: Reportage Présidentielle : les militants de La France insoumise craignent la division de la gauche et l'abstention pour la "der des ders" de Mélenchon
A huit mois de la présidentielle, le candidat lance sa dernière campagne aux universités d'été de La France insoumise, qui se tiennent près de Valence, dans la Drôme, ce week-end.
Une fois n’est pas coutume, un institut de sondage est applaudi par les militants de La France insoumise. Jeudi 26 août, à Châteauneuf-sur-Isère (Drôme), Jean-Daniel Lévy, directeur délégué en stratégies politiques et d’opinion de l’institut Harris Interactive, est l’invité du mouvement de Jean-Luc Mélenchon pour le lancement de ses universités d’été. Le sondeur a été chargé de tester 42 de leurs propositions défendues auprès d’un échantillon de 1 241 Français, qui n’avaient pas connaissance du commanditaire de l’enquête.
Ainsi, 76% des sondés se disent favorables à l'augmentation du smic à 1 400 euros net par mois ; 68% à la baisse des impôts pour les personnes gagnant moins de 4 000 euros par mois ; 63% à la convocation d'une assemblée constituante pour une VIe République... Un verdict sans appel : "Sur les 42 mesures que nous avons été amenés à tester, toutes sans exception recueillent un assentiment et un jugement positif", dévoile Jean-Daniel Lévy. Avant d’ajouter : "S'il y avait un lien manifeste entre jugement à l’égard du programme et comportement électoral, on éviterait de faire des intentions de vote au second tour parce que vous passeriez dès le premier tour." Face à la tribune, le parterre de militants est comblé. Le "camarade" Lévy a droit à son ovation.
A la recherche d'une dynamique
A huit mois de la présidentielle, le mouvement de Jean-Luc Mélenchon sonne le tocsin. Avec entre 4 000 et 5 000 personnes attendues tout au long des quatre jours de ces universités d’été, La France insoumise entend faire une démonstration de force. Et l’annonce par Jean-Luc Mélenchon, jeudi matin, que cette campagne serait sa dernière est une motivation supplémentaire. "Je ne peux pas me dire que Jean-Luc ne sera pas président de la République", confesse Baya, 52 ans, venue de Mulhouse (Haut-Rhin). Cette militante qui suit Jean-Luc Mélenchon depuis son combat contre le référendum européen en 2005 se dit convaincue que "cette fois-ci sera la bonne".
Les universités d'été concluent des vacances placées sous le signe de la mobilisation avec l'arrivée sur place de trois caravanes qui ont silloné les quartiers populaires tout au long du mois d'août. Avec cette opération, La France insoumise a voulu remobiliser un électorat qui lui est traditionnellement acquis mais qui s’est très peu déplacé aux élections de juin. Le spectre de voir l'abstention record des régionales se reproduire à la présidentielle est un scénario que le mouvement de Jean-Luc Mélenchon veut à tout prix éviter. D'après le chercheur en sciences politiques Jean-Yves Dormagen, venu à Châteauneuf-sur-Isère avertir les militants, le risque d'abstention est de 48% pour Jean-Luc Mélenchon, alors qu'il n'est que de 30% pour Emmanuel Macron et de 38% pour Marine Le Pen.
Mais au-delà de cette menace, Jean-Luc Mélenchon ne décolle pas dans les sondages. Bientôt un an après sa déclaration de candidature, le 8 novembre 2020, le leader de LFI stagne autour de 11% d’intentions de vote. "Nous sommes sur un palier haut, dans la mesure où nous restons au-dessus des autres candidatures de gauche. Mais là, ça ne bouge pas, ce n’est pas bon", confie un vieil apparatchik du mouvement à franceinfo. Avant d'ajouter, un peu résigné : "Divisés, on n’y arrivera pas, c’est sûr."
Des forces de gauche divisées
De fait, la gauche est morcelée en cette rentrée. Outre les écologistes, qui organisent une primaire pour désigner leur candidat, le Parti communiste (PCF), allié historique de La France insoumise, fait également bande à part derrière son secrétaire national, Fabien Roussel. Tandis que du côté du Parti socialiste (PS) la candidature de la maire de Paris, Anne Hidalgo, semble faire de moins en moins de doute pendant qu'Arnaud Montebourg, ex-ministre de François Hollande, maintient le suspense sur sa propre participation.
En mettant en avant "une majorité d’adhésion" à une partie de son programme, La France insoumise espère se placer au-dessus de la mêlée et des divisions. C’est également tout l’enjeu du slogan "Union populaire" inscrit en lettres capitales sur l’affiche de campagne de Jean-Luc Mélenchon, et dont la lettre grecque phi, symbole du mouvement de La France insoumise, a été effacée.
Mais cette stratégie ne suffit pas à apaiser les inquiétudes chez plusieurs militants. Eric Degenne, cheminot de 54 ans venu d’Amboise (Indre-et-Loire), ne cache pas ses craintes pour 2022.
"Avec la multiplicité des candidats de gauche, ça va être compliqué."
Eric Degennemilitant de La France insoumise
Ce militant de la première heure suit Jean-Luc Mélenchon depuis le début des années 2000. Il avait adhéré au Parti socialiste "pour lui". Et il ne l’a jamais quitté depuis. Ses badges LFI, épinglés à son polo, sont exhibés comme des trophées. "Ceux-là, vous ne les trouverez nulle part. Ils sont personnalisés", s’amuse-t-il. Le militant a passé une partie de son été dans les caravanes de l’Union populaire. "J’ai acheté mon propre barnum pour ça. Il fait trois mètres sur trois. On pose des tables, on prépare le café et on parle avec les gens, explique Eric. On voit avec eux s’ils ont bien accès à toutes les aides auxquelles ils ont droit, on essaye de leur donner une autre image de la politique et on les inscrits sur les listes électorales."
Un peu plus loin sur le campus, Françoise Godin, 59 ans, venue de Noisiel (Seine-et-Marne), vient recharger ses batteries de militante. "On vient ici pour se rebooster, se renforcer", précise-t-elle. Son leitmotiv : convaincre. "Il faut savoir parler aux gens. Notre rôle, c’est de leur faire comprendre que l’école, leur quotidien, tout est politique." Mais cette membre de La France insoumise depuis sa création en 2016 ne le cache pas : depuis quelque temps, elle doute. Il y a quelques mois, elle songeait même à tout arrêter. "Je suis dans une phase d’entre-deux, j’hésite", reconnaît cette directrice d’école en zone d’éducation prioritaire ZEP, qui ajoute un peu gênée et avec émotion : "J’aime bien Jean-Luc. Mais j’en arrive à me demander à quoi ça sert d’aller faire campagne." Au leader des "insoumis" de convaincre les militants, dimanche, lorsqu'il montera à la tribune.
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