: Reportage "Il faut taper là où ça fait mal" : à Viry-Châtillon, la colère des jeunes ne retombe pas une semaine après la mort de Nahel
Des carcasses de voitures calcinées au bord des routes, le bitume noirci à de nombreuses intersections, la ville de Viry-Châtillon, dans l'Essonne, porte toujours les traces des violences de la semaine dernière. Près de la Maison des jeunes et de la culture, Yassine, 22 ans raconte cette semaine de violence dans la ville : "Ça a brûlé des camions, des voitures. Je filmais, je regardais et j'étais observateur de tout."
>> Violences après la mort de Nahel : suivez les dernières informations en direct
Ce jeune homme explique qu'il n'a pas participé, mais qu'il comprend cette colère, lui est toujours très marqué par l'affaire Nahel : "Ça a été sûrement le contrôle de trop, la bavure de trop et il y en a plein qui sont passés sous le tapis. Mais là, ça a été filmé. C'est encore une rage folle dans les quartiers." À côté de lui, Samir tient un discours similaire. Lui aussi est resté à distance des violences, mais il les soutient, en partie : "Quand on s'exprime, si on ne nous écoute pas, il faut, au bout d'un moment, taper là où ça fait mal, montrer qu'on est là. Après, il y a eu des choses où je ne suis pas d'accord. Ils ont quand même attaqué des pharmacies, là, je trouve que c'est n'importe quoi. Il y a eu des lieux qui ont été attaqués comme des écoles."
"Ils auraient dû dès le début aller directement sur Paris et là, faire du bruit sur Paris."
Samir, jeune de Viry-Châtillonà franceinfo
Malik est désabusé par les images qui ont défilé ces derniers jours sur les réseaux sociaux. Pour lui, ces jeunes n'ont pas défendu "la cause de Nahel" : "Je ne dis pas qu'il ne faut pas faire d'émeutes, mais pas les émeutes d'aujourd'hui. Il fallait faire comme en 2005 pour Zyed et Bouna. Vous voyez qu'ils se battaient pour les deux jeunes qui sont morts. Aujourd'hui, on voit qu'ils font ça pour les réseaux et tout. Ils font ça juste pour le buzz." Il estime qu'il faut "s'acharner sur l'Etat, pas sur les endroits privés".
Pour tous, la police est au cœur des problématiques. C'est la cause principale de la colère, au-delà de l'affaire Nahel. "Moi, j'ai déjà eu des 'Rentre dans ton pays' par des policiers", explique Malik, qui glisse ensuite : "Mon pays, c'est la France."
Samir rajoute : "J'en connais certains qui sont sympas, il n'y a pas de problème avec eux. Il y en a d'autres que je connais aussi... Franchement, c'est trop. Même juste un 'Bonjour', ils regardent mal comme s'ils avaient fait quelque chose." Yassine, lui, dénonce ces violences policières : "J'ai des connaissances qui se sont fait taper par la Bac dans des bâtiments comme ça, pour rien du tout". Mais ces jeunes relativisent et insistent : ils n'ont aucun problème avec la grande majorité des forces de l'ordre.
La cagnotte de la colère
Autre motif de colère depuis ces derniers jours : la cagnotte en ligne pour soutenir le policier qui a tiré sur Nahel, qui dépasse désormais le million d'euros. "Ceux qui mettent de l'argent, c'est qu'ils tolèrent le fait qu'il ait enlevé la vie d'un enfant", s'indigne Mélissa, une autre habitante du quartier. "Je pense que c'est pour ça aussi que la cagnotte a été faite pour dire en gros : 'T'inquiète pas, pour l'instant, tu es au trou, mais t'as un million d'euros qui t'attend pour que tu arrives à vivre'."
Si la rupture est donc toujours très profonde, les nuits, elles, sont plus calmes. Cela s'explique surtout par la présence massive et dissuasive des forces de l'ordre, à en croire ces jeunes. Un avis partagé par Ludovic, coordinateur jeunesse à la MJC, qui salue aussi l'implication des mères de famille qui ont appelé au calme : "C'est l'une des premières raisons qui fait que les jeunes se sont mis un peu en retrait parce que j'ai vu des parents descendre en bas des bâtiments et on parlé aux enfants. Des parents nous ont sollicités en tant que structure sociale auprès des jeunes. Je pense que les gens ne sont pas insensibles face à ces moments, mais il reste énormément à faire pour retrouver une paix durable."
Mieux former les policiers
Beaucoup à Viry-Châtillon demandent un investissement massif de l'Etat pour les quartiers prioritaires, minés par la pauvreté. Malik, lui n'y croit pas, car "de toute façon ça va être toujours la même chanson". Mais Mélissa a tout de même quelques propositions en ce qui concerne le recrutement et la formation des policiers. "Au niveau des examens, il faut plus approfondir, savoir si une personne est apte à être policier ou s'il est là juste pour les armes et au final, taper, tuer... Il faut aussi leur apprendre à gérer leur stress."
Pour ces jeunes, si rien ne change, les émeutes reprendront. Tout dépendra aussi de la réponse de la justice. Mélissa, Malik, Samir et Yassine en sont persuadés : le policier qui a tué Nahel ne sera pas condamné. "Il y a toujours deux poids, deux mesures", disent-ils unanimement.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.