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Marseille est-elle vraiment la capitale de la criminalité ?

Alors que la cité phocéenne est sous les feux de la rampe après le 15e règlement de comptes mortel de l'année, retour sur les chiffres de la délinquance. 

Article rédigé par Salomé Legrand
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Des enquêteurs sur les lieux où un jeune homme de 17 ans a été abattu de sept balles de kalachnikov, le 22 décembre 2011 à la cité de la Castellane, à Marseille. (GERARD JULIEN / AFP)

Marseille, nouveau Chicago. Après le 15e règlement de comptes de l'année 2013, la cité phocéenne est devenue le centre d'attention médiatique et politique. Pourtant, les chiffres de la délinquance, annoncés jeudi 5 septembre par le procureur de la République, Brice Robin, sont meilleurs que ceux des années précédentes. Y a-t-il vraiment un problème d'insécurité à Marseille ?

Oui, la ville est première pour toutes les délinquances

Selon les chiffres du rapport Criminalité et délinquance constatées en France en 2012 de la Direction centrale de la police judiciaire, analysés par La Provence, avec 30 387 infractions et un taux de 15,45 infractions pour mille habitants, les Bouches-du-Rhône arrivent quatrièmes après la Seine-Saint-Denis, Paris et la Guyane. Mais si l'on regarde les chiffres par circonscription de police, c'est bien Marseille qui remporte la palme.

En 2012, la police a recensé 20 143 atteintes aux personnes dans la circonscription, soit 22,63 cas pour 1 000 habitants, quand ce taux est de 15,64 à Paris et de 12,69 à Lyon. "Il se commet deux fois plus de vols à main armée avec une arme à feu à Marseille" que dans ces deux autres villes, précise le quotidien régional. Il en va de même pour les atteintes aux biens : 70,5 pour 1 000 habitants à Marseille, contre 66,7 dans la capitale et 56,62 dans la cité rhodanienne. 

Oui, la violence y est plus spectaculaire

"Marseille, c'est Marseille : un port ouvert, une ville pauvre avec une tradition de banditisme et de violence"dixit l'ancien procureur de la République, Jacques Dallest. Et la violence y est plus visible. 

Selon Europe 1, "avec la Corse, la cité phocéenne rassemble les deux tiers des 60 règlements de comptes enregistrés en moyenne chaque année en France". Des phénomènes d'autant plus marquants qu'ils sont majoritairement "perpétrés en pleine journée, en présence de témoins".

De plus, la circulation d'armes lourdes et la dimension mafieuse de la criminalité à Marseille alimente le sentiment d'insécurité. "Aujourd'hui, ces jeunes [délinquants] n'ont pas de code, pas de respect, pas de règles. Ils commencent très tôt et grimpent de manière fulgurante l'escalier de la délinquance, s'entretuant entre eux pour des vengeances minables", assène Christophe Crépin, de l'Unsa police, interviewé par BFMTV.com.

Enfin, "on ne dénombre pas moins de 200 cités dans l’enceinte même de Marseille, qui est trois fois plus étendue que Lyon et 2,5 fois plus que Paris", rappelle Europe 1, ce qui renforce l'impression de danger au cœur même de la ville.

Mais les chiffres sont en baisse…

Au moment même où se produisait le 15e règlement de comptes mortel de la région, le procureur de la République, Brice Robin, a annoncé des chiffres de la délinquance en baisse depuis janvier 2013. Selon Le Parisien, dix-neuf meurtres lors de règlements de comptes avaient déjà été recensés à la même période en 2012.

Les atteintes volontaires à l'intégrité physique ont chuté de 13% (10 000 cas au lieu de 12 000 l'an dernier), les vols de 8,8% et les vols avec violence de 17,9%. Et ils étaient déjà en régression en 2012. Selon le bilan du premier semestre 2012 (PDF) de la préfecture de police, à Marseille, la délinquance générale a baissé de 6,4% et la délinquance de voie publique de 2,9% sur les premiers mois de l'année 2012. Les atteintes volontaires à l'intégrité physique avaient, elles, baissé de 5% dans la ville, "soit 518 faits de moins" que sur les six premiers mois de l'année 2011.

… et politiques et médias accentuent l'effet de loupe

"Ces chiffres, pour encourageants qu'ils soient, ne pèsent pas bien lourd devant le tsunami médiatique qu'entraînent inexorablement une rafale de kalachnikov ou un nouveau règlement de comptes", a commenté le procureur.

En effet, en plus du déferlement médiatique consécutif à tout nouvel homicide en Corse ou à Marseille, la cité phocéenne est le centre de toutes les attentions politiques, particulièrement à l'approche des élections municipales. D'abord, c'est Nicolas Sarkozy lui-même, successivement ministre de l'Intérieur puis président de la République, qui en a fait un laboratoire de sa politique de sécurité. Ensuite, Marseille est la dernière des grandes villes françaises à être aux mains de la droite, et la gauche compte bien la lui rafler en 2014. 

D'où les attaques répétées du PS à l'encontre de Jean-Claude Gaudin, le maire UMP de la ville depuis 1995. "Marseille est une ville qui a été abandonnée pendant des années, par l'Etat comme par les collectivités territoriales de Marseille, et notamment la municipalité", a ainsi lancé Manuel Valls le 21 août. Et le gouvernement de multiplier les annonces de renforts depuis un an. En face, l'édile accuse Paris de "mépriser" les Marseillais. 

De leur côté, les élus locaux du FN, qui n'ont pas été invités à la réunion pour "un pacte sur la sécurité à Marseille", en ont profité pour s'insérer dans le débat lors d'une conférence de presse. Le candidat frontiste à la mairie de Marseille, Stéphane Ravier, a dénoncé "la réunion de tous ceux qui se sont toujours trompés, qui vont continuer à se tromper".

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