Invité : Fabrice Luchini, "Gemma Bovery"
L. Delahousse : Bonsoir, merci de nous rendre visite. Cela nous fait plaisir de vous recevoir. Fabrice Luchini. Quelle semaine! Si on commençait par un roman de Flaubert, de 1856? En 1856, le roman de Flaubert recevait un blâme après avoir été jugé pour outrage à la morale publique.
F. Luchini : Il y avait une scène absolument démente. Cela est arrivé juste devant les juges.
L. Delahousse : Cette semaine, un autre livre fait polémique, certains ont parlé d'outrage. Vous qui plongez dans le journal intime de votre voisine, dans le film, vous avez envie de lire ces confessions de l'ex-compagne d'un président de la République.
F. Luchini : Oui, je les ai lues, je lis beaucoup.
L. Delahousse : Cela vous choque.
F. Luchini : Non, je ne suis pas là pour juger les gens. Je ne m'attendais pas à cette question, je crois que je n'avais rien à répondre, à part que ma passion, c'est les très grands écrivains. Et c'est Flaubert, La Fontaine, Céline. Cette littérature n'est pas celle qui est l'objet de mes convoitises.
L. Delahousse : Cette transparence à outrance ne vous ennuie pas.
F. Luchini : On ne sait plus où on en est. Si on se réveille un peu déprimé, on se dit qu'on est au bout du rouleau, qu'on va décrocher. Si on est un peu enthousiaste, on se dit qu'il y a un peu de ressources. Je pense que la seule ressource, c'est modestement ce que j'ai envie de dire à tous les grands présidents et ministres, c'est: "Sachez d'où vous partez". On ne peut pas partir d'ailleurs que de la littérature et de la puissance des régions. Je leur conseille d'abord d'avoir et de lire "Madame Bovary"! Je n'ai aucun aucun conseil à donner à des gens qui ont des responsabilités gigantesques. Et ensuite, qu'ils aillent voir "Gemma Bovery" d'Anne Fontaine. Ce sera une porte ouverte vers le roman. Une seule passion doit les habiter, se nourrir de la littérature! On ne peut pas affronter la compétition du monde si on ne comprend pas qu'on part d'un point unique, une littérature de génie. Allez voir des films littéraires, amusez-vous. C'est le seul conseil que je peux donner.
L. Delahousse : C'est déjà pas.
F. Luchini : Moi, je paye mes impôts très modestement, je suis content, je me dis que cela collabore aux hôpitaux, à la police. Les gens de gauche disent toujours qu'ils veulent une société harmonieuse, vivre ensemble. Non, cohabitons avec respect, on ne s'aimera jamais. Laurent, il a du courrier souvent, des meufs lui envoient leur string. Vous, vous n'aurez pas cela.
L. Delahousse : Vous avez de très mauvaises lectures.
F. Luchini : Je lis tout! Pourquoi me cloisonner dans les chefs-d'oeuvre.
L. Delahousse : On va regarder quelques images du film et revenir sur des éléments de votre.
Elle rentre dans la boulangerie, prend les croissants. Je ne vais pas vous embêter plus longtemps, voilà: "Gemma Bovery".
Exalté, Fabrice Luchini. "Gemma Bovery" est une adaptation décalée de "Madame Bovary", le célèbre roman de Gustave Flaubert, son écrivain fétiche. Ce rôle de boulanger qui voit dans ses nouveaux voisins anglais les personnages du roman, c'est du sur mesure.
Flaubert a inventé un caractère qui est devenu universel sur une femme qui s'ennuie. C'est devenu presque un archétype.
You know.
C'est comme s'il incarnait de manière organique les mots.
Et ça remonte à loin. Depuis que l'apprenti coiffeur engagé à 16 ans par Philippe Labro dans "Tout peut arriver" a découvert la littérature. Les mots, il les déguste et les partage à haute voix au théâtre. On l'appelle "le liseur", mais son rapport au livre n'a jamais été évident.
Le problème n'est pas aimer lire ou pas, le problème, c'est qu'ils sont là. N'ayant pas été à l'école du tout, peut-être que je rattrape.
