de Digne-les-Bains, Rémy Avon, lors d'un point-presse mardi soir.
Pendant 96 heures, c'est un village entier qui s'est mobilisé, avec plusieurs centaines de bénévoles et de nombreux gendarmes, militaires et pompiers.
La disparition est signalée samedi en fin d'après-midi
La disparition du garçon est signalée aux autorités samedi en fin d'après-midi. Emile vient d'arriver pour les vacances d'été chez ses grands-parents maternels et a échappé à leur vigilance alors qu'il jouait dans le jardin. Il s'agit de leur résidence secondaire, située dans ce hameau de 25 habitants, à plus d'un kilomètre du village du Vernet, au nord-est de Digne-les-Bains. Dans la maison, "plusieurs autres membres de la famille étaient également présents", mais aucun des deux parents de l'enfant, précise le parquet.
"Le temps que la famille, les proches, les voisins procèdent aux premières vérifications, le premier appel à la gendarmerie intervient vers 18 heures", expliquera le procureur. Dès 18h40, un important dispositif de recherche de l'enfant est mis en œuvre avec des équipes cynophiles, deux hélicoptères ainsi que des drones, liste la préfecture du département. Les habitants du secteur se mobilisent très vite et en nombre : ils sont une centaine à aider les gendarmes, jusqu'à 3 heures du matin. Les recherches ne sont malheureusement pas facilitées par la topographie des lieux : la commune du Vernet se situe dans une zone montagneuse et escarpée, parsemée de petits cours d'eau.
Un appel à témoins est lancé au niveau national
Le lendemain, le dispositif prend de l'ampleur. Dimanche dès 6 heures du matin, 30 gendarmes sont mobilisés, dont des militaires du Peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM), ainsi que 20 pompiers et toujours une importante équipe de volontaires, qui grossit d'heure en heure pour atteindre "près de 200 personnes", selon le procureur. Un hélicoptère continue de survoler la zone. Les recherches sont menées avec une stratégie "dite de l'escargot", qui se concentre d'abord sur le hameau avant de s'élargir.
Dans la matinée, la préfecture annonce l'ouverture d'une enquête pour disparition inquiétante. Les investigations sont confiées à la gendarmerie de Marseille, appuyée par la brigade de recherches de la gendarmerie de Digne-les-Bains. A 18 heures, alors qu'Emile est toujours introuvable, le parquet diffuse un appel à témoins. La photo du petit garçon et son signalement – yeux marron, cheveux blonds, 90 centimètres – sont relayés dans tous les médias. L'affaire prend une tournure nationale.
"Les 48 heures sont cruciales pour pouvoir optimiser nos chances et faire en sorte que nous puissions le retrouver", déclare, lors d'un premier point-presse à 19 heures, le procureur Rémy Avon, accompagné du préfet des Alpes-de-Haute-Provence, Marc Chappuis. Le magistrat explique devant les caméras que "les recherches ont porté sur un périmètre de cinq kilomètres" avec "des moyens très importants".
"Aucune hypothèse n'est privilégiée", poursuit-il, précisant que les critères pour le déclenchement d'une alerte enlèvement ne sont "à ce jour pas réunis". Le procureur livre au passage une précision importante : l'enfant a été vu dans une rue descendante par deux voisins, vers 17h15. C'est à ce moment-là que sa trace a été perdue.
Plusieurs maisons du hameau sont inspectées et le dispositif de recherches se poursuit toute la soirée et une partie de la nuit de dimanche à lundi. Sans rien donner.
Des volontaires affluent de tout le département
La course contre la montre se poursuit lundi. Si Emile est vivant, il aura passé deux nuits dehors, sans boire ni manger. "La famille vient toutes les vacances scolaires depuis une vingtaine d'années", témoigne le maire du Vernet, François Balique, auprès de franceinfo.
"Plus le temps passe, plus l'angoisse grandit."
François Balique, maire du Vernetà franceinfo
De nouveaux moyens apportés par les départements voisins ont été attribués à l'enquête, dont un chien de Saint-Hubert, à l'odorat très développé. Dès l'aube, "les recherches ont repris et se sont intensifiées", relève le maire, qui précise que le périmètre a été élargi. L'élan de solidarité est considérable : des volontaires affluent de tout le département, et de plus loin encore, pour participer aux battues.
Pour grossir les effectifs, la fédération départementale des chasseurs des Alpes-de-Haute-Provence invite sur sa page Facebook "tous les chasseurs bénévoles et habitués à marcher en terrain de montagne" à se rendre au Vernet pour participer aux battues.
Au total, ils sont "300" volontaires à se mobiliser, chiffre Cyril Genin, salarié de la fédération. Une entreprise de rénovation de l'habitat a même sollicité l'ensemble de ses commerciaux, 25 au total, pour participer aux recherches. "On a tous répondu présents", explique l'un d'entre eux, Alexandre Naudin.
