Mort de Steve Maia Caniço : 3 questions sur le "bornage" de son téléphone au moment de l'intervention policière
Le portable du jeune homme, mort lors de la fête de la musique à Nantes, a envoyé un signal à 4h33, quelques minutes après le début de l'intervention policière.
Un téléphone se retrouve au cœur de l'enquête de la mort de Steve Maia Caniço. Le portable de l'animateur disparu pendant la Fête de la musique à Nantes a émis un signal au moment de l'intervention policière. "Le téléphone a 'borné' une dernière fois à 4h33", indique, mardi 10 septembre, une source proche du dossier à franceinfo. Jusque-là, le rapport de l'IGPN (Inspection générale de la police nationale) faisait simplement état d'un SMS envoyé une heure auparavant, à 3h16.
Cette information est-elle en contradiction avec le rapport de l'IGPN ?
Le rapport de l'IGPN ne fait en tout cas pas mention de cette information. Chargée de faire la lumière sur l'opération policière menée dans la nuit du 21 au 22 juin sur les quais de la Loire pour faire cesser la musique, la "police des polices" a simplement indiqué, en juillet, que le téléphone avait déclenché – via l'envoi d'un SMS – "un relais téléphonique à 3h16", soit plus d'une heure avant le début de l'intervention. En se fondant sur ce rapport administratif, le Premier ministre, Edouard Philippe, avait conclu "qu'aucun lien" n'avait pu être établi entre la disparition de Steve Caniço et la charge des policiers, qui avaient fait usage de gaz lacrymogène et de lanceurs de balles de défense.
La "police des polices" a-t-elle pour autant menti ? Comme le détaille L'Express, l'IGPN n'avait pas eu accès à cette information sur l'ultime "bornage" à 4h33 pour rédiger son rapport. Le service s'était basé uniquement sur les relevés téléphoniques, c'est-à-dire le dernier appel reçu ou émis, le dernier SMS reçu ou émis, et l'heure de cet appel ou de ce SMS. "Un téléphone 'borne' lors d'un appel ou d'un SMS, mais il 'borne' aussi à intervalle régulier (entre 30 minutes et deux heures) pour envoyer une information de localisation. Ainsi, quand vous entendez votre radio grésiller dans la voiture, c'est votre téléphone qui fait une mise à jour de localisation", explique à franceinfo Eduardo Motta Cruz, directeur de la chaire Télécom et réseaux de l'université de Nantes. Or, dans le cadre de son enquête, l'IGPN n'a pas le droit d'effectuer des réquisitions auprès des opérateurs téléphoniques. Elle ne disposait donc pas de l'heure à laquelle le téléphone a émis son dernier signal.
Qu'est-ce que cela change dans le dossier ?
L'information alimente le flou sur les circonstances de la chute de Steve Caniço dans la Loire."Le 'bornage' signifie que le téléphone n'était pas immergé dans la Loire à ce dernier instant", confie à franceinfo Cécile de Oliveira, l'avocate de la famille Caniço. "Normalement, un téléphone ne peut pas 'borner' s'il se trouve dans l'eau, confirme à franceinfo Eduardo Motta Cruz, directeur de la Chaire Télécom et Réseaux de l'université de Nantes. L''électronique n'aime pas l'eau – faites l'expérience avec votre téléphone dans une piscine – et les ondes se propagent très difficilement dans l'eau."
Pour Cécile de Oliveira, cela renforce en tout cas les soupçons sur un lien entre l'intervention policière et la mort du jeune homme. "La famille de Steve Maia Caniço fait part, depuis plusieurs semaines, de sa conviction sur la concomitance entre la mort de Steve et l'intervention policière, explique-t-elle. Il y a, pour eux, un lien de causalité qui doit permettre de faire établir la responsabilité et la culpabilité dans le cadre de l'homicide involontaire."
Quelles sont les questions qui restent en suspens ?
Le bornage du téléphone plusieurs minutes après le début de l'intervention policière ne permet pas encore de reconstituer l'intégralité de la chronologie des événements. Est-ce que le téléphone a été retrouvé sur le corps de Steve Maia Caniço ? "C'est un élément du dossier de l'instruction", élude Cécile de Oliveira. "Soit le téléphone n'est pas tombé dans l'eau avec Steve, soit Steve n'était pas encore tombé dans l'eau à 4h33", avance de son côté Eduardo Motta Cruz.
"Il y a peu de chances que l'on sache comment et pourquoi Steve est tombé à l'eau, indique un enquêteur au Canard enchaîné. On ne peut formuler que des hypothèses : a-t-il été pris de panique après un réveil en sursaut ? A-t-il été victime d'un mouvement de foule provoqué par le grenadage des forces de l'ordre ? Seule certitude, il dormait tout près du fleuve au moment de l'intervention." Cette certitude provient du témoignage de Ludovic, un ami de Steve, qui affirme avoir laissé le jeune homme allongé en bordure de quai, avec la promesse de le retrouver plus tard.
Le rapport de l'Inspection générale de l'administration, qui doit être rendu au 15 septembre au plus tard, ne devrait pas apporter de réponses à ces questions en suspens, selon Le Canard enchaîné. Il devrait se contenter de détailler les responsabilités de chacun dans le dispositif mis en place pour sécuriser la soirée. Pour le reste, il faudra attendre la fin de l'enquête judiciaire.
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