Criminalité à Marseille : pourquoi le PS tape sur Jean-Claude Gaudin
Le maire de la ville est la cible du ministre de l'Intérieur et des candidats socialistes à sa succession. Décryptage.
La flambée de violence à Marseille tourne au règlement de compte politique avec, comme cible de la gauche, Jean-Claude Gaudin, maire UMP de la ville depuis 1995. Pour Manuel Valls, si les fusillades et les agressions se multiplient, c'est que "Marseille est une ville qui a été abandonnée pendant des années, par l'Etat comme par les collectivités territoriales de Marseille, et notamment la municipalité". Le constat est le même pour Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée de la Lutte contre l’exclusion et candidate aux primaires municipales du PS à Marseille.
La dernière attaque en date est venue d'Harlem Désir. "La responsabilité de Jean-Claude Gaudin est immense parce qu'il a couvert l'inaction des gouvernements précédents et de Nicolas Sarkozy, et je l'accuse de non-assistance à Marseillais en danger", a déclaré le premier secrétaire du PS sur RTL.
Si ces attaques sont partiellement fondées, elles s'inscrivent également dans un contexte politique bien particulier. Voici les raisons pour lesquelles les socialistes critiquent le maire de la deuxième ville de France.
Parce que Gaudin a sa part de responsabilité
"La sécurité des personnes et des biens incombent à l'Etat", rappelle régulièrement le maire de Marseille, note Le Monde. En effet, sous les ordres du préfet des Bouches-du-Rhône, ces missions sont assurées par la gendarmerie et la police. Mais pour autant, Jean-Claude Gaudin dispose de moyens pour agir. La police municipale et la vidéosurveillance sont notamment de son ressort. Manuel Valls a ainsi tenu à rappeler, mardi 20 août, sur BFMTV et RMC, que ces deux dispositifs ont été mis en place tardivement, et à son initiative. "Il a fallu que ce gouvernement se mette en place et que je décide de mettre le paquet sur Marseille (...) pour que Jean-Claude Gaudin décide enfin d'un plan de vidéoprotection pour toute la ville – ça ne concernait que le centre-ville –, décide enfin, progressivement, de mettre en place une police municipale qui n'existait pas."
Mais pour le ministre de l'Intérieur, cette insécurité a surtout pour origine le mauvais climat social à Marseille. Et sur ce sujet, il est difficile d'exonérer de toute responsabilité un élu qui est en poste depuis dix-huit ans. A sept mois des élections municipales, le bilan du maire sortant est "inquiétant", détaille L'Express. La ville croule sous les dettes (2 250 euros par habitant, contre 860 à Paris et 900 à Lyon), le chômage atteint 13,2% de la population active contre 10,4% au niveau national, et des quartiers entiers sont gangrénés par le trafic de drogue et la violence.
Pour cacher un bilan gouvernemental en demi-teinte
Pour François Fillon, ces attaques de la gauche sont une "tentative de diversion". Selon l'ancien Premier ministre, Marseille symbolise "l'échec de la politique de ce gouvernement en matière de sécurité". Car pour l'opposition, les étés se suivent et se ressemblent. Le 6 septembre 2012, Jean-Marc Ayrault organisait un comité interministériel contre la violence à Marseille avec, comme première mesure, l'envoi de 205 policiers et gendarmes supplémentaires. Mais en dépit de ces multiples renforts d'effectifs – dont certains ne sont que temporaires –, les règlements de comptes continuent à se multiplier. Treize personnes ont ainsi été tuées dans les Bouches-du-Rhône depuis le début de l'année, dont onze à Marseille.
Face à ce bilan, Manuel Valls joue la montre. "Il me faut du temps", expliquait-il mardi à RMC, affirmant que sa politique portait déjà ses fruits. "Non seulement la délinquance quotidienne baisse, mais nous obtenons aussi des résultats en matière de démantèlement des trafics de drogue." Pour illustrer ses propos, le ministre a notamment pris en exemple le coup de filet de la police marseillaise du 20 juin, dans la cité de la Castellane.
Parce que les primaires PS pour les municipales approchent
Les municipales de mars 2014 jouent un rôle dans l'offensive tous azimuts contre Jean-Claude Gaudin. "Il y a une surenchère, notamment de la part des élus", a reconnu Manuel Valls. Car face à ce qu'ils considèrent comme un manque criant d'efficacité, certains des six candidats à la primaire PS (Marie-Arlette Carlotti, Eugène Caselli, Samia Ghali, Henri Jibrayel, Christophe Masse, Patrick Mennucci) pour la mairie de Marseille cherchent à marquer des points, et s'attaquent à celui qui devrait annoncer en septembre s'il est candidat à un quatrième mandat.
C'est le cas notamment de Samia Ghali. Dans Le Monde (article payant), la sénatrice PS estime que la responsabilité de Jean-Claude Gaudin est totale. "Ses dix-huit ans de mandat sont une catastrophe. Marseille est coupée en deux, fracturée entre nord et sud. Elle est archaïque en matière de transport, de voirie, de propreté." L'été dernier déjà, la sénatrice s'était fait remarquer en réclamant l'intervention de l'armée.
Un autre candidat PS a, lui, subi un rappel à l'ordre par le ministre de l'Intérieur. Eugène Caselli, président de la communauté urbaine, avait ainsi demandé le classement de la totalité de la ville en Zone de sécurité prioritaire (ZSP) à la suite d'un autre meurtre, le 22 juillet.
Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée de la Lutte contre l’exclusion, elle aussi candidate aux primaires, est même allée encore plus loin. Elle a estimé, mercredi 21 août sur i-Télé, qu'il y a "un système mafieux qui gangrène la ville" et a annoncé que si elle était élue maire, elle "triplerait les effectifs" de la police municipale, avec 1 000 agents.
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