"On a chacun des enfants du même âge qu'Emile, on s'est forcément sentis concernés."
Alexandre Naudin, un volontaire bénévoleà franceinfo
Chaque petit groupe, formé d'une quinzaine de bénévoles et encadré par des pompiers et des gendarmes, est chargé de passer la zone au peigne fin. "On est partis de la maison et on a ratissé en faisant des lignes avec quatre mètres d'intervalle entre chaque personne", décrit Alexandre Naudin. Il faut être particulièrement "vigilant aux zones avec une végétation très haute", nombreuses, souligne Cyril Genin, de la fédération des chasseurs. "L'enfant peut se cacher ou être tombé, inconscient. On ratisse très serré."
Malgré cette impressionnante mobilisation, le petit garçon reste introuvable. Un nouveau point-presse est organisé lundi en début de soirée. Le préfet annonce que les recherches se poursuivront le lendemain mais que le dispositif va être adapté. "Concrètement, on arrête les battues" pour déployer des "moyens spécialisés à la recherche de traces et d'indices", détaille-t-il, assurant que "toutes les hypothèses restent d'actualité. Aucune n'est privilégiée et aucune n'est exclue."
De "nombreuses auditions de témoins" sont effectuées, en vain. Toutes les maisons du hameau, hormis deux abandonnées, sont fouillées. L'inquiétude s'accroît encore un peu plus.
Le hameau est complètement bouclé
Mardi, cela fait presque trois jours que le petit Emile a disparu. Un dispositif de recherches "plus ciblé" et "sélectif" est mis en place, sans l'aide des volontaires cette fois mais "avec du personnel spécialisé" et toujours les chiens "qui font du sélectif", résume le procureur. L'enquête est resserrée sur le hameau du Haut-Vernet, complètement bouclé par les gendarmes, dès 8 heures du matin. Il est "interdit à toute personne étrangère au bourg", relaie le magistrat.
Le site est à nouveau ratissé jusque dans les moindres recoins. Les 30 bâtiments qui s'y trouvent sont inspectés, 12 véhicules sont fouillés et les 25 habitants, entendus. Une unité de sapeurs de la Légion étrangère spécialisée dans la recherche de caches est mobilisée : ses membres vont jusqu'à sonder des bottes de foin à la recherche de "matériaux ferreux", avec des détecteurs de métaux spécialisés, toujours dans l'optique de trouver "la moindre trace".
Sur les réseaux sociaux, les théories vont bon train. Des voyants s'en mêlent et multiplient les lives ou les posts sur TikTok pour faire part de leurs suppositions. Le parquet insiste sur le fait "qu'aucun élément ne caractérise une infraction pénale", que ce soit un homicide ou un enlèvement. L'enquête est toujours menée pour "recherche des causes de disparition inquiétante".
L'enquête prend un tournant judiciaire
Mardi, l'enquête est au point mort. Les enquêteurs n'ont toujours "aucun indice, aucune information, aucun élément", reconnaît le procureur Rémy Avron lors d'un nouveau point-presse. "Nous en sommes au même point qu'hier et qu'avant-hier", admet-il sans détour. L'hypothèse selon laquelle Emile se serait perdu est de moins en moins probable et, si tel est le cas, son pronostic vital serait sans doute "très très engagé". Le magistrat annonce que, désormais, l'enquête passe dans une seconde phase visant à exploiter les données recueillies sur le terrain.
Une "masse considérable d'informations" recueillies doit être traitée, le travail d'enquête entre dans une phase judiciaire. Les relevés téléphoniques des habitants ont déjà commencé à être étudiés. Petit à petit, la police technique et scientifique se déploie davantage, avec, aussi, des recherches sur le fichier des délinquants sexuels de la région. La section de recherches de Marseille, spécialisée dans les enquêtes criminelles, est à l'œuvre. Ses membres sont déployés sur le site du Vernet. D'autres travaillent depuis la cité phocéenne. Tous sont regroupés au sein d'une cellule d'enquête désormais "nationale", passée de 15 à 20 gendarmes.
Mercredi soir, les recherches sur le terrain étaient "en passe d'être achevées", a annoncé le procureur. L'étude d'une trace de sang découverte sur un véhicule dans le hameau n'a rien donné, il s'agissait de sang animal, a précisé le magistrat. Accident, homicide, enlèvement ? "Toutes les hypothèses" restent étudiées par le parquet, qui "ne s'interdit rien". Dans un communiqué, Rémy Avon a précisé que l'enquête allait se poursuivre "notamment par l'analyse de la masse considérable des informations et éléments collectés depuis quatre jours".
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