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Présidentielle 2022 : que risque Eric Zemmour pour avoir utilisé des images sans autorisation dans sa vidéo de candidature ?

Le polémiste d'extrême droite a présenté sa candidature dans une vidéo remplie d'extraits de films et de reportages. Les ayants droit de ces contenus sont nombreux à s'insurger contre ce "vol" et le menacent de poursuites judiciaires.

Article rédigé par franceinfo - Thibaud Le Meneec
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Des écrans de télévision diffusant la vidéo de candidature d'Eric Zemmour, à Paris, le 30 novembre 2021. (Thomas SAMSON / AFP)

Si le fond était prévisible, c'est bien la forme qui fait parler d'elle : en publiant mardi 30 novembre une vidéo YouTube pour officialiser sa candidature à l'élection présidentielle, Eric Zemmour a déclenché un tollé qui dépasse le simple cadre de sa campagne. Dans cette séquence de dix minutes, le polémiste d'extrême droite commente de nombreux extraits d'archives ou d'actualité, se présentant en "sauveur de la France". Le hic ? Certaines de ces images sont soumises à des droits d'auteur et l'équipe du candidat n'a visiblement pas effectué les démarches pour les obtenir.

Le propriétaire du château d'Ussé, la société Pathé, la chaîne Public Sénat, le journaliste Clément Lanot, le fils de la chanteuse Barbara… Nombreux sont les ayants droit qui ont publiquement dénoncé l'utilisation indue de ces contenus pour servir la candidature d'Eric Zemmour. Certains envisagent ou ont entamé des poursuites, comme Jacques Attali, le HuffPost.fr ou le groupe Gaumont, furieux de voir des images des films Un Singe en hiver et Jeanne d'Arc insérées dans ce clip.

Pour le secrétaire d'Etat chargé du Numérique, Cédric O, il s'agit même d'un "doigt d'honneur" au droit d'auteur, en référence au "geste inélégant" que l'ancien journaliste a reconnu avoir commis samedi à Marseille.

"Des droits ont été enfreints"

Au-delà de la condamnation politique et culturelle, un risque juridique se profile maintenant pour Eric Zemmour : "Il y a des droits de propriété intellectuelle qui ont été enfreints, car son équipe n'a aucunement recueilli l'autorisation auprès des titulaires pour exploiter ces œuvres", assure Etienne Bucher, avocat spécialisé en droit de la propriété intellectuelle, interrogé par franceinfo. Pour utiliser ces images, le candidat à la présidentielle aurait dû "conclure un contrat de cession de droits pour une utilisation encadrée, avec un périmètre dans le temps et dans l'espace, qui désigne notamment les finalités et les supports de l'exploitation".

Dans le cas de Gaumont, la procédure utilisée pourrait être un référé, selon Le Figaro"une procédure d'urgence dès qu'une violation d'un droit est constatée", explique l'avocat.

"Le juge va se pencher dessus et peut condamner le parti d'Eric Zemmour à supprimer la vidéo."

Etienne Bucher, avocat spécialisé en droit de la propriété intellectuelle

à franceinfo

Mercredi après-midi, la vidéo était toujours accessible sur la chaîne YouTube du candidat d'extrême droite, y compris les extraits dont la reproduction est contestée.

"Des dommages difficiles à chiffrer"

Quelles peuvent être les conséquences financières de ces infractions ? L'émission "Quotidien" estime que le "vol" des images par les équipes du polémiste s'élève à plus de 100 000 euros d'archives. "100 000 euros, c’est s’ils avaient demandé les droits. Car maintenant il va falloir rajouter les procès", a ironisé le présentateur Yann Barthès, qui promet que l'argent des poursuites sera reversé "à des associations de migrants".


"Les dommages et intérêts sont difficiles à chiffrer puisqu'ils dépendent du préjudice subi par le titulaire des droits"
, complète Etienne Bucher. Le spécialiste en droit de la propriété intellectuelle insiste également sur le fait que les procédures pour des affaires similaires se mènent au cas par cas, avec des issues variables. "Dans un clip de campagne de 2020, Jean-Luc Mélenchon avait repris un tag protégeable par le droit d'auteur. L'artiste avait été débouté de ses demandes", rappelle l'avocat. Le plaignant, qui a fait appel, réclamait au candidat et à sa formation politique 200 000 euros pour contrefaçon et 100 000 euros de dommages et intérêts.

"On a fait les choses comme il faut"

Vilipendé pour son non-respect du droit d'auteur, Eric Zemmour pourrait aussi l'être pour l'infraction au droit à l'image des personnes représentées dans cette longue vidéo. "S'il y a des personnes reconnaissables et identifiables, elles ont la possibilité de s'opposer à la reproduction de leur image, explique Etienne Bucher. En général, ce sont des dommages et intérêts résiduels, car les préjudices sont relativement faibles."

Face à ces nombreuses critiques, l'entourage du polémiste se défend de tout amateurisme. "Tout a été réglé ou est en cours de règlement pour les images ajoutées récemment. On fait les choses comme il faut. C’est un non-sujet", s'est défendu le porte-parole du candidat, Olivier Ubéda, dans Le Monde. Invité du "20 Heures" de TF1, mardi 30 novembre, Eric Zemmour a minimisé les poursuites envisagées contre lui, évoquant des "querelles de juristes".

Pour Etienne Bucher, en revanche, il s'agit bien d'une "instrumentalisation du droit de la propriété intellectuelle à des fins politiques". Une manœuvre qui pourrait valoir au candidat de nouveaux démêlés avec la justice.

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