A l'écran, Eric Rohmer, François Ozon, Anne Fontaine, les cinéastes lui ont offert de beaux textes. Une carrière éclectique.
Ce qui est surprenant, c'est sa fragilité.
En une seconde, avec ce petit geste insignifiant, c'en a été fini de dix ans de tranquillité sexuelle.
L. Delahousse : Sa fragilité, on va déjà parler de Martin qui quitte Paris pour reprendre la boulangerie de son père en Normandie. Et un jour, cette jeune Anglaise débarque, elle devient sa voisine, et sa vie bascule.
F. Luchini : Oui, la monotonie de sa vie et la paix de sa libido. Il avaü avait la paix du slip depuis une dizaine d'années, et une bombe atomique va débarquer.
L. Delahousse : Il devient alors à la fois observateur et un peu enquêteur.
F. Luchini : Oui, c'est pour cela que c'est un policier et que c'est comique.
L. Delahousse : C'est sombre aussi.
F. Luchini : Oui, parce que les histoires d'amour sont tragiques, mais jubilatoires et ludiques. C'est une comédie très légère. Les acteurs parlant de leurs films sont toujours débiles, mais Anne Fontaine aurait voulu illustrer ce chef-d'oeuvre, le film n'aurait pas été réussi .
L. Delahousse : Il y a encore beaucoup de vous dans Martin.
F. Luchini : C'est clair, c'est souvent le cas.
L. Delahousse : Pourquoi? D'autres vont fuir cela.
F. Luchini : Il y a deux écoles. Une école pour la construction d'une composition, les vrais grands acteurs, mais moi, j'ai une école où je ne peut jouer que ce qui résonne. Tout ce que je peux faire, c'est me déplacer, de François Ozon à Beaumarchais. Là, mon déplacement se fait sans composition extérieure.
L. Delahousse : Dans votre salon de coiffure, jamais vous n'auriez imaginé vivre cette vie-là.
F. Luchini : Non, je prenais l'autobus, puis mon Solex quand j'avais mes premières payes et j'allais faire mon brushing. J'ai coiffé Joe Dassin pendant un an, je n'étais pas mauvais. Même si je ne pouvais pas faire la totalité de la coupe. J'étais parfois tellement ému par les stars qui passaient que je partais en maison de repos.
L. Delahousse : A 15 ans, Johnny Hallyday, c'est une vraie star. Pourquoi vous l'aimez à ce point.
F. Luchini : C'est un poète, c'est fraternel. C'est un philosophe, Johnny. Il dit des choses profondes, totalement déconcertantes.
L. Delahousse : Merci, le film sort mercredi prochain. On a été ravis de vous recevoir. Voilà, fin de ce journal, merci pour votre fidélité. Tout de suite la météo. Ce soir, cinéma avec "L'Amour dure 3 ans". Je vous donne rendez-vous à 22h25 pour "Un jour, un destin" consacré à Johnny Hallyday. Très belle soirée.
Retrouvez "Le Geste Parfait", avec Gatorade.
De l'art.
J'adore.
Salut, c'est d'Art d'Art.
C'est l'histoire d'une oeuvre d'art.
Que lit-on sur le cartel de ce tableau ? Saint Georges terrassant le dragon, école allemande du 15e siècle, et 3 lettres en majuscules : MNR, Musées Nationaux de Récupération. Récupération des collections européennes pillées par les nazis. On estime à 100 000 le nombre d'oeuvres d'art transférées de France en Allemagne pendant l'Occupation. Hitler rêvait d'un gigantesque Führer Museum en Autriche. L'Agneau mystique des frères van Eyck devait en être la pièce maîtresse. Hermann Goering était un collectionneur passionné et l'un des plus grands voleurs de l'histoire de l'art. Il a pillé tous les pays occupés pour enrichir en tableaux, sculptures et objets précieux son palais de Carinhall. En France, il a volé plus de 20 000 oeuvres, la plupart restituées par les armées alliées, tandis que celles sans propriétaires identifiables ont été confiées aux Musées Nationaux, ce sont des MNR.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.